{"title":"从托尔斯泰的《伊凡-伊里奇之死》到姑息关怀文化","authors":"R. Gil","doi":"10.1016/j.npg.2024.02.003","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>C’est dans le courant du XX<sup>e</sup> siècle que la douleur et la souffrance furent considérées comme des maladies qui devaient faire l’objet d’études scientifiques, mais aussi d’évaluations cliniques rigoureuses, d’une analyse de leurs conséquences sur la santé dans ses dimensions physiques, psychologiques, sociales et spirituelles. Car les douleurs devaient être traitées et accompagnées, quelles que soient les thérapeutiques nécessitées par la maladie causale. Mais même si la maladie responsable des douleurs ne pouvait pas être traitée, les personnes atteintes de douleurs et parvenues au stade avancé d’une maladie grave, ne devraient jamais être abandonnées. C’est ainsi que naquit le concept de soins palliatifs qui s’intégrèrent dans le système de santé. Leur mission est de soulager les souffrances, de contribuer au bien-être des personnes atteintes de maladies ou d’accidents graves en les accompagnant jusqu’au bout de la vie. Or l’angoisse de la mort, l’angoisse des souffrances de fin de vie affectent depuis toujours l’histoire de l’humanité. Bien avant que les soins palliatifs ne furent reconnus dans le système de santé, la littérature romanesque a raconté des récits de vie qui témoignent de l’angoisse liée aux souffrances et à la fin de vie et qui appellent à une relation de soins qui ne se limite pas à la dimension technique des actes médicaux. Dans la mort d’Ivan Illitch publiée en 1886, Léon Tolstoï, après avoir été lui-même confronté à l’angoisse de la mort, raconte comment la maladie a arraché un magistrat russe au cours de sa vie ordinaire. Il raconte comment Ivan Illitch a affronté une médecine cérémonieuse et paternaliste, comment les douleurs et les souffrances l’ont enfermé dans un sentiment de solitude, sans être compris par ses médecins, ses amis et sa famille. Il décrit l’angoisse, la révolte, le sentiment de déchéance. Il raconte enfin la relation d’écoute et d’accompagnement qui se noue entre lui et son valet, « homme à tout faire », qui s’occupe des humbles besoins de son corps, qui le réconforte par ses gestes, ses paroles, sa présence. Ivan Illitch mourra, enfin apaisé. Et c’est ainsi que Léon Tolstoï préfigure les humbles aspects techniques et relationnels comme la diversité des intervenants (médecin, aide de vie) qui en lien avec les proches construisent les contours de ces soins appelés aujourd’hui palliatifs et qui sont la condition même d’une médecine soucieuse d’humanisation. La mort d’Ivan Illitch est un témoignage venu de loin qui appelle à l’enseignement et l’infusion de cette culture palliative dont notre monde a tant besoin. Quel serait le destin d’Ivan Illitch aujourd’hui ?</p></div><div><p>In the course of the 20th century, pain and suffering came to be regarded as diseases that needed to be the subject of scientific study, and also of rigorous clinical evaluation and analysis of their consequences for health in its physical, psychological, social and spiritual dimensions. Pain was to be treated and supported, whatever the therapies required by the causative disease. But even if the illness responsible for the pain could not be treated, people suffering from pain in the advanced stages of a serious illness should never be neglected. Thus was born the concept of palliative care, which became an integral part of the healthcare system. Its mission is to relieve suffering and contribute to the well-being of people with serious illnesses or having sustained accidents, by supporting them until the end of life. However the anguish of death, the anguish of suffering at the end of life, has always accompanied the history of humanity. Long before palliative care became a recognized part of the healthcare system, stories in the literature reflect the anguish associated with suffering and the end of life, calling for a care relationship that is not limited to the technical dimension of medical procedures. In The Death of Ivan Illich, published in 1886, Leo Tolstoi, after having himself been confronted with the anguish of death, recounts how illness tore a Russian magistrate away from his ordinary life. He tells how Ivan Illitch was confronted with a ceremonious, paternalistic medical system, how pain and suffering locked him in a feeling of solitude, not understood by his doctors, friends or family. He describes the anguish, the revolt, the sense of decrepitude. Finally, he recounts the listening relationship and the accompaniment that developed between him and his humble valet, a “handyman” who took care of his body's humble needs, comforting him with his gestures, his words, his presence. Ivan Illtch died, appeased at last. And thus Leo Tolstoi prefigures the simple technical and relational aspects, and the diversity of the people involved (doctors, caregivers) who, in collaboration with loved ones, build the contours of what is today called palliative care, and which is the very condition of medicine focused on humanization. The death of Ivan Illitch is a call from afar to teach and infuse this palliative culture that our world so needs. What would the fate of Ivan Illitch be today?