{"title":"Ronsard面对衰老和死亡:从享乐主义到自我同情","authors":"R. Gil","doi":"10.1016/j.npg.2022.12.004","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>Pierre de Ronsard, qualifié au XVI<sup>e</sup> siècle de « prince des poètes », rassembla autour de lui la Pléiade. Comblé de faveurs par Henri II et Charles IX, pétri d’une immense culture classique, il écrivit des poèmes d’une langue savante et mélodieuse, avec une versification rigoureuse. Il fut surtout considéré comme un épicurien, célébrant dans ses poèmes ses amours et ses déceptions amoureuses, les plaisirs de la bonne chère et du bon vin, le souci de jouir de l’instant présent. Il fut en effet habité aussi par la perspective du temps qui passe, par la fuite de la jeunesse, par la perspective de la vieillesse, des maladies et par la conscience de la finitude. À 31 ans, il rassemble sa vision de la vieillesse et de la mort dans un hymne aux accents graves orné d’images mythologiques et soutenu par sa foi chrétienne. Il y exprime moins une crainte de la vieillesse et de la mort qu’une crainte de la mort sociale, de l’incapacité de se mouvoir, des souffrances de fin de vie. Plus de trente plus tard, dans sa soixante et unième année, son état de santé le confine dans ses deux prieurés et ses épreuves de fin de vie durent environ deux mois. Ronsard fut très entouré notamment par quelques amis et par les religieux de ses prieurés. Claude Binet, son disciple, consigna ses observations sur les paroles et le comportement du poète dans une biographie. Par ailleurs, Ronsard composa des poèmes qu’il dicta jusqu’aux derniers instants de sa vie. Les témoignages ainsi recueillis ont conduit à analyser comment le poète, considéré comme épicurien, avait vécu sa fin de vie. Cette étude permet de montrer que Ronsard abandonna son épicurisme tandis que ses paroles et son comportement relèvent d’une auto-compassion avec ses trois composantes : la gentillesse à l’égard de soi, le sentiment d’appartenance à une humanité commune, exposée à la maladie, à la vieillesse, à la mort, une pleine conscience excluant l’hyperidentification avec l’expérience douloureuse et ses émotions négatives. L’auto-compassion est ainsi distinguée de l’auto-apitoiement et de l’estime de soi longtemps considérée comme un facteur déterminant de la santé mentale. La fin de vie de Ronsard est ainsi l’occasion d’apprécier de manière nouvelle l’œuvre de cet immense poète. Elle permet aussi de mettre en parallèle une œuvre littéraire et l’histoire de vie dont elle témoigne. Elle permet enfin de prêter attention aux manifestations cliniques de l’auto-compassion et à prendre la mesure de son importance comme stratégie adaptative à l’égard des épreuves de l’existence et notamment, en situation de soins palliatifs, dans l’accompagnement de fin de vie.</p></div><div><p>Pierre de Ronsard, described in the 16th century as the “prince of poets”, gathered the Pléiade group of poets around him. Blessed with favours of Henry II and Charles IX, and with a vast classical culture, he wrote poems in a learned and melodious language, with strict versification. He was above all considered an epicurean, celebrating in his poems his loves and disappointments, the pleasures of good food and good wine, and the desire to enjoy the present moment. He was in fact also inhabited by the perspective of passing time, by the flight of youth, by the prospect of old age and illness and by the awareness of finitude. At the age of 31, he brought together his views of old age and death in a hymn with sombre accents, adorned with mythological images and supported by his Christian faith. In it, he expresses not so much a fear of old age and death as a fear of social death, and of the inability to move, of the end-of-life suffering. More than thirty years later, in his sixty-first year, his state