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{"title":"对我们说话的方式进行分类,对人进行分类","authors":"Laurence Arrighi","doi":"10.1353/tfr.2023.a911361","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Classer nos manières de parler, classer les gens par Malo Morvan Laurence Arrighi Morvan, Malo. Classer nos manières de parler, classer les gens. Commun, 2022. ISBN 979-10-95630-52-4. Pp. 280. Classer, c’est catégoriser, assigner une place. Appliqués notamment aux pratiques linguistiques, ces actes procèdent de logiques de hiérarchisation, d’inclusion, d’exclusion. Des personnes parleraient une langue, d’autres un dialecte, un patois, un baragouin. D’aucuns parleraient mal, d’autres bien et ces jugements sociaux sont intériorisés, naturalisés, y compris par ceux et celles qui en sont victimes. Malo Morvan entend contribuer à déconstruire cela. Son propos est argumenté, exemplifié, appuyé par les apports d’une sociolinguistique qui “consiste à manifester une vigilance envers les termes que nous utilisons communément pour désigner les groupes de locuteur·rice·s, en soulignant tant leur imprécision théorique que les effets politiques associés à leur usage” (14). Tout l’objectif de son ouvrage est là. En partie 1, Morvan montre que la notion de langue n’a aucune pertinence. Puisque les critères habituels utilisés pour la définir (intercompréhension, communauté linguistique) ne fonctionnent pas, il est plus fructueux d’identifier les présupposés que cette notion véhicule plutôt que de chercher d’autres critères définitoires (chapitre 1). Il montre ensuite que bien que la sociolinguistique se soit ingéniée à définir des facteurs qui font varier nos pratiques linguistiques (chapitre 2) et les formes que peuvent prendre les mélanges et influences langagières (chapitre 3), plusieurs notions (voir ci-dessous) élaborées dans cette perspective “ne résolvent pas vraiment les problèmes de la notion de “langue”, puisqu’elles en reproduisent la logique” (20). C’est l’opération de classification elle-même qui est à questionner: peu pertinentes scientifiquement, ce qui vient d’être montré, les classifications sur base langagière ont des répercussions sociales. Ainsi en partie 2, l’auteur revient sur ce travail des sociolinguistes qui ont cherché les facteurs de variation et des dénominations plus fluides (chapitre 4), ainsi que sur leur volonté de rendre compte du contact linguistique (chapitre 5). Finalement ces “nouvelles” notions (qu’elles soient usuelles comme dialecte, argot ou plus techniques comme langue Ausbau, langue Abstand) ne règlent rien puisqu’elles ne font finalement que déplacer ou rétrécir l’échelle d’application, en plus d’être souvent très mal comprises (ainsi celle de créole). C’est, on l’a compris, la démarche même de vouloir classer des pratiques langagières par nature complexes, évolutives, évanescentes, dans des catégories figées et bien délimitées qui est à interroger. La troisième et dernière partie de l’ouvrage envisage les apories de la classification (chapitre 6) et les conséquences politiques de l’usage des catégories linguistiques qui entrainent une catégorisation sociale sur base langagière (chapitre 7). Si l’ouvrage ne présente rien de nouveau (ce que dit l’auteur dès la première phrase du livre) pour les sociolinguistes rompus aux approches critiques, Malo Morvan a fait un effort d’accessibilité louable. Très rigoureux, l’auteur évite de caricaturer les positions adverses comme [End Page 264] il évite les raccourcis. Le défaut du livre (s’il en faut un) tient de quelques répétitions. Toutefois, quand l’on sait la valeur pédagogique de ces dernières, on peut avancer que l’ouvrage qui vise les étudiants et étudiantes mais aussi des personnes curieuses issues d’un public plus large, pourrait atteindre sa cible. [End Page 265] Laurence Arrighi Université de Moncton (NB), Canada Copyright © 2023 American Association of Teachers of French","PeriodicalId":44297,"journal":{"name":"FRENCH REVIEW","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2023-10-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Classer nos manières de parler, classer les gens par Malo Morvan (review)\",\"authors\":\"Laurence Arrighi\",\"doi\":\"10.1353/tfr.2023.a911361\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Reviewed by: Classer nos manières de parler, classer les gens par Malo Morvan Laurence Arrighi Morvan, Malo. Classer nos manières de parler, classer les gens. Commun, 2022. ISBN 979-10-95630-52-4. Pp. 280. Classer, c’est catégoriser, assigner une place. Appliqués notamment aux pratiques linguistiques, ces actes procèdent de logiques de hiérarchisation, d’inclusion, d’exclusion. 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Classer nos manières de parler, classer les gens par Malo Morvan (review)
