污名化、歧视和自动污名化

F. Linard
{"title":"污名化、歧视和自动污名化","authors":"F. Linard","doi":"10.1016/j.mmifmc.2025.01.005","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><div>La santé mentale est aujourd'hui en première ligne. L'auto-stigmatisation, source de souffrance psychique, fait partie des aspects psychiatriques de l'infection par le VIH. On ne peut parler d'auto-stigmatisation sans définir deux autres notions: la stigmatisation et la discrimination.</div><div>Ce sont des thèmes transversaux car leurs causes et conséquences ont des dimensions multiples: juridiques (droits de l'Homme), médicales (accès aux soins), psychologiques (auto-stigmatisation, honte, dépression) et sociales (difficultés/emploi, logement, ressources).</div><div>La stigmatisation est un concept sociologique crée par Ervin Goffman en 1963. Selon Goffman, un individu stigmatisé « se définit comme n'étant en rien différent d'un quelconque être humain, alors même qu'il se conçoit (et que les autres le définissent) comme quelqu'un à part » [1]. La stigmatisation visible inclut par exemple la race, le poids. La stigmatisation sur des éléments non visibles inclut la maladie mentale et les identités sexuelles minoritaires.</div><div>Le lien entre les groupes stigmatisés et la détresse psychologique peut être dû aux circonstances elles-mêmes, mais la stigmatisation semble également jouer un rôle. Par exemple, le chômage affecte le bien-être du fait du stress vécu et du manque d'occupation. Mais la stigmatisation du chômage est également associée à une détresse psychologique [2].</div><div>La stigmatisation aboutit à des discriminations: mise à l’écart, perte des droits humains, difficultés d'accès aux soins, voire violences et agressions. Mais également à de la perte de pouvoir social, à surtout à l'auto-stigmatisation. Jean Benoist rappelle les fondements « légitimistes » des mesures discriminatoires, ensemble d'actions qui visent à se protéger contre ceux qui font « peur », qui semblent « menacer l'ordre social », ceux qui présentent des « anomalies » [3].</div><div>Les caractéristiques de l'infection par le VIH : mode de transmission, pandémie, « le cancer gay », « la maladie des blancs », etc., ont fait que d'emblée la question de la stigmatisation a été présente.</div><div>Dans certains cas, l'atteinte par le VIH est un motif qui révèle des discriminations antérieures, ou vient en renforcer d'autres. On pense par exemple à la condamnation morale, religieuse et judiciaire qui frappe la prostitution, l'homosexualité, la transsexualité, etc.</div><div>La honte et les sentiments de culpabilité peuvent être très intériorisés et peu exprimés. Il est « normal de souffrir lorsque l'on a commis une faute ». L'agressivité est retournée contre soi, empêchant la combativité vis-à-vis de la maladie et générant des affects dépressifs.</div><div>La révolte face à ces faits est difficile psychiquement, le sujet est divisé entre ce qu'il est, ce qu'il ressent, et la manière dont il a été construit au sein d'une société et d'un système qui aujourd'hui le condamne (lui-même était éventuellement discriminant hier).</div><div>Les PVVIH sont souvent déjà en difficulté face à la maladie et refoulent leurs sentiments de révolte: elles sont à la merci du système de soins, en admettant qu'elles y aient eu accès. D'autant qu'il y a souvent peu d'interlocuteurs possibles en dehors du secours apporté par les soignants et les associations. Souvent tout se déroule comme si les patients comprenaient et acceptaient la logique symbolique de ce qu'ils subissent et donc de ce qu'ils s'infligent. Dans le cadre social et familial, les enjeux apparaissent tellement importants (avoir un toit, être « toléré » dans la communauté) que la lutte ouverte est peu envisagée. L'auto-stigmatisation consiste à intérioriser l’étiquette posée par l'autre. On connaît son impact négatif (« <em>internalized stigma</em> ») sur l'observance au traitement antirétroviral et sur la prévalence de la dépression. Il est important de soutenir la prise de conscience du patient, qu'il réalise que l'auto-stigmatisation consiste à adopter le point de vue de ceux qui le blâment sur des questions identitaires qui doivent au contraire être reconnues et respectées, comme constitutives de sa personne.</div></div>","PeriodicalId":100906,"journal":{"name":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","volume":"4 1","pages":"Page S2"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2025-02-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Stigmatisation, discriminations & auto-stigmatisation\",\"authors\":\"F. Linard\",\"doi\":\"10.1016/j.mmifmc.2025.01.005\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"<div><div>La santé mentale est aujourd'hui en première ligne. L'auto-stigmatisation, source de souffrance psychique, fait partie des aspects psychiatriques de l'infection par le VIH. 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La stigmatisation sur des éléments non visibles inclut la maladie mentale et les identités sexuelles minoritaires.