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{"title":"Jennifer Lesieur气旋通道(回顾)","authors":"Annie Bandy","doi":"10.1353/tfr.2023.a911349","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Passage du cyclone par Jennifer Lesieur Annie Bandy Lesieur, Jennifer. Passage du cyclone. Stock, 2022. ISBN 978-2-234-09131-3. Pp 247. Le cyclone est non seulement un phénomène météorologique fréquent en Polynésie, mais dans cet ouvrage c’est aussi la métaphore d’une transformation personnelle de l’autrice à l’aube de ses quatorze ans. Le passage de l’enfance à l’adolescence, de l’innocence à une maturité déroutante est en effet le sujet du roman d’apprentissage de Jennifer Lesieur, dont le catalyseur est Tahiti. C’est là où la jeune ado, expat avec ses parents, passe des années riches de rencontres et de découvertes où les sensations sont si fortes qu’elles changent sa perception du monde autour d’elle. Cette éducation sensorielle aiguise sa curiosité, suscite chez elle des questionnements et ouvre des perspectives inconnues qui sont finement décrites par l’autrice tout en évitant l’écueil d’un exotisme de pacotille. Les filles de son âge avec qui elle parle et joue à l’école, dansent l’otea et l’aparima comme des femmes, si bien qu’elle, qui n’est pas une “Demie”, mais une “métro” (22) se met à envier l’origine métissée, chinoise, australienne, cambodgienne de ses copines. Son amie Tumata, abandonnée par ses parents, lui confie ses souvenirs de l’année heureuse passée chez ses grands-parents dans leur village reculé, et la petite métro constate avec lucidité la valeur d’un autre mode de vie, puisque chez eux, même s’il “n’y avait rien, elle avait tout” (106). Le texte, par la voix de la narratrice, offre un accès sans filtre sur ses émotions, comme si on absorbait directement à travers elle les visions surprenantes de la faune: “mes yeux se remplirent d’eau” (127), de la flore: le parfum capiteux des fleurs de tiaré “s’enroulait autour de mon cou” (86), ou encore la musique des “ori”, danses tahitiennes, qui dès l’âge de 6 ou 7 ans l’avaient chamboulée: “Je ne m’en étais jamais remise” (164). Ces bouleversements intimes, à l’opposé des commentaires à l’emporte-pièce des touristes, l’interrogent sur la légitimité des jugements portés sur les personnes et les coutumes, “d’où venait ce mépris?” (176). Plus une enfant, pas encore adulte, à peine ado, elle mûrit, compare, se pose des questions, réalise qu’autour d’elle les contradictions abondent. La plongée sous-marine dans le sillage d’une baleine et de son baleineau la transporte dans un monde féerique, mais la réunion de parents en colère discutant les maltraitances subies par Tumata chez son oncle, la ramène brutalement sur terre et lui donne la nausée (216): le paradis a-t-il deux côtés? Par mille détails, ce contact extraordinaire avec une nature, un peuple et une culture qui la touchent profondément, intervient à un moment propice à la transformation de son caractère et la construction de sa personnalité. Instinctivement, pour désigner sa maison, elle dira maintenant, “mon fenua” (24) en rentrant chez elle après l’école. Ce sentiment très fort d’appartenance—“Tahiti se jette dans vos bras” (86)—ressenti à un jeune âge, Jennifer Lesieur nous le fait partager intensément, jusqu’à offrir un petit glossaire en dernière page. Dès lors, on comprend pourquoi on lui doit les biographies d’étonnants voyageurs tels que Jack London, Alexandra David-Néel ou Bruce Chatwin. 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Son amie Tumata, abandonnée par ses parents, lui confie ses souvenirs de l’année heureuse passée chez ses grands-parents dans leur village reculé, et la petite métro constate avec lucidité la valeur d’un autre mode de vie, puisque chez eux, même s’il “n’y avait rien, elle avait tout” (106). Le texte, par la voix de la narratrice, offre un accès sans filtre sur ses émotions, comme si on absorbait directement à travers elle les visions surprenantes de la faune: “mes yeux se remplirent d’eau” (127), de la flore: le parfum capiteux des fleurs de tiaré “s’enroulait autour de mon cou” (86), ou encore la musique des “ori”, danses tahitiennes, qui dès l’âge de 6 ou 7 ans l’avaient chamboulée: “Je ne m’en étais jamais remise” (164). Ces bouleversements intimes, à l’opposé des commentaires à l’emporte-pièce des touristes, l’interrogent sur la légitimité des jugements portés sur les personnes et les coutumes, “d’où venait ce mépris?” (176). 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Passage du cyclone par Jennifer Lesieur (review)
