求助PDF
{"title":"Stefania Rousselle的《爱》(评论)","authors":"Edward Ousselin","doi":"10.1353/tfr.2023.a911336","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Amour par Stefania Rousselle Edward Ousselin Rousselle, Stefania. Amour. Actes Sud, 2022. ISBN 978-2-330-17185-8. Pp. 272. Journaliste franco-américaine, Stefania Rousselle décrit la genèse de ce livre comme un sursaut face au désespoir: “J’avais le cœur brisé [...] l’amour, je n’y croyais plus” (7). Ce sentiment de désolation résultait à la fois du catastrophisme lié à ses activités professionnelles (elle donne comme exemples ses reportages sur le massacre au Bataclan en 2015 et sur l’esclavage sexuel des femmes en Espagne) et de la fin d’une relation amoureuse (avec un homme pourtant décrit comme étant manipulateur et dénigreur). Au lieu de changer de métier ou de partir en vacances, Rousselle a pris la décision quelque peu étonnante de se rendre “dans des villes au hasard, [d’]aborder des gens au hasard, pour leur poser une question: ‘C’est quoi, l’amour?’” (9). La courte introduction est suivie par une série de “rencontres” ou d’entretiens avec une ou deux personnes vivant dans l’Hexagone ou aux Antilles. Dans le livre, chaque rencontre produit une transcription courte et une ou deux photographies. Très courtes (chacune occupant trois pages en moyenne), ces rencontres peuvent être lues dans le désordre. S’il n’y a pas de regroupement thématique, on aperçoit rapidement une tendance générale, que n’auraient pas démenti bien des romanciers ou poètes: l’éblouissement initial de l’amour est souvent suivi par l’abattement, parfois dû à la mort de l’être aimé, le plus souvent à une rupture ou tout simplement à la lassitude. Il semble qu’il soit plus facile de parler de l’amour lorsqu’il a disparu et qu’on souffre de solitude. Ce livre n’est donc exempt ni de lieux communs, ni de mièvrerie, ni de misérabilisme. On ne sait si les transcriptions des entretiens sont des documents bruts ou si elles ont été éditées. Vraisemblablement par souci d’authenticité, elles penchent parfois vers le mot-à-mot, ce qui donne des expressions telles que: “Ah ouais ouais” (149) ou “Et ça marche putain!” (185). Il n’y a pas de conclusion au bout de ces rencontres. Cependant, Rousselle indique dans son introduction que son projet initial a eu un effet cathartique: “Donc, oui, ce voyage m’a sauvée. Parce que, oui, l’amour existe. La douceur est là. La tendresse surtout. Ils m’ont réparé le cœur, j’espère qu’ils répareront le vôtre” (13). À chaque lectrice ou lecteur d’évaluer la valeur réparatrice de ce qui reste un coffee table book, un “beau livre” publié au moment des fêtes de fin d’année et qui a sans doute vocation à constituer un beau cadeau. Notons que le livre est disponible en français et en anglais et que la version anglophone est sous-titrée “How the French Talk About Love”. Apparemment, les stéréotypes sur “the French” peuvent encore servir à aguicher les lecteurs américains. Dans l’ensemble, il s’agit ici d’un beau coup de marketing qui n’a pas grand-chose à voir avec la littérature. [End Page 251] Edward Ousselin Western Washington University Copyright © 2023 American Association of Teachers of French","PeriodicalId":44297,"journal":{"name":"FRENCH REVIEW","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2023-10-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Amour par Stefania Rousselle (review)\",\"authors\":\"Edward Ousselin\",\"doi\":\"10.1353/tfr.2023.a911336\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Reviewed by: Amour par Stefania Rousselle Edward Ousselin Rousselle, Stefania. Amour. Actes Sud, 2022. ISBN 978-2-330-17185-8. Pp. 272. Journaliste franco-américaine, Stefania Rousselle décrit la genèse de ce livre comme un sursaut face au désespoir: “J’avais le cœur brisé [...] l’amour, je n’y croyais plus” (7). Ce sentiment de désolation résultait à la fois du catastrophisme lié à ses activités professionnelles (elle donne comme exemples ses reportages sur le massacre au Bataclan en 2015 et sur l’esclavage sexuel des femmes en Espagne) et de la fin d’une relation amoureuse (avec un homme pourtant décrit comme étant manipulateur et dénigreur). Au lieu de changer de métier ou de partir en vacances, Rousselle a pris la décision quelque peu étonnante de se rendre “dans des villes au hasard, [d’]aborder des gens au hasard, pour leur poser une question: ‘C’est quoi, l’amour?’” (9). La courte introduction est suivie par une série de “rencontres” ou d’entretiens avec une ou deux personnes vivant dans l’Hexagone ou aux Antilles. Dans le livre, chaque rencontre produit une transcription courte et une ou deux photographies. Très courtes (chacune occupant trois pages en moyenne), ces rencontres peuvent être lues dans le désordre. S’il n’y a pas de regroupement thématique, on aperçoit rapidement une tendance générale, que n’auraient pas démenti bien des romanciers ou poètes: l’éblouissement initial de l’amour est souvent suivi par l’abattement, parfois dû à la mort de l’être aimé, le plus souvent à une rupture ou tout simplement à la lassitude. Il semble qu’il soit plus facile de parler de l’amour lorsqu’il a disparu et qu’on souffre de solitude. Ce livre n’est donc exempt ni de