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{"title":"Gugubarra par Jacques-Olivier Trompas(评论)","authors":"Louis Bousquet","doi":"10.1353/tfr.2023.a911341","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Gugubarra par Jacques-Olivier Trompas Louis Bousquet Trompas, Jacques-Olivier. Gugubarra. Au vent des îles, 2022. ISBN 978-2-36734-442-3. Pp. 175. Antoine, “un parigot un peu à côté de ses pompes” (17), promène une existence d’héritier transparente au hasard des chemins et des circonstances. Ses pérégrinations l’entraînent à la suite d’un baiser aussi mouillé qu’impromptu de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes jusqu’au fin fond du bush australien, plus précisément à Kalgoorlie, où se trouve le “superpit”, la plus grande mine d’or à ciel ouvert du continent. À l’absence de but et de direction personnelle du jeune héros, se substituent la magie et la malédiction des rencontres. Le jeune homme désœuvré voyage par désir pour retrouver les lèvres d’Anaïs, la petite bourgeoise anarchiste et délurée de la ZAD; il traverse aussi le monde par amitié pour Glen, l’écologiste militant homosexuel qui l’invite en Australie chez ses parents. Il fait alors la connaissance d’Annie et de Jim, la Française sophistiquée et manipulatrice et l’Australien brutal et prospère. En suivant Jim, le grand ordonnateur de la mine d’or et le mâle dominant de la saga, Antoine voyage finalement jusqu’à la fameuse mine d’or. Jim représente dans le roman la caricature de l’homme occidental moderne et dévastateur; il donne de grandes claques dans le dos d’Antoine quand il ne l’assomme pas de ses poings. Il ridiculise les préoccupations écologistes de son fils ainsi que les velléités artistiques de sa femme qu’il trompe comme elle le trompe; et il pille sans états d’âme la terre aurifère australienne. Les pérégrinations d’Antoine le conduisent finalement vers la belle Jenny, la jeune et séduisante policière de Kalgoorie. Il vivra avec elle une aventure digne des meilleurs romans policiers tout en faisant la rencontre déterminante du peuple aborigène. Ces voyages aléatoires, ponctués de rencontres en apparence hasardeuses et souvent trompeuses, sont dans le roman la conséquence d’un héritage délétère double qui est le véritable sujet du roman de Trompas. D’un point de vue personnel, Antoine se sent responsable, à tort, de la mort de ses parents ainsi que de celle de son grand-père. Cette culpabilité excessive, quasi maladive, accompagne chacun de ses pas et détermine son errance coupable. Mais c’est l’héritage plus large du colonialisme occidental qui est dénoncé dans le roman par la voix du grand-père, anthropologue et visionnaire: “Ce regard condescendant de l’Occident sur le reste du monde qui apporte son lot d’injustices et de jugement, de ségrégation et de mépris” (137). Antoine incarne inconsciemment, à travers son indécision et sa nonchalance séduisante, toute l’étendue de cet héritage mortifère. Or, l’auteur se refuse à tout manichéisme facile; il met dos à dos les écologistes vertueux et les exploiteurs méprisants, pour tracer le portrait riche et paradoxal d’une jeunesse occidentale déboussolée en quête de sens et celui d’autochtones marginalisés dont la culture et le mode de vie sont en voie de destruction avancée. Sans jamais tomber dans les pièges de l’essentialisme ni du misérabilisme, l’auteur observe avec compassion et inquiétude les bouleversements géographiques, linguistiques et humains, d’un monde à jamais “uniformisé, transformé, effacé” (139). [End Page 255] Louis Bousquet University of Hawaii, Mānoa Copyright © 2023 American Association of Teachers of French","PeriodicalId":44297,"journal":{"name":"FRENCH REVIEW","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2023-10-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Gugubarra par Jacques-Olivier Trompas (review)\",\"authors\":\"Louis Bousquet\",\"doi\":\"10.1353/tfr.2023.a911341\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Reviewed by: Gugubarra par Jacques-Olivier Trompas Louis Bousquet Trompas, Jacques-Olivier. Gugubarra. Au vent des îles, 2022. ISBN 978-2-36734-442-3. Pp. 175. Antoine, “un parigot un peu à côté de ses pompes” (17), promène une existence d’héritier transparente au hasard des chemins et des circonstances. 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Gugubarra par Jacques-Olivier Trompas (review)