Reviewed by: Classer nos manières de parler, classer les gens par Malo Morvan Laurence Arrighi Morvan, Malo. Classer nos manières de parler, classer les gens. Commun, 2022. ISBN 979-10-95630-52-4. Pp. 280. Classer, c’est catégoriser, assigner une place. Appliqués notamment aux pratiques linguistiques, ces actes procèdent de logiques de hiérarchisation, d’inclusion, d’exclusion. Des personnes parleraient une langue, d’autres un dialecte, un patois, un baragouin. D’aucuns parleraient mal, d’autres bien et ces jugements sociaux sont intériorisés, naturalisés, y compris par ceux et celles qui en sont victimes. Malo Morvan entend contribuer à déconstruire cela. Son propos est argumenté, exemplifié, appuyé par les apports d’une sociolinguistique qui “consiste à manifester une vigilance envers les termes que nous utilisons communément pour désigner les groupes de locuteur·rice·s, en soulignant tant leur imprécision théorique que les effets politiques associés à leur usage” (14). Tout l’objectif de son ouvrage est là. En partie 1, Morvan montre que la notion de langue n’a aucune pertinence. Puisque les critères habituels utilisés pour la définir (intercompréhension, communauté linguistique) ne fonctionnent pas, il est plus fructueux d’identifier les présupposés que cette notion véhicule plutôt que de chercher d’autres critères définitoires (chapitre 1). Il montre ensuite que bien que la sociolinguistique se soit ingéniée à définir des facteurs qui font varier nos pratiques linguistiques (chapitre 2) et les formes que peuvent prendre les mélanges et influences langagières (chapitre 3), plusieurs notions (voir ci-dessous) élaborées dans cette perspective “ne résolvent pas vraiment les problèmes de la notion de “langue”, puisqu’elles en reproduisent la logique” (20). C’est l’opération de classification elle-même qui est à questionner: peu pertinentes scientifiquement, ce qui vient d’être montré, les classifications sur base langagière ont des répercussions sociales. Ainsi en partie 2, l’auteur revient sur ce travail des sociolinguistes qui ont cherché les facteurs de variation et des dénominations plus fluides (chapitre 4), ainsi que sur leur volonté de rendre compte du contact linguistique (chapitre 5). Finalement ces “nouvelles” notions (qu’elles soient usuelles comme dialecte, argot ou plus techniques comme langue Ausbau, langue Abstand) ne règlent rien puisqu’elles ne font finalement que déplacer ou rétrécir l’échelle d’application, en plus d’être souvent très mal comprises (ainsi celle de créole). C’est, on l’a compris, la démarche même de vouloir classer des pratiques langagières par nature complexes, évolutives, évanescentes, dans des catégories figées et bien délimitées qui est à interroger. La troisième et dernière partie de l’ouvrage envisage les apories de la classification (chapitre 6) et les conséquences politiques de l’usage des catégories linguistiques qui entrainent une catégorisation sociale sur base langagière (chapitre 7). Si l’ouvrage ne présente rien de nouveau (ce que dit l’auteur dès la première phrase du livre) pour les sociolinguistes rompus aux approches critiques, Malo Morvan a fait un effort d’accessibilité louable. Très rigoureux, l’auteur évite de caricaturer les positions adverses comme [End Page 264] il évite les raccourcis. Le défaut du livre (s’il en faut un) tient de quelques répétitions. Toutefois, quand l’on sait la valeur pédagogique de ces dernières, on peut avancer que l’ouvrage qui vise les étudiants et étudiantes mais aussi des personnes curieuses issues d’un public plus large, pourrait atteindre sa cible. [End Page 265] Laurence Arrighi Université de Moncton (NB), Canada Copyright © 2023 American Association of Teachers of French