R. Azzouz , S. Meguig , J.-M. Gaulier , D. Peucelle , P. Nisse
{"title":"上法兰西地区的涕灭威蓄意中毒事件:2024 年仍令人担忧的健康状况","authors":"R. Azzouz , S. Meguig , J.-M. Gaulier , D. Peucelle , P. Nisse","doi":"10.1016/j.toxac.2024.08.009","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>Les tentatives de suicide par les carbamates anticholinestérasiques insecticides peuvent engager le pronostic vital. Malgré son interdiction d’utilisation depuis 2008, l’aldicarbe continue d’être à l’origine d’intoxications aiguës en France, notamment dans les Hauts de France. Si l’évolution de ces intoxications reste généralement favorable, il n’en reste pas moins qu’un certain nombre conduise au décès du patient malgré la mise à disposition d’outils diagnostics en urgence 7j/7 et 24<!--> <!-->h/24 et la mise en place de traitements spécifiques.</p></div><div><h3>Matériel et méthodes</h3><p>Cette étude épidémiologique rétrospective décrit les cas survenus dans la région des Hauts de France déclarés au centre antipoison entre 01/01/2012 et 20/05/2024.</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Quatre-vingt-neuf cas d’intoxication volontaire (sex-ratio à 6,41) ont été recueillis. L’âge moyen des 77 hommes était de 50,4<!--> <!-->ans, celui des 12 femmes était de 58,6<!--> <!-->ans. Cinquante et un patients présentaient un syndrome muscarinique (57 %), vingt-et-un, un syndrome nicotinique (22 %) et quarante-neuf des troubles neurologiques sévères (55 %). Tous les patients ont été hospitalisés dont 65 en service de réanimation (73 %). La prise en charge hospitalière a consisté en la pratique d’un lavage gastrique (25 %) et l’administration de charbon activé (25 %), une intubation (27 %), l’administration d’atropine (56 %) et de pralidoxime (14 %). Une pneumopathie d’inhalation a compliqué l’évolution dans 10 cas (11 %). La gravité a été qualifiée de moyenne (SGT2) dans 20 cas (22,5 %) et de forte (SGT3) dans 39 cas (43 %). Quatre décès (4,5 %) sont observés (3 hommes et une femme, âgés entre 63 et 80<!--> <!-->ans). Quand l’activité cholinestérasique a pu être mesurée, nous avons pu observer que si l’acétylcholinestérase était moins intensément inhibée que la butyrylcholinestérase, son degré d’inhibition était mieux corrélé à la gravité ; concernant la butyrylcholinestérase, si celle-ci était plus fréquemment inhibée et plus intensément que l’acétylcholinestérase, néanmoins elle se régénérait plus rapidement. La détection puis la quantification de l’aldicarbe et de ses métabolites (aldicarbe-sulfoxide et aldicarbe-sulfone), ont respectivement été faites par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse haute résolution et par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse en tandem. Les concentrations sanguines de l’aldicarbe quantifiées chez 6 patients étaient comprises entre 1270<!--> <!-->μg/L (un décès) et 8760<!--> <!-->μg/L (guérison).</p></div><div><h3>Discussion</h3><p>La liaison carbamate-AChE étant peu stable, une décarbamylation spontanée se produit dans les 24 premières heures entraînant une réactivation de l’AChE. Cependant à la différence des autres carbamates insecticides, une intoxication par l’aldicarbe a un effet inhibiteur plus prolongé (jusque 96<!--> <!-->h) sur les cholinestérases ; cette inhibition prolongée serait due à la métabolisation de l’aldicarbe en aldicarbe-sulfoxide puis en aldicarbe-sulfone (avant leur hydrolyse en oximes), car ces 2 métabolites possèdent une forte activité anticholinestérasique. En présence d’une intoxication sévère suite à l’ingestion d’aldicarbe, l’utilisation de la pralidoxime (toujours en association avec l’administration d’atropine) devrait permettre de réactiver les cholinestérases plus précocement et de restaurer plus rapidement les fonctions vitales des patients et possiblement d’augmenter leurs chances de survie. La mesure de l’activité des cholinestérases a tout son intérêt dans ces intoxications mais sans en oublier les limites pour leur interprétation (délai et modalités de prélèvements, interférences analytiques, prise de médicaments…). Si l’identification de l’aldicarbe est utile pour la prise en charge de ces patients, l’intérêt de sa quantification est moins probant. La région des Hauts de France est une terre agricole avec notamment la culture de la betterave sucrière pour laquelle l’utilisation de l’aldicarbe bénéficiait d’une dérogation d’usage jusqu’en 2007. Dans une thèse portant sur les suicides dans le milieu agricole dans la région des Hauts de France (2012–2021), l’aldicarbe provenait toujours du monde agricole (vieux stocks familiaux ou de voisin agriculteur). Dans notre série, tous les patients appartenaient au monde rural dont certains d’entre eux avaient déjà utilisé l’aldicarbe comme rodenticide « illicite » (ou en connaissaient l’utilisation).