Exposition aux pesticides des travailleurs de la pomme : comparaison des niveaux mesurés en conditions habituelles (étude CANEPA) avec ceux prédits par le modèle européen

L’exposition aux pesticides augmente le risque de certaines maladies (cancers, maladies neurodégénératives…) chez les professionnels exposés. La connaissance des niveaux d’exposition est importante à des fins épidémiologiques, réglementaires et de prévention. Depuis 2014, l’EFSA évalue l’exposition des agriculteurs aux pesticides dans le cadre de l’homologation, en utilisant de nouveaux modèles (AOEM et OPEX) construits à partir d’un nombre limité d’études essentiellement conduites par l’industrie des pesticides. Nous avons comparé l’exposition des travailleurs en arboriculture mesurée dans une étude de terrain avec l’exposition calculée par les modèles.

En 2016–2017, l’exposition cutanée aux fongicides captane et dithianon a été mesurée chez 107 travailleurs agricoles français au cours de 30 jours de traitement (préparation, application), 68 de réentrée (pliage, dépliage du filet paragrêle, éclaircissage) et 58 de récoltes, avec des patchs, gants en coton et lavages de mains. Les modèles ont été utilisés pour estimer l’exposition cutanée en prenant en compte les caractéristiques des tâches, calendriers de traitement, matériel, vêtements portés et gants de protection utilisés. Pour la réentrée, le modèle intégrait des valeurs fixes de résidus foliaires délogeables (DFR). Nous avons pu les substituer par des DFR mesurés sur le terrain pour 20 jours d’observation. La relation entre exposition mesurée et calculée a été étudiée par régression linéaire.

Pour les traitements, le modèle surestimait globalement l’exposition journalière des opérateurs et plus spécifiquement pour la phase d’application. Par contre, l’exposition à la préparation était sous-estimée dans de nombreuses observations, en particulier lorsque l’opérateur portait des protections. Pour les travailleurs en réentrée ou en récolte, l’exposition calculée à partir des paramètres par défaut était supérieure à l’exposition mesurée, mais les distributions des valeurs mesurées et calculées pour le captane se recoupaient. Lorsque les DFR fixés étaient remplacés par ceux mesurés, l’exposition était sous-estimée par le modèle dans 40 % des observations pour le captane et toutes les observations pour le dithianon.

Il était attendu que les modèles surestiment l’exposition afin de protéger les travailleurs. Cela n’était pas le cas en toutes circonstances, notamment (i) pour la préparation globalement et particulièrement lors du port de protections ; (ii) pour la réentrée et la récolte ayant lieu plusieurs jours après le traitement. Nos résultats ont montré l’importance de confronter au processus d’homologation des mesures d’exposition dans des conditions de travail habituelles afin d’adopter une approche protectrice pour les travailleurs en agriculture.