of health confined him to his two priories and his end-of-life sufferings lasted about two months. Ronsard was closely supported by a few friends and by the monks of his priories. Claude Binet, his disciple, recorded his observations on the poet's words and behaviour in a biography. In addition, Ronsard composed poems, which he dictated up to the last moments of his life. The testimonies thus collected lead us to an analysis of how the poet, who was considered an epicurean, had experienced the ending of his life. This study shows that Ronsard abandoned his epicureanism, and that alongside his words and his behaviours related to self-compassion with its three components: kindness towards oneself, the feeling of belonging to a common humanity, exposed to illness, old age and death, and a mindfulness excluding hyperidentification with the painful experience and its negative emotions. Self-compassion is thus distinguished from self-pity and self-esteem, which have long been considered as determining factors in mental health. The end of Ronsard's life is thus an opportunity to appreciate the work of this immense poet in a new way. It also provides an opportunity to compare a literary corpus with the life story to which it bears witness. Finally, it encourages us to pay attention to the clinical manifestations of self-compassion and to take the measure of its importance as an adaptive strategy to cope with the trials of life, and, in particular, in a palliative care situation, for the accompaniment of the end of life.</p></div>","PeriodicalId":35487,"journal":{"name":"NPG Neurologie - Psychiatrie - Geriatrie","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-06-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Ronsard face à la vieillesse et à la mort : de l’épicurisme à l’auto-compassion\",\"authors\":\"R. Gil\",\"doi\":\"10.1016/j.npg.2022.12.004\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"<div><p>Pierre de Ronsard, qualifié au XVI<sup>e</sup> siècle de « prince des poètes », rassembla autour de lui la Pléiade. 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Plus de trente plus tard, dans sa soixante et unième année, son état de santé le confine dans ses deux prieurés et ses épreuves de fin de vie durent environ deux mois. Ronsard fut très entouré notamment par quelques amis et par les religieux de ses prieurés. Claude Binet, son disciple, consigna ses observations sur les paroles et le comportement du poète dans une biographie. Par ailleurs, Ronsard composa des poèmes qu’il dicta jusqu’aux derniers instants de sa vie. Les témoignages ainsi recueillis ont conduit à analyser comment le poète, considéré comme épicurien, avait vécu sa fin de vie. Cette étude permet de montrer que Ronsard abandonna son épicurisme tandis que ses paroles et son comportement relèvent d’une auto-compassion avec ses trois composantes : la gentillesse à l’égard de soi, le sentiment d’appartenance à une humanité commune, exposée à la maladie, à la vieillesse, à la mort, une pleine conscience excluant l’hyperidentification avec l’expérience douloureuse et ses émotions négatives. L’auto-compassion est ainsi distinguée de l’auto-apitoiement et de l’estime de soi longtemps considérée comme un facteur déterminant de la santé mentale. La fin de vie de Ronsard est ainsi l’occasion d’apprécier de manière nouvelle l’œuvre de cet immense poète. Elle permet aussi de mettre en parallèle une œuvre littéraire et l’histoire de vie dont elle témoigne. 