Reviewed by: Gugubarra par Jacques-Olivier Trompas Louis Bousquet Trompas, Jacques-Olivier. Gugubarra. Au vent des îles, 2022. ISBN 978-2-36734-442-3. Pp. 175. Antoine, “un parigot un peu à côté de ses pompes” (17), promène une existence d’héritier transparente au hasard des chemins et des circonstances. Ses pérégrinations l’entraînent à la suite d’un baiser aussi mouillé qu’impromptu de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes jusqu’au fin fond du bush australien, plus précisément à Kalgoorlie, où se trouve le “superpit”, la plus grande mine d’or à ciel ouvert du continent. À l’absence de but et de direction personnelle du jeune héros, se substituent la magie et la malédiction des rencontres. Le jeune homme désœuvré voyage par désir pour retrouver les lèvres d’Anaïs, la petite bourgeoise anarchiste et délurée de la ZAD; il traverse aussi le monde par amitié pour Glen, l’écologiste militant homosexuel qui l’invite en Australie chez ses parents. Il fait alors la connaissance d’Annie et de Jim, la Française sophistiquée et manipulatrice et l’Australien brutal et prospère. En suivant Jim, le grand ordonnateur de la mine d’or et le mâle dominant de la saga, Antoine voyage finalement jusqu’à la fameuse mine d’or. Jim représente dans le roman la caricature de l’homme occidental moderne et dévastateur; il donne de grandes claques dans le dos d’Antoine quand il ne l’assomme pas de ses poings. Il ridiculise les préoccupations écologistes de son fils ainsi que les velléités artistiques de sa femme qu’il trompe comme elle le trompe; et il pille sans états d’âme la terre aurifère australienne. Les pérégrinations d’Antoine le conduisent finalement vers la belle Jenny, la jeune et séduisante policière de Kalgoorie. Il vivra avec elle une aventure digne des meilleurs romans policiers tout en faisant la rencontre déterminante du peuple aborigène. Ces voyages aléatoires, ponctués de rencontres en apparence hasardeuses et souvent trompeuses, sont dans le roman la conséquence d’un héritage délétère double qui est le véritable sujet du roman de Trompas. D’un point de vue personnel, Antoine se sent responsable, à tort, de la mort de ses parents ainsi que de celle de son grand-père. Cette culpabilité excessive, quasi maladive, accompagne chacun de ses pas et détermine son errance coupable. Mais c’est l’héritage plus large du colonialisme occidental qui est dénoncé dans le roman par la voix du grand-père, anthropologue et visionnaire: “Ce regard condescendant de l’Occident sur le reste du monde qui apporte son lot d’injustices et de jugement, de ségrégation et de mépris” (137). Antoine incarne inconsciemment, à travers son indécision et sa nonchalance séduisante, toute l’étendue de cet héritage mortifère. Or, l’auteur se refuse à tout manichéisme facile; il met dos à dos les écologistes vertueux et les exploiteurs méprisants, pour tracer le portrait riche et paradoxal d’une jeunesse occidentale déboussolée en quête de sens et celui d’autochtones marginalisés dont la culture et le mode de vie sont en voie de destruction avancée. Sans jamais tomber dans les pièges de l’essentialisme ni du misérabilisme, l’auteur observe avec compassion et inquiétude les bouleversements géographiques, linguistiques et humains, d’un monde à jamais “uniformisé, transformé, effacé” (139). [End Page 255] Louis Bousquet University of Hawaii, Mānoa Copyright © 2023 American Association of Teachers of French