</div><div>Le lien entre les groupes stigmatisés et la détresse psychologique peut être dû aux circonstances elles-mêmes, mais la stigmatisation semble également jouer un rôle. Par exemple, le chômage affecte le bien-être du fait du stress vécu et du manque d'occupation. Mais la stigmatisation du chômage est également associée à une détresse psychologique [2].</div><div>La stigmatisation aboutit à des discriminations: mise à l’écart, perte des droits humains, difficultés d'accès aux soins, voire violences et agressions. Mais également à de la perte de pouvoir social, à surtout à l'auto-stigmatisation. Jean Benoist rappelle les fondements « légitimistes » des mesures discriminatoires, ensemble d'actions qui visent à se protéger contre ceux qui font « peur », qui semblent « menacer l'ordre social », ceux qui présentent des « anomalies » [3].</div><div>Les caractéristiques de l'infection par le VIH : mode de transmission, pandémie, « le cancer gay », « la maladie des blancs », etc., ont fait que d'emblée la question de la stigmatisation a été présente.</div><div>Dans certains cas, l'atteinte par le VIH est un motif qui révèle des discriminations antérieures, ou vient en renforcer d'autres. On pense par exemple à la condamnation morale, religieuse et judiciaire qui frappe la prostitution, l'homosexualité, la transsexualité, etc.</div><div>La honte et les sentiments de culpabilité peuvent être très intériorisés et peu exprimés. Il est « normal de souffrir lorsque l'on a commis une faute ». L'agressivité est retournée contre soi, empêchant la combativité vis-à-vis de la maladie et générant des affects dépressifs.</div><div>La révolte face à ces faits est difficile psychiquement, le sujet est divisé entre ce qu'il est, ce qu'il ressent, et la manière dont il a été construit au sein d'une société et d'un système qui aujourd'hui le condamne (lui-même était éventuellement discriminant hier).</div><div>Les PVVIH sont souvent déjà en difficulté face à la maladie et refoulent leurs sentiments de révolte: elles sont à la merci du système de soins, en admettant qu'elles y aient eu accès. D'autant qu'il y a souvent peu d'interlocuteurs possibles en dehors du secours apporté par les soignants et les associations. Souvent tout se déroule comme si les patients comprenaient et acceptaient la logique symbolique de ce qu'ils subissent et donc de ce qu'ils s'infligent. Dans le cadre social et familial, les enjeux apparaissent tellement importants (avoir un toit, être « toléré » dans la communauté) que la lutte ouverte est peu envisagée. L'auto-stigmatisation consiste à intérioriser l’étiquette posée par l'autre. On connaît son impact négatif (« <em>internalized stigma</em> ») sur l'observance au traitement antirétroviral et sur la prévalence de la dépression. Il est important de soutenir la prise de conscience du patient, qu'il réalise que l'auto-stigmatisation consiste à adopter le point de vue de ceux qui le blâment sur des questions identitaires qui doivent au contraire être reconnues et respectées, comme constitutives de sa personne.</div></div>\",\"PeriodicalId\":100906,\"journal\":{\"name\":\"Médecine et Maladies Infectieuses Formation\",\"volume\":\"4 1\",\"pages\":\"Page S2\"},\"PeriodicalIF\":0.0000,\"publicationDate\":\"2025-02-01\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"0\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"Médecine et Maladies Infectieuses Formation\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2772743225000066\",\"RegionNum\":0,\"RegionCategory\":null,\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"\",\"JCRName\":\"\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2772743225000066","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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摘要

心理健康现在是最重要的。自我羞辱是造成心理痛苦的一个因素,是艾滋病毒感染的精神方面。说到自我污名,我们不能不定义另外两个概念:污名化和歧视。这些是跨领域的主题,因为它们的原因和后果是多方面的:法律(人权)、医疗(获得保健)、心理(自我污名化、羞耻、抑郁)和社会(困难/就业、住房、资源)。污名化是一个社会学概念,由Ervin Goffman于1963年提出。根据戈夫曼的说法,一个被污名化的个体“将自己定义为与任何其他人类没有任何不同,即使他认为自己(以及其他人对他的定义)是一个不同的人”[1]。可见的污名包括,例如,种族,体重。对无形因素的污名化包括精神疾病和少数性别认同。污名化群体和心理痛苦之间的联系可能是环境本身的结果,但污名化似乎也起了作用。例如,由于压力和缺乏就业机会,失业会影响幸福感。但失业的耻辱也与心理痛苦有关。污名化导致歧视:边缘化、丧失人权、难以获得保健,甚至暴力和攻击。但它也会导致社会权力的丧失,尤其是自我污名化。Jean Benoist回顾了歧视性措施的“合法性”基础,一系列旨在保护自己免受那些“害怕”的人,那些似乎“威胁社会秩序”的人,那些表现出“异常”的人[3]的伤害的行动。艾滋病毒感染的特点——传播模式、大流行、“同性恋癌症”、“白人疾病”等等——从一开始就提出了污名化问题。在某些情况下,感染艾滋病毒是一种动机,揭示或加强了以前的歧视。例如,对卖淫、同性恋、变性人等的道德、宗教和司法谴责。羞耻和内疚可能会在很大程度上被内化,很少被表达。“犯错时受苦是正常的”。攻击性会适得其反,阻碍与疾病的斗争,并产生抑郁的影响。面对这些事实的反抗在心理上是困难的,主体在他是什么,他感觉什么,以及他是如何在一个今天谴责他的社会和系统中建立起来的(他自己昨天可能是歧视者)之间分裂。艾滋病毒感染者往往已经在与疾病作斗争,并抑制他们的反抗情绪:他们听任保健系统的摆布,承认他们有机会获得保健。更重要的是,除了护理人员和协会提供的帮助外,通常很少有可能的对话者。通常情况下,病人似乎理解并接受了他们所经历的,因此也接受了他们强加给自己的象征性逻辑。在社会和家庭环境中,风险似乎如此之大(有个栖身之所,在社区中被“容忍”),以至于公开的斗争很少被考虑。自我污名化包括内化他人强加的标签。众所周知,它对抗逆转录病毒治疗的依从性和抑郁症的流行率产生了负面影响(“内化耻辱”)。重要的是要支持患者的意识,让他们意识到自我污名包括接受那些在身份问题上指责他们的人的观点,而这些问题应该被承认和尊重,作为他们个人的组成部分。
本文章由计算机程序翻译,如有差异,请以英文原文为准。
Stigmatisation, discriminations & auto-stigmatisation
La santé mentale est aujourd'hui en première ligne. L'auto-stigmatisation, source de souffrance psychique, fait partie des aspects psychiatriques de l'infection par le VIH. On ne peut parler d'auto-stigmatisation sans définir deux autres notions: la stigmatisation et la discrimination.