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At the age of 31, he brought together his views of old age and death in a hymn with sombre accents, adorned with mythological images and supported by his Christian faith. In it, he expresses not so much a fear of old age and death as a fear of social death, and of the inability to move, of the end-of-life suffering. More than thirty years later, in his sixty-first year, his state of health confined him to his two priories and his end-of-life sufferings lasted about two months. Ronsard was closely supported by a few friends and by the monks of his priories. Claude Binet, his disciple, recorded his observations on the poet's words and behaviour in a biography. In addition, Ronsard composed poems, which he dictated up to the last moments of his life. The testimonies thus collected lead us to an analysis of how the poet, who was considered an epicurean, had experienced the ending of his life. 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摘要
皮埃尔·德·朗萨尔(Pierre de Ronsard)在16世纪被称为“诗人王子”,他周围聚集了昴宿星。在亨利二世和查理九世的青睐下,他沉浸在巨大的古典文化中,他用一种博学而优美的语言写诗,并有严格的诗句化。他主要被认为是一个享乐主义者,在他的诗中庆祝他的爱情和爱情的失望,美酒的乐趣,享受当下的关注。事实上,它也充满了时间流逝的视角、年轻人的逃亡、老年、疾病的视角以及对有限性的意识。31岁时,他将自己对衰老和死亡的看法汇集在一首带有神话色彩的深沉赞美诗中,并以他的基督教信仰为基础。他表达的不是对衰老和死亡的恐惧,而是对社会死亡、无法行动和临终痛苦的恐惧。30多年后,在他61岁的时候,他的健康状况将他限制在两座隐修会,他的临终考验持续了大约两个月。朗萨尔被一些朋友和他的修道院的宗教人士包围着。他的弟子克劳德·比奈(Claude Binet)在传记中记录了他对诗人的言论和行为的观察。此外,朗萨尔还创作了诗歌,他口述到生命的最后时刻。这样收集的证词使我们分析了这位被认为是享乐主义者的诗人是如何度过余生的。这项研究表明,Ronsard放弃了享乐主义,而他的言语和行为是自我同情的一部分,有三个组成部分:对自己的善良,对共同人性的归属感,暴露于疾病、衰老和死亡,以及排除对痛苦经历和负面情绪过度认同的正念。因此,自我同情不同于自怜和自尊,自怜和自尊长期以来被认为是心理健康的决定因素。因此,朗萨尔生命的终结是一个以新的方式欣赏这位伟大诗人作品的机会。它还允许将文学作品与它所见证的生活故事进行比较。最后,它使我们能够关注自我同情的临床表现,并衡量其作为一种适应生存考验的策略的重要性,特别是在姑息治疗的情况下,在临终关怀中。皮埃尔·德·朗萨尔(Pierre de Ronsard)在16世纪被描述为“诗人王子”,聚集了他周围的昴宿星诗人。受亨利二世和查理九世的青睐,以及巨大的古典文化的祝福,他用博学的旋律语言写诗,并严格诗句化。最重要的是,他被认为是一位修行者,在他的诗中庆祝他的爱和失望,美食和美酒的乐趣,以及享受当下的愿望。事实上,他还被时间流逝的前景、年轻人的飞行、老年和疾病的前景以及对有限性的认识所困扰。31岁时,他在一首带有黑暗口音的赞美诗中,将自己对衰老和死亡的看法结合在一起,受到神话图像的崇拜,并得到基督教信仰的支持。在这方面,他表达的不是对老年和死亡的恐惧,而是对社会死亡、无法行动、生命终结痛苦的恐惧。三十多年后,在他六十一岁的时候,他的健康状况使他陷入了两个优先事项,他的临终痛苦持续了大约两个月。朗萨尔得到了几个朋友和他优先考虑的僧侣的密切支持。他的弟子克劳德·比奈(Claude Binet)在传记中记录了他对诗人言行的观察。此外,朗萨尔还创作了诗歌,他在生命的最后时刻口述了这些诗歌。我们收集的证词使我们分析了这位被认为是修士的诗人如何经历了生命的终结。这项研究表明,朗萨尔放弃了他的修行主义,并结合了他与自我同情有关的言论和行为,包括三个组成部分:对自我的仁慈、属于普通人的感觉、暴露于疾病、衰老和死亡,以及排除对痛苦经历及其负面情绪的过度认同的正念。因此,自我同情不同于自怜和自尊,自怜长期以来一直被视为心理健康的决定因素。朗萨尔生命的终结是一个以新的方式欣赏这位伟大诗人作品的机会。它还提供了一个机会,将文学语料库与它所见证的生活故事进行比较。 最后,它鼓励我们注意自我同情的临床表现,并将其重要性作为一种适应策略,以应对生命的考验,特别是在姑息治疗的情况下,应对生命终结。
Ronsard face à la vieillesse et à la mort : de l’épicurisme à l’auto-compassion
Pierre de Ronsard, qualifié au XVIe siècle de « prince des poètes », rassembla autour de lui la Pléiade. Comblé de faveurs par Henri II et Charles IX, pétri d’une immense culture classique, il écrivit des poèmes d’une langue savante et mélodieuse, avec une versification rigoureuse. Il fut surtout considéré comme un épicurien, célébrant dans ses poèmes ses amours et ses déceptions amoureuses, les plaisirs de la bonne chère et du bon vin, le souci de jouir de l’instant présent. Il fut en effet habité aussi par la perspective du temps qui passe, par la fuite de la jeunesse, par la perspective de la vieillesse, des maladies et par la conscience de la finitude. À 31 ans, il rassemble sa vision de la vieillesse et de la mort dans un hymne aux accents graves orné d’images mythologiques et soutenu par sa foi chrétienne. Il y exprime moins une crainte de la vieillesse et de la mort qu’une crainte de la mort sociale, de l’incapacité de se mouvoir, des souffrances de fin de vie. Plus de trente plus tard, dans sa soixante et unième année, son état de santé le confine dans ses deux prieurés et ses épreuves de fin de vie durent environ deux mois. Ronsard fut très entouré notamment par quelques amis et par les religieux de ses prieurés. Claude Binet, son disciple, consigna ses observations sur les paroles et le comportement du poète dans une biographie. Par ailleurs, Ronsard composa des poèmes qu’il dicta jusqu’aux derniers instants de sa vie. Les témoignages ainsi recueillis ont conduit à analyser comment le poète, considéré comme épicurien, avait vécu sa fin de vie. Cette étude permet de montrer