</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Malgré une interdiction d’utilisation de plus 16<!--> <!-->ans, des stocks d’aldicarbe sont encore disponibles et utilisés à des fins d’autolyse. Ces intoxications restent graves, nécessitant une prise en charge médicalisée initialisée dès le domicile et poursuivie dans un service de soins critiques.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":"36 3","pages":"Page S75"},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-09-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824001707/pdfft?md5=cc00435ee6b8dd7bf2a9a7a18cb520fb&pid=1-s2.0-S2352007824001707-main.pdf","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Intoxication volontaire par l’aldicarbe dans les Hauts de France : une situation sanitaire qui reste préoccupante en 2024\",\"authors\":\"R. Azzouz , S. Meguig , J.-M. Gaulier , D. Peucelle , P. 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Quand l’activité cholinestérasique a pu être mesurée, nous avons pu observer que si l’acétylcholinestérase était moins intensément inhibée que la butyrylcholinestérase, son degré d’inhibition était mieux corrélé à la gravité ; concernant la butyrylcholinestérase, si celle-ci était plus fréquemment inhibée et plus intensément que l’acétylcholinestérase, néanmoins elle se régénérait plus rapidement. La détection puis la quantification de l’aldicarbe et de ses métabolites (aldicarbe-sulfoxide et aldicarbe-sulfone), ont respectivement été faites par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse haute résolution et par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse en tandem. Les concentrations sanguines de l’aldicarbe quantifiées chez 6 patients étaient comprises entre 1270<!--> <!-->μg/L (un décès) et 8760<!--> <!-->μg/L (guérison).</p></div><div><h3>Discussion</h3><p>La liaison carbamate-AChE étant peu stable, une décarbamylation spontanée se produit dans les 24 premières heures entraînant une réactivation de l’AChE. Cependant à la différence des autres carbamates insecticides, une intoxication par l’aldicarbe a un effet inhibiteur plus prolongé (jusque 96<!--> <!-->h) sur les cholinestérases ; cette inhibition prolongée serait due à la métabolisation de l’aldicarbe en aldicarbe-sulfoxide puis en aldicarbe-sulfone (avant leur hydrolyse en oximes), car ces 2 métabolites possèdent une forte activité anticholinestérasique. En présence d’une intoxication sévère suite à l’ingestion d’aldicarbe, l’utilisation de la pralidoxime (toujours en association avec l’administration d’atropine) devrait permettre de réactiver les cholinestérases plus précocement et de restaurer plus rapidement les fonctions vitales des patients et possiblement d’augmenter leurs chances de survie. La mesure de l’activité des cholinestérases a tout son intérêt dans ces intoxications mais sans en oublier les limites pour leur interprétation (délai et modalités de prélèvements, interférences analytiques, prise de médicaments…). Si l’identification de l’aldicarbe est utile pour la prise en charge de ces patients, l’intérêt de sa quantification est moins probant. La région des Hauts de France est une terre agricole avec notamment la culture de la betterave sucrière pour laquelle l’utilisation de l’aldicarbe bénéficiait d’une dérogation d’usage jusqu’en 2007. Dans une thèse portant sur les suicides dans le milieu agricole dans la région des Hauts de France (2012–2021), l’aldicarbe provenait toujours du monde agricole (vieux stocks familiaux ou de voisin agriculteur). Dans notre série, tous les patients appartenaient au monde rural dont certains d’entre eux avaient déjà utilisé l’aldicarbe comme rodenticide « illicite » (ou en connaissaient l’utilisation).</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Malgré une interdiction d’utilisation de plus 16<!--> <!-->ans, des stocks d’aldicarbe sont encore disponibles et utilisés à des fins d’autolyse. 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Intoxication volontaire par l’aldicarbe dans les Hauts de France : une situation sanitaire qui reste préoccupante en 2024
Les tentatives de suicide par les carbamates anticholinestérasiques insecticides peuvent engager le pronostic vital. Malgré son interdiction d’utilisation depuis 2008, l’aldicarbe continue d’être à l’origine d’intoxications aiguës en France, notamment dans les Hauts de France. Si l’évolution de ces intoxications reste généralement favorable, il n’en reste pas moins qu’un certain nombre conduise au décès du patient malgré la mise à disposition d’outils diagnostics en urgence 7j/7 et 24 h/24 et la mise en place de traitements spécifiques.