Reviewed by: Passage du cyclone par Jennifer Lesieur Annie Bandy Lesieur, Jennifer. Passage du cyclone. Stock, 2022. ISBN 978-2-234-09131-3. Pp 247. Le cyclone est non seulement un phénomène météorologique fréquent en Polynésie, mais dans cet ouvrage c’est aussi la métaphore d’une transformation personnelle de l’autrice à l’aube de ses quatorze ans. Le passage de l’enfance à l’adolescence, de l’innocence à une maturité déroutante est en effet le sujet du roman d’apprentissage de Jennifer Lesieur, dont le catalyseur est Tahiti. C’est là où la jeune ado, expat avec ses parents, passe des années riches de rencontres et de découvertes où les sensations sont si fortes qu’elles changent sa perception du monde autour d’elle. Cette éducation sensorielle aiguise sa curiosité, suscite chez elle des questionnements et ouvre des perspectives inconnues qui sont finement décrites par l’autrice tout en évitant l’écueil d’un exotisme de pacotille. Les filles de son âge avec qui elle parle et joue à l’école, dansent l’otea et l’aparima comme des femmes, si bien qu’elle, qui n’est pas une “Demie”, mais une “métro” (22) se met à envier l’origine métissée, chinoise, australienne, cambodgienne de ses copines. Son amie Tumata, abandonnée par ses parents, lui confie ses souvenirs de l’année heureuse passée chez ses grands-parents dans leur village reculé, et la petite métro constate avec lucidité la valeur d’un autre mode de vie, puisque chez eux, même s’il “n’y avait rien, elle avait tout” (106). Le texte, par la voix de la narratrice, offre un accès sans filtre sur ses émotions, comme si on absorbait directement à travers elle les visions surprenantes de la faune: “mes yeux se remplirent d’eau” (127), de la flore: le parfum capiteux des fleurs de tiaré “s’enroulait autour de mon cou” (86), ou encore la musique des “ori”, danses tahitiennes, qui dès l’âge de 6 ou 7 ans l’avaient chamboulée: “Je ne m’en étais jamais remise” (164). Ces bouleversements intimes, à l’opposé des commentaires à l’emporte-pièce des touristes, l’interrogent sur la légitimité des jugements portés sur les personnes et les coutumes, “d’où venait ce mépris?” (176). Plus une enfant, pas encore adulte, à peine ado, elle mûrit, compare, se pose des questions, réalise qu’autour d’elle les contradictions abondent. La plongée sous-marine dans le sillage d’une baleine et de son baleineau la transporte dans un monde féerique, mais la réunion de parents en colère discutant les maltraitances subies par Tumata chez son oncle, la ramène brutalement sur terre et lui donne la nausée (216): le paradis a-t-il deux côtés? Par mille détails, ce contact extraordinaire avec une nature, un peuple et une culture qui la touchent profondément, intervient à un moment propice à la transformation de son caractère et la construction de sa personnalité. Instinctivement, pour désigner sa maison, elle dira maintenant, “mon fenua” (24) en rentrant chez elle après l’école. Ce sentiment très fort d’appartenance—“Tahiti se jette dans vos bras” (86)—ressenti à un jeune âge, Jennifer Lesieur nous le fait partager intensément, jusqu’à offrir un petit glossaire en dernière page. Dès lors, on comprend pourquoi on lui doit les biographies d’étonnants voyageurs tels que Jack London, Alexandra David-Néel ou Bruce Chatwin. [End Page 242] Annie Bandy Earlham College (IN), emerita Copyright © 2023 American Association of Teachers of French