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{"title":"为富人服务:富人的仆人alizee Delpierre(评论)","authors":"Edward Ousselin","doi":"10.1353/tfr.2023.a911390","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Servir les riches: les domestiques chez les grandes fortunes par Alizée Delpierre Edward Ousselin Delpierre, Alizée. Servir les riches: les domestiques chez les grandes fortunes. Découverte, 2022. ISBN 978-2-348-06902-4. Pp. 200. Comme le signale l’autrice dans son introduction, “les domestiques sont loin d’avoir disparu et on les nomme encore ainsi” (9). Même si plusieurs expressions euphémistiques sont utilisées à la place de “domestique” dans les études statistiques (aide ménagère, travailleuse familiale, etc.), le terme “se trouve sur toutes les lèvres des personnes fortunées que j’ai rencontrées durant mon enquête” (9). Sociologue de formation, Alizée Delpierre a en effet mené une longue enquête auprès des domestiques en France—qui sont majoritairement des femmes—comme de leurs employeurs fortunés (dans les deux cas, plusieurs extraits d’entretiens sont inclus dans le livre). Cette enquête met à jour une grande variété de statuts professionnels (majordome, gouvernante, nanny, aide-cuisinière, femme de ménage, etc.) et une large fourchette salariale. Ce qui est commun à presque toutes les employées de maison, ce sont les longs horaires et, le plus souvent, la pénibilité des tâches quotidiennes. Néanmoins, ce que Delpierre appelle plusieurs fois “l’exploitation dorée”, surtout dans les maisons les plus somptueuses, continue d’attirer de nombreuses personnes, qui sont loin d’être uniquement d’origine immigrée. Certaines y voient la possibilité d’une ascension sociale, pour elles ou (plus vraisemblablement) pour leurs enfants. D’autres semblent fascinées, à travers un curieux phénomène psychologique, par ce que l’autrice décrit comme l’illusio de la domesticité: “Elles vivent par procuration la vie professionnelle de leurs patrons et s’en imprègnent, à tel point qu’elles ont l’impression de travailler un peu avec eux, et non plus pour eux” (45–46). Du côté des employeurs, le fait de pouvoir déléguer les tâches ménagères ne constitue pas seulement une question de comfort ou de gain de temps. Avoir des employées de maison, c’est aussi un signe extérieur de richesse, une façon ostentatoire de tenir son rang, de montrer clairement que l’on fait partie des “CSP+” (les catégories socioprofessionnelles les plus favorisées). Même au vingt et unième siècle, les astreintes que subissent les domestiques sont sévères et nombreuses. Elles doivent être présentes et disponibles quasiment en permanence, tout en ne faisant pas de bruit. Étant faciles à licencier, elles ne peuvent se plaindre et n’ont d’ailleurs pas de syndicat qui puisse les défendre. Dans le cas des travailleuses immigrées sans papiers, les lois ne s’appliquent guère et l’exploitation n’a même pas de vernis “doré”. En haut de l’échelle de la domesticité, les majordomes ou les gouvernantes sont parfois diplômées et ont fait un choix de carrière souvent fort rémunératrice. Cette situation reste toutefois minoritaire. La plupart des domestiques, subjuguées par l’illusio de la domesticité et ayant peu d’options attrayantes dans le monde du travail, restent piégées “dans l’univers des riches” (173). Ce livre se termine sur la constatation que le travail domestique, bien qu’indispensable, est peu considéré, mal réglementé et dépourvu des statuts protecteurs dont bénéficient d’autres [End Page 222] catégories d’emplois. Au lieu de tenter de supprimer la domesticité (qui a d’ailleurs plutôt tendance à se banaliser et se diversifier sous la forme, par exemple, de livraison à domicile), il est urgent de la revaloriser et de mieux en encadrer légalement les conditions de travail. [End Page 223] Edward Ousselin Western Washington University Copyright © 2023 American Association of Teachers of French","PeriodicalId":44297,"journal":{"name":"FRENCH REVIEW","volume":"15 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2023-10-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Servir les riches: les domestiques chez les grandes fortunes par Alizée Delpierre (review)\",\"authors\":\"Edward Ousselin\",\"doi\":\"10.1353/tfr.2023.a911390\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Reviewed by: Servir les riches: les domestiques chez les grandes fortunes par Alizée Delpierre Edward Ousselin Delpierre, Alizée. 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Servir les riches: les domestiques chez les grandes fortunes par Alizée Delpierre (review)