</p></div>","PeriodicalId":35487,"journal":{"name":"NPG Neurologie - Psychiatrie - Geriatrie","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2024-03-15","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"De « La mort d’Ivan Illitch », racontée par Tolstoï, à la culture palliative\",\"authors\":\"R. Gil\",\"doi\":\"10.1016/j.npg.2024.02.003\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"<div><p>C’est dans le courant du XX<sup>e</sup> siècle que la douleur et la souffrance furent considérées comme des maladies qui devaient faire l’objet d’études scientifiques, mais aussi d’évaluations cliniques rigoureuses, d’une analyse de leurs conséquences sur la santé dans ses dimensions physiques, psychologiques, sociales et spirituelles. Car les douleurs devaient être traitées et accompagnées, quelles que soient les thérapeutiques nécessitées par la maladie causale. Mais même si la maladie responsable des douleurs ne pouvait pas être traitée, les personnes atteintes de douleurs et parvenues au stade avancé d’une maladie grave, ne devraient jamais être abandonnées. C’est ainsi que naquit le concept de soins palliatifs qui s’intégrèrent dans le système de santé. Leur mission est de soulager les souffrances, de contribuer au bien-être des personnes atteintes de maladies ou d’accidents graves en les accompagnant jusqu’au bout de la vie. Or l’angoisse de la mort, l’angoisse des souffrances de fin de vie affectent depuis toujours l’histoire de l’humanité. Bien avant que les soins palliatifs ne furent reconnus dans le système de santé, la littérature romanesque a raconté des récits de vie qui témoignent de l’angoisse liée aux souffrances et à la fin de vie et qui appellent à une relation de soins qui ne se limite pas à la dimension technique des actes médicaux. Dans la mort d’Ivan Illitch publiée en 1886, Léon Tolstoï, après avoir été lui-même confronté à l’angoisse de la mort, raconte comment la maladie a arraché un magistrat russe au cours de sa vie ordinaire. Il raconte comment Ivan Illitch a affronté une médecine cérémonieuse et paternaliste, comment les douleurs et les souffrances l’ont enfermé dans un sentiment de solitude, sans être compris par ses médecins, ses amis et sa famille. Il décrit l’angoisse, la révolte, le sentiment de déchéance. Il raconte enfin la relation d’écoute et d’accompagnement qui se noue entre lui et son valet, « homme à tout faire », qui s’occupe des humbles besoins de son corps, qui le réconforte par ses gestes, ses paroles, sa présence. Ivan Illitch mourra, enfin apaisé. Et c’est ainsi que Léon Tolstoï préfigure les humbles aspects techniques et relationnels comme la diversité des intervenants (médecin, aide de vie) qui en lien avec les proches construisent les contours de ces soins appelés aujourd’hui palliatifs et qui sont la condition même d’une médecine soucieuse d’humanisation. La mort d’Ivan Illitch est un témoignage venu de loin qui appelle à l’enseignement et l’infusion de cette culture palliative dont notre monde a tant besoin. Quel serait le destin d’Ivan Illitch aujourd’hui ?</p></div><div><p>In the course of the 20th century, pain and suffering came to be regarded as diseases that needed to be the subject of scientific study, and also of rigorous clinical evaluation and analysis of their consequences for health in its physical, psychological, social and spiritual dimensions. Pain was to be treated and supported, whatever the therapies required by the causative disease. But even if the illness responsible for the pain could not be treated, people suffering from pain in the advanced stages of a serious illness should never be neglected. Thus was born the concept of palliative care, which became an integral part of the healthcare system. Its mission is to relieve suffering and contribute to the well-being of people with serious illnesses or having sustained accidents, by supporting them until the end of life. However the anguish of death, the anguish of suffering at the end of life, has always accompanied the history of humanity. Long before palliative care became a recognized part of the healthcare system, stories in the literature reflect the anguish associated with suffering and the end of life, calling for a care relationship that is not limited to the technical dimension of medical procedures. In The Death of Ivan Illich, published in 1886, Leo Tolstoi, after having himself been confronted with the anguish of death, recounts how illness tore a Russian magistrate away from his ordinary life. He tells how Ivan Illitch was confronted with a ceremonious, paternalistic medical system, how pain and suffering locked him in a feeling of solitude, not understood by his doctors, friends or family. He describes the anguish, the revolt, the sense of decrepitude. Finally, he recounts the listening relationship and the accompaniment that developed between him and his humble valet, a “handyman” who took care of his body's humble needs, comforting him with his gestures, his words, his presence. Ivan Illtch died, appeased at last. And thus Leo Tolstoi prefigures the simple technical and relational aspects, and the diversity of the people involved (doctors, caregivers) who, in collaboration with loved ones, build the contours of what is today called palliative care, and which is the very condition of medicine focused on humanization. The death of Ivan Illitch is a call from afar to teach and infuse this palliative culture that our world so needs. 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De « La mort d’Ivan Illitch », racontée par Tolstoï, à la culture palliative