Matériel et méthodes
Cette étude épidémiologique rétrospective décrit les cas survenus dans la région des Hauts de France déclarés au centre antipoison entre 01/01/2012 et 20/05/2024.
Résultats
Quatre-vingt-neuf cas d’intoxication volontaire (sex-ratio à 6,41) ont été recueillis. L’âge moyen des 77 hommes était de 50,4 ans, celui des 12 femmes était de 58,6 ans. Cinquante et un patients présentaient un syndrome muscarinique (57 %), vingt-et-un, un syndrome nicotinique (22 %) et quarante-neuf des troubles neurologiques sévères (55 %). Tous les patients ont été hospitalisés dont 65 en service de réanimation (73 %). La prise en charge hospitalière a consisté en la pratique d’un lavage gastrique (25 %) et l’administration de charbon activé (25 %), une intubation (27 %), l’administration d’atropine (56 %) et de pralidoxime (14 %). Une pneumopathie d’inhalation a compliqué l’évolution dans 10 cas (11 %). La gravité a été qualifiée de moyenne (SGT2) dans 20 cas (22,5 %) et de forte (SGT3) dans 39 cas (43 %). Quatre décès (4,5 %) sont observés (3 hommes et une femme, âgés entre 63 et 80 ans). Quand l’activité cholinestérasique a pu être mesurée, nous avons pu observer que si l’acétylcholinestérase était moins intensément inhibée que la butyrylcholinestérase, son degré d’inhibition était mieux corrélé à la gravité ; concernant la butyrylcholinestérase, si celle-ci était plus fréquemment inhibée et plus intensément que l’acétylcholinestérase, néanmoins elle se régénérait plus rapidement. La détection puis la quantification de l’aldicarbe et de ses métabolites (aldicarbe-sulfoxide et aldicarbe-sulfone), ont respectivement été faites par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse haute résolution et par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse en tandem. Les concentrations sanguines de l’aldicarbe quantifiées chez 6 patients étaient comprises entre 1270 μg/L (un décès) et 8760 μg/L (guérison).
Discussion
La liaison carbamate-AChE étant peu stable, une décarbamylation spontanée se produit dans les 24 premières heures entraînant une réactivation de l’AChE. Cependant à la différence des autres carbamates insecticides, une intoxication par l’aldicarbe a un effet inhibiteur plus prolongé (jusque 96 h) sur les cholinestérases ; cette inhibition prolongée serait due à la métabolisation de l’aldicarbe en aldicarbe-sulfoxide puis en aldicarbe-sulfone (avant leur hydrolyse en oximes), car ces 2 métabolites possèdent une forte activité anticholinestérasique. En présence d’une intoxication sévère suite à l’ingestion d’aldicarbe, l’utilisation de la pralidoxime (toujours en association avec l’administration d’atropine) devrait permettre de réactiver les cholinestérases plus précocement et de restaurer plus rapidement les fonctions vitales des patients et possiblement d’augmenter leurs chances de survie. La mesure de l’activité des cholinestérases a tout son intérêt dans ces intoxications mais sans en oublier les limites pour leur interprétation (délai et modalités de prélèvements, interférences analytiques, prise de médicaments…). Si l’identification de l’aldicarbe est utile pour la prise en charge de ces patients, l’intérêt de sa quantification est moins probant. La région des Hauts de France est une terre agricole avec notamment la culture de la betterave sucrière pour laquelle l’utilisation de l’aldicarbe bénéficiait d’une dérogation d’usage jusqu’en 2007. Dans une thèse portant sur les suicides dans le milieu agricole dans la région des Hauts de France (2012–2021), l’aldicarbe provenait toujours du monde agricole (vieux stocks familiaux ou de voisin agriculteur). Dans notre série, tous les patients appartenaient au monde rural dont certains d’entre eux avaient déjà utilisé l’aldicarbe comme rodenticide « illicite » (ou en connaissaient l’utilisation).
Conclusion
Malgré une interdiction d’utilisation de plus 16 ans, des stocks d’aldicarbe sont encore disponibles et utilisés à des fins d’autolyse. Ces intoxications restent graves, nécessitant une prise en charge médicalisée initialisée dès le domicile et poursuivie dans un service de soins critiques.