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{"title":"奥雷利安-盖纳尔的《零度荣耀》(评论)","authors":"Nacer Khelouz","doi":"10.1353/tfr.2023.a911346","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Zéro gloire par Aurélien Guénard Nacer Khelouz Guénard, Aurélien. Zéro gloire. Flammarion, 2022. ISBN 978-2-0802-9061-8. Pp. 128. Pierre Guénard, par ailleurs leader du groupe de rock Radio Elvis, nous propose un récit à la première personne composé de 19 chapitres courts menés tambour battant, et dont la vitalité de la trame narrative n’a d’égale que cette promesse que se fait tout adolescent de mordre la vie à pleines dents. Or, cela commence paradoxalement avec la mort au quotidien. Celle des autres. En effet, Aurélien Moreau dit Harry, du fait de sa ressemblance avec l’illustre Harry Potter, cumule deux boulots alimentaires: serveur chez MacDonald la nuit et employé des pompes funèbres le jour. Situation inédite qui le poussera à oser ce grinçant jeu de mots: “Selon l’uniforme que je porte, je vends des burgers ou je viens chercher un corps, alors je me dis qu’on devrait inventer le Big Macchabée juste pour moi” (9). Mais tout cela est naturellement provisoire car “Auré” est persuadé qu’il a un destin national et “qu’un jour [je] serai célèbre” (81). Mais c’est qu’il se rêve musicien et seuls les applaudissements qui montent de la foule en transe pourront illuminer sa vie: “Je regarde des vidéos des Doors et ce n’est pas Jim Morrison qui chante, c’est moi” (33). En prévision de cet envol vers une improbable gloire, lui l’exilé de Cravoux “à une heure de Poitiers”, petite bourgade d’une “centaine de maisons blotties autour de l’église et du cimetière” (11), doit faire quelque chose du rien dont est remplie son existence. Avec une bande d’amis, il va alors jouer à repousser les limites du désir de vivre, jusqu’à cette nausée qui côtoie les rivages du suicide. Alcool, drogue et sexe constitueront son butin de guerre: “D’une seule voix, l’assemblée a crié Bois ! Bois ! Bois ! et je crois que j’avais envie de me noyer” (98). Pierre Guénard dresse par ailleurs un tableau peu reluisant du monde de la restauration rapide. Aurélien y décrit des conditions de travail aliénantes: “Et c’est parti pour le grand ballet des bips. Bip des friteuses, bip des plaques de cuisson, bip pour se laver les mains, bip de la carte bleue, bip pour pointer, bip pour dépointer. Même la pendule dessine des bips avec ses petits points rouges” (20). Zéro Gloire à tout cela? Aurélien Moreau en a une tout autre idée: “C’est le genre de choses qu’on aurait fait [...] pour la beauté du geste et avoir des trucs à raconter quand on sera célèbres” (56). Voilà donc que cette béance est perçue comme un trop-plein ou tremplin. Montant à Paris à l’orée de ces 18 ans, “Harry” se prépare à être enfin cet “Aurélien” (c’est le titre du dernier chapitre) qu’il n’a jamais pu être: “Ça résonne longtemps dans ma tête, Aurélien” (120). Ce roman, à l’écriture de l’urgence, presque télégraphique, a pour lui une oralité débridée qui fait l’économie de l’agencement syntaxique, rappelant curieusement l’opoponax de Wittig ou plus près de nous le gone du chaâba de Begag pour sa truculence. 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Mais c’est qu’il se rêve musicien et seuls les applaudissements qui montent de la foule en transe pourront illuminer sa vie: “Je regarde des vidéos des Doors et ce n’est pas Jim Morrison qui chante, c’est moi” (33). En prévision de cet envol vers une improbable gloire, lui l’exilé de Cravoux “à une heure de Poitiers”, petite bourgade d’une “centaine de maisons blotties autour de l’église et du cimetière” (11), doit faire quelque chose du rien dont est remplie son existence. Avec une bande d’amis, il va alors jouer à repousser les limites du désir de vivre, jusqu’à cette nausée qui côtoie les rivages du suicide. Alcool, drogue et sexe constitueront son butin de guerre: “D’une seule voix, l’assemblée a crié Bois ! Bois ! Bois ! et je crois que j’avais envie de me noyer” (98). Pierre Guénard dresse par ailleurs un tableau peu reluisant du monde de la restauration rapide. Aurélien y décrit des conditions de travail aliénantes: “Et c’est parti pour le grand ballet des bips. 