C’est dans le courant du XXe siècle que la douleur et la souffrance furent considérées comme des maladies qui devaient faire l’objet d’études scientifiques, mais aussi d’évaluations cliniques rigoureuses, d’une analyse de leurs conséquences sur la santé dans ses dimensions physiques, psychologiques, sociales et spirituelles. Car les douleurs devaient être traitées et accompagnées, quelles que soient les thérapeutiques nécessitées par la maladie causale. Mais même si la maladie responsable des douleurs ne pouvait pas être traitée, les personnes atteintes de douleurs et parvenues au stade avancé d’une maladie grave, ne devraient jamais être abandonnées. C’est ainsi que naquit le concept de soins palliatifs qui s’intégrèrent dans le système de santé. Leur mission est de soulager les souffrances, de contribuer au bien-être des personnes atteintes de maladies ou d’accidents graves en les accompagnant jusqu’au bout de la vie. Or l’angoisse de la mort, l’angoisse des souffrances de fin de vie affectent depuis toujours l’histoire de l’humanité. Bien avant que les soins palliatifs ne furent reconnus dans le système de santé, la littérature romanesque a raconté des récits de vie qui témoignent de l’angoisse liée aux souffrances et à la fin de vie et qui appellent à une relation de soins qui ne se limite pas à la dimension technique des actes médicaux. Dans la mort d’Ivan Illitch publiée en 1886, Léon Tolstoï, après avoir été lui-même confronté à l’angoisse de la mort, raconte comment la maladie a arraché un magistrat russe au cours de sa vie ordinaire. Il raconte comment Ivan Illitch a affronté une médecine cérémonieuse et paternaliste, comment les douleurs et les souffrances l’ont enfermé dans un sentiment de solitude, sans être compris par ses médecins, ses amis et sa famille. Il décrit l’angoisse, la révolte, le sentiment de déchéance. Il raconte enfin la relation d’écoute et d’accompagnement qui se noue entre lui et son valet, « homme à tout faire », qui s’occupe des humbles besoins de son corps, qui le réconforte par ses gestes, ses paroles, sa présence. Ivan Illitch mourra, enfin apaisé. Et c’est ainsi que Léon Tolstoï préfigure les humbles aspects techniques et relationnels comme la diversité des intervenants (médecin, aide de vie) qui en lien avec les proches construisent les contours de ces soins appelés aujourd’hui palliatifs et qui sont la condition même d’une médecine soucieuse d’humanisation. La mort d’Ivan Illitch est un témoignage venu de loin qui appelle à l’enseignement et l’infusion de cette culture palliative dont notre monde a tant besoin. Quel serait le destin d’Ivan Illitch aujourd’hui ?
In the course of the 20th century, pain and suffering came to be regarded as diseases that needed to be the subject of scientific study, and also of rigorous clinical evaluation and analysis of their consequences for health in its physical, psychological, social and spiritual dimensions. Pain was to be treated and supported, whatever the therapies required by the causative disease. But even if the illness responsible for the pain could not be treated, people suffering from pain in the advanced stages of a serious illness should never be neglected. Thus was born the concept of palliative care, which became an integral part of the healthcare system. Its mission is to relieve suffering and contribute to the well-being of people with serious illnesses or having sustained accidents, by supporting them until the end of life. However the anguish of death, the anguish of suffering at the end of life, has always accompanied the history of humanity. Long before palliative care became a recognized part of the healthcare system, stories in the literature reflect the anguish associated with suffering and the end of life, calling for a care relationship that is not limited to the technical dimension of medical procedures. In The Death of Ivan Illich, published in 1886, Leo Tolstoi, after having himself been confronted with the anguish of death, recounts how illness tore a Russian magistrate away from his ordinary life. He tells how Ivan Illitch was confronted with a ceremonious, paternalistic medical system, how pain and suffering locked him in a feeling of solitude, not understood by his doctors, friends or family. He describes the anguish, the revolt, the sense of decrepitude. Finally, he recounts the listening relationship and the accompaniment that developed between him and his humble valet, a “handyman” who took care of his body's humble needs, comforting him with his gestures, his words, his presence. Ivan Illtch died, appeased at last. And thus Leo Tolstoi prefigures the simple technical and relational aspects, and the diversity of the people involved (doctors, caregivers) who, in collaboration with loved ones, build the contours of what is today called palliative care, and which is the very condition of medicine focused on humanization. The death of Ivan Illitch is a call from afar to teach and infuse this palliative culture that our world so needs. What would the fate of Ivan Illitch be today?
期刊介绍:
Aux confins de la neurologie, de la psychiatrie et de la gériatrie, NPG propose a tous les acteurs de la prise en charge du vieillissement cérébral normal et pathologique, des développements récents et adaptés a leur pratique clinique.