lieux communs, ni de mièvrerie, ni de misérabilisme. On ne sait si les transcriptions des entretiens sont des documents bruts ou si elles ont été éditées. Vraisemblablement par souci d’authenticité, elles penchent parfois vers le mot-à-mot, ce qui donne des expressions telles que: “Ah ouais ouais” (149) ou “Et ça marche putain!” (185). Il n’y a pas de conclusion au bout de ces rencontres. Cependant, Rousselle indique dans son introduction que son projet initial a eu un effet cathartique: “Donc, oui, ce voyage m’a sauvée. Parce que, oui, l’amour existe. La douceur est là. La tendresse surtout. Ils m’ont réparé le cœur, j’espère qu’ils répareront le vôtre” (13). À chaque lectrice ou lecteur d’évaluer la valeur réparatrice de ce qui reste un coffee table book, un “beau livre” publié au moment des fêtes de fin d’année et qui a sans doute vocation à constituer un beau cadeau. Notons que le livre est disponible en français et en anglais et que la version anglophone est sous-titrée “How the French Talk About Love”. Apparemment, les stéréotypes sur “the French” peuvent encore servir à aguicher les lecteurs américains. Dans l’ensemble, il s’agit ici d’un beau coup de marketing qui n’a pas grand-chose à voir avec la littérature. [End Page 251] Edward Ousselin Western Washington University Copyright © 2023 American Association of Teachers of French\",\"PeriodicalId\":44297,\"journal\":{\"name\":\"FRENCH REVIEW\",\"volume\":null,\"pages\":null},\"PeriodicalIF\":0.1000,\"publicationDate\":\"2023-10-01\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"0\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"FRENCH REVIEW\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://doi.org/10.1353/tfr.2023.a911336\",\"RegionNum\":4,\"RegionCategory\":\"文学\",\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"0\",\"JCRName\":\"LITERATURE, ROMANCE\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"FRENCH REVIEW","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/tfr.2023.a911336","RegionNum":4,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"LITERATURE, ROMANCE","Score":null,"Total":0}
引用次数: 0
引用
批量引用
Amour par Stefania Rousselle (review)
Reviewed by: Amour par Stefania Rousselle Edward Ousselin Rousselle, Stefania. Amour. Actes Sud, 2022. ISBN 978-2-330-17185-8. Pp. 272. Journaliste franco-américaine, Stefania Rousselle décrit la genèse de ce livre comme un sursaut face au désespoir: “J’avais le cœur brisé [...] l’amour, je n’y croyais plus” (7). Ce sentiment de désolation résultait à la fois du catastrophisme lié à ses activités professionnelles (elle donne comme exemples ses reportages sur le massacre au Bataclan en 2015 et sur l’esclavage sexuel des femmes en Espagne) et de la fin d’une relation amoureuse (avec un homme pourtant décrit comme étant manipulateur et dénigreur). Au lieu de changer de métier ou de partir en vacances, Rousselle a pris la décision quelque peu étonnante de se rendre “dans des villes au hasard, [d’]aborder des gens au hasard, pour leur poser une question: ‘C’est quoi, l’amour?’” (9). La courte introduction est suivie par une série de “rencontres” ou d’entretiens avec une ou deux personnes vivant dans l’Hexagone ou aux Antilles. Dans le livre, chaque rencontre produit une transcription courte et une ou deux photographies. Très courtes (chacune occupant trois pages en moyenne), ces rencontres peuvent être lues dans le désordre. S’il n’y a pas de regroupement thématique, on aperçoit rapidement une tendance générale, que n’auraient pas démenti bien des romanciers ou poètes: l’éblouissement initial de l’amour est souvent suivi par l’abattement, parfois dû à la mort de l’être aimé, le plus souvent à une rupture ou tout simplement à la lassitude. Il semble qu’il soit plus facile de parler de l’amour lorsqu’il a disparu et qu’on souffre de solitude. Ce livre n’est donc exempt ni de lieux communs, ni de mièvrerie, ni de misérabilisme. On ne sait si les transcriptions des entretiens sont des documents bruts ou si elles ont été éditées. Vraisemblablement par souci d’authenticité, elles penchent parfois vers le mot-à-mot, ce qui donne des expressions telles que: “Ah ouais ouais” (149) ou “Et ça marche putain!” (185). Il n’y a pas de conclusion au bout de ces rencontres. Cependant, Rousselle indique dans son introduction que son projet initial a eu un effet cathartique: “Donc, oui, ce voyage m’a sauvée. Parce que, oui, l’amour existe. La douceur est là. La tendresse surtout. Ils m’ont réparé le cœur, j’espère qu’ils répareront le vôtre” (13). À chaque lectrice ou lecteur d’évaluer la valeur réparatrice de ce qui reste un coffee table book, un “beau livre” publié au moment des fêtes de fin d’année et qui a sans doute vocation à constituer un beau cadeau. Notons que le livre est disponible en français et en anglais et que la version anglophone est sous-titrée “How the French Talk About Love”. Apparemment, les stéréotypes sur “the French” peuvent encore servir à aguicher les lecteurs américains. Dans l’ensemble, il s’agit ici d’un beau coup de marketing qui n’a pas grand-chose à voir avec la littérature. [End Page 251] Edward Ousselin Western Washington University Copyright © 2023 American Association of Teachers of French