Ce sont des thèmes transversaux car leurs causes et conséquences ont des dimensions multiples: juridiques (droits de l'Homme), médicales (accès aux soins), psychologiques (auto-stigmatisation, honte, dépression) et sociales (difficultés/emploi, logement, ressources).
La stigmatisation est un concept sociologique crée par Ervin Goffman en 1963. Selon Goffman, un individu stigmatisé « se définit comme n'étant en rien différent d'un quelconque être humain, alors même qu'il se conçoit (et que les autres le définissent) comme quelqu'un à part » [1]. La stigmatisation visible inclut par exemple la race, le poids. La stigmatisation sur des éléments non visibles inclut la maladie mentale et les identités sexuelles minoritaires.
Le lien entre les groupes stigmatisés et la détresse psychologique peut être dû aux circonstances elles-mêmes, mais la stigmatisation semble également jouer un rôle. Par exemple, le chômage affecte le bien-être du fait du stress vécu et du manque d'occupation. Mais la stigmatisation du chômage est également associée à une détresse psychologique [2].
La stigmatisation aboutit à des discriminations: mise à l’écart, perte des droits humains, difficultés d'accès aux soins, voire violences et agressions. Mais également à de la perte de pouvoir social, à surtout à l'auto-stigmatisation. Jean Benoist rappelle les fondements « légitimistes » des mesures discriminatoires, ensemble d'actions qui visent à se protéger contre ceux qui font « peur », qui semblent « menacer l'ordre social », ceux qui présentent des « anomalies » [3].
Les caractéristiques de l'infection par le VIH : mode de transmission, pandémie, « le cancer gay », « la maladie des blancs », etc., ont fait que d'emblée la question de la stigmatisation a été présente.
Dans certains cas, l'atteinte par le VIH est un motif qui révèle des discriminations antérieures, ou vient en renforcer d'autres. On pense par exemple à la condamnation morale, religieuse et judiciaire qui frappe la prostitution, l'homosexualité, la transsexualité, etc.
La honte et les sentiments de culpabilité peuvent être très intériorisés et peu exprimés. Il est « normal de souffrir lorsque l'on a commis une faute ». L'agressivité est retournée contre soi, empêchant la combativité vis-à-vis de la maladie et générant des affects dépressifs.
La révolte face à ces faits est difficile psychiquement, le sujet est divisé entre ce qu'il est, ce qu'il ressent, et la manière dont il a été construit au sein d'une société et d'un système qui aujourd'hui le condamne (lui-même était éventuellement discriminant hier).
Les PVVIH sont souvent déjà en difficulté face à la maladie et refoulent leurs sentiments de révolte: elles sont à la merci du système de soins, en admettant qu'elles y aient eu accès. D'autant qu'il y a souvent peu d'interlocuteurs possibles en dehors du secours apporté par les soignants et les associations. Souvent tout se déroule comme si les patients comprenaient et acceptaient la logique symbolique de ce qu'ils subissent et donc de ce qu'ils s'infligent. Dans le cadre social et familial, les enjeux apparaissent tellement importants (avoir un toit, être « toléré » dans la communauté) que la lutte ouverte est peu envisagée. L'auto-stigmatisation consiste à intérioriser l’étiquette posée par l'autre. On connaît son impact négatif (« internalized stigma ») sur l'observance au traitement antirétroviral et sur la prévalence de la dépression. Il est important de soutenir la prise de conscience du patient, qu'il réalise que l'auto-stigmatisation consiste à adopter le point de vue de ceux qui le blâment sur des questions identitaires qui doivent au contraire être reconnues et respectées, comme constitutives de sa personne.
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