Reviewed by: Servir les riches: les domestiques chez les grandes fortunes par Alizée Delpierre Edward Ousselin Delpierre, Alizée. Servir les riches: les domestiques chez les grandes fortunes. Découverte, 2022. ISBN 978-2-348-06902-4. Pp. 200. Comme le signale l’autrice dans son introduction, “les domestiques sont loin d’avoir disparu et on les nomme encore ainsi” (9). Même si plusieurs expressions euphémistiques sont utilisées à la place de “domestique” dans les études statistiques (aide ménagère, travailleuse familiale, etc.), le terme “se trouve sur toutes les lèvres des personnes fortunées que j’ai rencontrées durant mon enquête” (9). Sociologue de formation, Alizée Delpierre a en effet mené une longue enquête auprès des domestiques en France—qui sont majoritairement des femmes—comme de leurs employeurs fortunés (dans les deux cas, plusieurs extraits d’entretiens sont inclus dans le livre). Cette enquête met à jour une grande variété de statuts professionnels (majordome, gouvernante, nanny, aide-cuisinière, femme de ménage, etc.) et une large fourchette salariale. Ce qui est commun à presque toutes les employées de maison, ce sont les longs horaires et, le plus souvent, la pénibilité des tâches quotidiennes. Néanmoins, ce que Delpierre appelle plusieurs fois “l’exploitation dorée”, surtout dans les maisons les plus somptueuses, continue d’attirer de nombreuses personnes, qui sont loin d’être uniquement d’origine immigrée. Certaines y voient la possibilité d’une ascension sociale, pour elles ou (plus vraisemblablement) pour leurs enfants. D’autres semblent fascinées, à travers un curieux phénomène psychologique, par ce que l’autrice décrit comme l’illusio de la domesticité: “Elles vivent par procuration la vie professionnelle de leurs patrons et s’en imprègnent, à tel point qu’elles ont l’impression de travailler un peu avec eux, et non plus pour eux” (45–46). Du côté des employeurs, le fait de pouvoir déléguer les tâches ménagères ne constitue pas seulement une question de comfort ou de gain de temps. Avoir des employées de maison, c’est aussi un signe extérieur de richesse, une façon ostentatoire de tenir son rang, de montrer clairement que l’on fait partie des “CSP+” (les catégories socioprofessionnelles les plus favorisées). Même au vingt et unième siècle, les astreintes que subissent les domestiques sont sévères et nombreuses. Elles doivent être présentes et disponibles quasiment en permanence, tout en ne faisant pas de bruit. Étant faciles à licencier, elles ne peuvent se plaindre et n’ont d’ailleurs pas de syndicat qui puisse les défendre. Dans le cas des travailleuses immigrées sans papiers, les lois ne s’appliquent guère et l’exploitation n’a même pas de vernis “doré”. En haut de l’échelle de la domesticité, les majordomes ou les gouvernantes sont parfois diplômées et ont fait un choix de carrière souvent fort rémunératrice. Cette situation reste toutefois minoritaire. La plupart des domestiques, subjuguées par l’illusio de la domesticité et ayant peu d’options attrayantes dans le monde du travail, restent piégées “dans l’univers des riches” (173). Ce livre se termine sur la constatation que le travail domestique, bien qu’indispensable, est peu considéré, mal réglementé et dépourvu des statuts protecteurs dont bénéficient d’autres [End Page 222] catégories d’emplois. Au lieu de tenter de supprimer la domesticité (qui a d’ailleurs plutôt tendance à se banaliser et se diversifier sous la forme, par exemple, de livraison à domicile), il est urgent de la revaloriser et de mieux en encadrer légalement les conditions de travail. [End Page 223] Edward Ousselin Western Washington University Copyright © 2023 American Association of Teachers of French