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Zéro gloire par Aurélien Guénard (review)
Reviewed by: Zéro gloire par Aurélien Guénard Nacer Khelouz Guénard, Aurélien. Zéro gloire. Flammarion, 2022. ISBN 978-2-0802-9061-8. Pp. 128. Pierre Guénard, par ailleurs leader du groupe de rock Radio Elvis, nous propose un récit à la première personne composé de 19 chapitres courts menés tambour battant, et dont la vitalité de la trame narrative n’a d’égale que cette promesse que se fait tout adolescent de mordre la vie à pleines dents. Or, cela commence paradoxalement avec la mort au quotidien. Celle des autres. En effet, Aurélien Moreau dit Harry, du fait de sa ressemblance avec l’illustre Harry Potter, cumule deux boulots alimentaires: serveur chez MacDonald la nuit et employé des pompes funèbres le jour. Situation inédite qui le poussera à oser ce grinçant jeu de mots: “Selon l’uniforme que je porte, je vends des burgers ou je viens chercher un corps, alors je me dis qu’on devrait inventer le Big Macchabée juste pour moi” (9). Mais tout cela est naturellement provisoire car “Auré” est persuadé qu’il a un destin national et “qu’un jour [je] serai célèbre” (81). Mais c’est qu’il se rêve musicien et seuls les applaudissements qui montent de la foule en transe pourront illuminer sa vie: “Je regarde des vidéos des Doors et ce n’est pas Jim Morrison qui chante, c’est moi” (33). En prévision de cet envol vers une improbable gloire, lui l’exilé de Cravoux “à une heure de Poitiers”, petite bourgade d’une “centaine de maisons blotties autour de l’église et du cimetière” (11), doit faire quelque chose du rien dont est remplie son existence. Avec une bande d’amis, il va alors jouer à repousser les limites du désir de vivre, jusqu’à cette nausée qui côtoie les rivages du suicide. Alcool, drogue et sexe constitueront son butin de guerre: “D’une seule voix, l’assemblée a crié Bois ! Bois ! Bois ! et je crois que j’avais envie de me noyer” (98). Pierre Guénard dresse par ailleurs un tableau peu reluisant du monde de la restauration rapide. Aurélien y décrit des conditions de travail aliénantes: “Et c’est parti pour le grand ballet des bips. Bip des friteuses, bip des plaques de cuisson, bip pour se laver les mains, bip de la carte bleue, bip pour pointer, bip pour dépointer. Même la pendule dessine des bips avec ses petits points rouges” (20). Zéro Gloire à tout cela? Aurélien Moreau en a une tout autre idée: “C’est le genre de choses qu’on aurait fait [...] pour la beauté du geste et avoir des trucs à raconter quand on sera célèbres” (56). Voilà donc que cette béance est perçue comme un trop-plein ou tremplin. Montant à Paris à l’orée de ces 18 ans, “Harry” se prépare à être enfin cet “Aurélien” (c’est le titre du dernier chapitre) qu’il n’a jamais pu être: “Ça résonne longtemps dans ma tête, Aurélien” (120). Ce roman, à l’écriture de l’urgence, presque télégraphique, a pour lui une oralité débridée qui fait l’économie de l’agencement syntaxique, rappelant curieusement l’opoponax de Wittig ou plus près de nous le gone du chaâba de Begag pour sa truculence. [End Page 239] Nacer Khelouz University of Missouri - Kansas City Copyright © 2023 American Association of Teachers of French