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Il s’agit de faire voir avec des mots, lesquels ne peuvent être interchangeables, tout particulièrement lorsque l’on se donne pour objectif de rendre compte de la manière la plus minutieuse et différenciée possible de la spécificité des situations, chaque fois inédites, à laquelle on est confronté.\n La rationalité explicative qui s’élabore dans un processus de substitution de l’invisible (concept) au visible (sensations) et du général au particulier est aujourd’hui l’objet d’un scepticisme croissant, et il n’est pas impossible que la description ethnographique qui, elle, s’en tient au voir et est à la recherche de l’écriture de ce qui particularise, connaisse un regain d’actualité. Mais cette activité, dont cette conférence montrera qu’elle ne peut être considérée comme subalterne (une espèce de « degré zéro de la connaissance ») n’a paradoxalement jamais été pensée comme telle par les anthropologues qui pourtant la tiennent pour la catégorie principale de notre discipline.\n La difficulté vient du fait que la description ethnographique non seulement ne dissocie pas l’étude de la culture (ethnos) de la question de l’écriture (graphê), mais fait précisément de leur relation sa spécificité. Procédant à la transformation du regard en langage, elle suppose, si nous voulons la comprendre, que nous nous interrogions sur les rapports du visible au dicible ou plus exactement au lisible. L’ethnographie, c’est de la réalité sociale devenue langage, et qui s’inscrit dans un réseau d’intertextualité : l’anthropologie, qui entretient un rapport nécessaire avec du déjà dit et du déjà écrit. Quelles sont dans ces conditions les relations entre la réalité sociale et la réalité textuelle ? Comment se construit non seulement la société comme texte, mais la société du texte?","PeriodicalId":84519,"journal":{"name":"Culture (Canadian Ethnology Society)","volume":"1 1","pages":""},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2021-11-25","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Un défi majeur : penser la description ethnographique\",\"authors\":\"F. Laplantine\",\"doi\":\"10.7202/1084022ar\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"La description ethnographique (littéralement l’écriture de la culture), sans laquelle il n’y a pas d’anthropologie possible est une activité indistinctement linguistique et visuelle, on pourrait presque dire, comme Marcel Duchamp le disait de la peinture, une « activité rétinienne ». 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Un défi majeur : penser la description ethnographique
La description ethnographique (littéralement l’écriture de la culture), sans laquelle il n’y a pas d’anthropologie possible est une activité indistinctement linguistique et visuelle, on pourrait presque dire, comme Marcel Duchamp le disait de la peinture, une « activité rétinienne ». Attentive au détail — et aux détails du détail — elle s’organise à partir d’une expérience du voir qui tente d’élaborer un savoir (l’anthropologie) qui sans cesse fait retour au voir.
Mais elle ne consiste pas seulement à voir, mais à faire voir, c’est-à-dire à écrire ce que l’on a vu et qui maintenant n’est plus. L’ethnographie comme écriture de la différence est une écriture différée qui ne saurait s’accommoder d’une indifférence (=sans différence) linguistique, mais est au contraire appelée à la mise en oeuvre des ressources syntaxiques et lexicales de la langue. Il s’agit de faire voir avec des mots, lesquels ne peuvent être interchangeables, tout particulièrement lorsque l’on se donne pour objectif de rendre compte de la manière la plus minutieuse et différenciée possible de la spécificité des situations, chaque fois inédites, à laquelle on est confronté.
La rationalité explicative qui s’élabore dans un processus de substitution de l’invisible (concept) au visible (sensations) et du général au particulier est aujourd’hui l’objet d’un scepticisme croissant, et il n’est pas impossible que la description ethnographique qui, elle, s’en tient au voir et est à la recherche de l’écriture de ce qui particularise, connaisse un regain d’actualité. Mais cette activité, dont cette conférence montrera qu’elle ne peut être considérée comme subalterne (une espèce de « degré zéro de la connaissance ») n’a paradoxalement jamais été pensée comme telle par les anthropologues qui pourtant la tiennent pour la catégorie principale de notre discipline.
La difficulté vient du fait que la description ethnographique non seulement ne dissocie pas l’étude de la culture (ethnos) de la question de l’écriture (graphê), mais fait précisément de leur relation sa spécificité. Procédant à la transformation du regard en langage, elle suppose, si nous voulons la comprendre, que nous nous interrogions sur les rapports du visible au dicible ou plus exactement au lisible. L’ethnographie, c’est de la réalité sociale devenue langage, et qui s’inscrit dans un réseau d’intertextualité : l’anthropologie, qui entretient un rapport nécessaire avec du déjà dit et du déjà écrit. Quelles sont dans ces conditions les relations entre la réalité sociale et la réalité textuelle ? Comment se construit non seulement la société comme texte, mais la société du texte?