que Ronsard abandonna son épicurisme tandis que ses paroles et son comportement relèvent d’une auto-compassion avec ses trois composantes : la gentillesse à l’égard de soi, le sentiment d’appartenance à une humanité commune, exposée à la maladie, à la vieillesse, à la mort, une pleine conscience excluant l’hyperidentification avec l’expérience douloureuse et ses émotions négatives. L’auto-compassion est ainsi distinguée de l’auto-apitoiement et de l’estime de soi longtemps considérée comme un facteur déterminant de la santé mentale. La fin de vie de Ronsard est ainsi l’occasion d’apprécier de manière nouvelle l’œuvre de cet immense poète. Elle permet aussi de mettre en parallèle une œuvre littéraire et l’histoire de vie dont elle témoigne. Elle permet enfin de prêter attention aux manifestations cliniques de l’auto-compassion et à prendre la mesure de son importance comme stratégie adaptative à l’égard des épreuves de l’existence et notamment, en situation de soins palliatifs, dans l’accompagnement de fin de vie.
Pierre de Ronsard, described in the 16th century as the “prince of poets”, gathered the Pléiade group of poets around him. Blessed with favours of Henry II and Charles IX, and with a vast classical culture, he wrote poems in a learned and melodious language, with strict versification. He was above all considered an epicurean, celebrating in his poems his loves and disappointments, the pleasures of good food and good wine, and the desire to enjoy the present moment. He was in fact also inhabited by the perspective of passing time, by the flight of youth, by the prospect of old age and illness and by the awareness of finitude. At the age of 31, he brought together his views of old age and death in a hymn with sombre accents, adorned with mythological images and supported by his Christian faith. In it, he expresses not so much a fear of old age and death as a fear of social death, and of the inability to move, of the end-of-life suffering. More than thirty years later, in his sixty-first year, his state of health confined him to his two priories and his end-of-life sufferings lasted about two months. Ronsard was closely supported by a few friends and by the monks of his priories. Claude Binet, his disciple, recorded his observations on the poet's words and behaviour in a biography. In addition, Ronsard composed poems, which he dictated up to the last moments of his life. The testimonies thus collected lead us to an analysis of how the poet, who was considered an epicurean, had experienced the ending of his life. This study shows that Ronsard abandoned his epicureanism, and that alongside his words and his behaviours related to self-compassion with its three components: kindness towards oneself, the feeling of belonging to a common humanity, exposed to illness, old age and death, and a mindfulness excluding hyperidentification with the painful experience and its negative emotions. Self-compassion is thus distinguished from self-pity and self-esteem, which have long been considered as determining factors in mental health. The end of Ronsard's life is thus an opportunity to appreciate the work of this immense poet in a new way. It also provides an opportunity to compare a literary corpus with the life story to which it bears witness. Finally, it encourages us to pay attention to the clinical manifestations of self-compassion and to take the measure of its importance as an adaptive strategy to cope with the trials of life, and, in particular, in a palliative care situation, for the accompaniment of the end of life.
期刊介绍:
Aux confins de la neurologie, de la psychiatrie et de la gériatrie, NPG propose a tous les acteurs de la prise en charge du vieillissement cérébral normal et pathologique, des développements récents et adaptés a leur pratique clinique.