求助PDF
{"title":"《绝对的走私者:伟大的作家与上帝》,伊曼纽尔·戈多著(评论)","authors":"Michel Gueldry","doi":"10.1353/tfr.2023.a911376","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu par Emmanuel Godo Michel Gueldry Godo, Emmanuel. Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu. Artège, 2022. ISBN 979-10-336-1212-4. Pp. 282. Écrivain, essayiste, poète et professeur de lettres, Emmanuel Godo (www.emmanuel-godo.com) offre ici vingt-cinq perspectives d’écrivains et poètes, dont dix-huit Français·e·s, “mendiants en quête de vérité” (9) chrétienne largo sensu. Vignettes par le format, mini-essais dans la substance, ces explorations de l’essentiel couvrent les grands attendus (Bernanos, Bloy, Claudel, Hugo, Pascal, Péguy, Sand, Verlaine, etc.), des contemporains inspirés (Pierre Emmanuel, Sylvie Germain, Marie Noël, etc.) et d’illustres étrangers (Chesterton, Dante, etc.), tous “infatigables quêteurs de sens” (14). Six thèmes s’affirment. D’abord, l’arrogance du moi (notre faux “double” 169), la pauvreté de la condition humaine, “de l’âme qui bée à son propre manque” (152), et la vanité du monde, qui mènent à la “boiterie d’un cœur intranquille, jamais installé, jamais assis” (70). Ensuite, l’autre sens du mot pauvreté: l’effacement, le dépouillement du moi (kénose), “un état d’ignorance et de nudité” (50), “l’esprit d’enfance et du merveilleux” (90) nous ouvrant à la simplicité heureuse. Ensuite, le besoin de silence, de repos, et prière car “notre fin est dans l’impérissable” (258). Ensuite, le rôle de l’église institutionnelle, rejetée ou célébrée. Ensuite, le divin simultanément abscons et lointain, ouvert et omniprésent. Mais toujours Dieu est du côté des pauvres, faibles, et martyrs: “Il se présente à l’improviste, non pas vêtu d’or et de pourpre, mais de vent et de poussière” (265). Enfin, Godo interroge longuement les rapports entre littérature et spiritualité. La Parole inspire la parole, le Verbe mène le verbe. La poésie est “pain de fraternité qui a faim de patience et de vérité” (68), “un levain pour grandir en joie et en vérité” (220); elle est “le secret parlé” (80) permettant de “restituer chaque chose dans sa dignité fondamentale” (255) et de nous soustraire au hasard. Contre les bavardages, “[l]a littérature est l’art de récolter les vendanges imprévisibles ou le miel noir des solitudes” (114). Elle est “témoignage” (151) “dans le dru, dans le cru, dans le chu de la vie, dans le dense, dans la danse, dans l’évidence de l’incarnation” (236). Écrire “est toujours un encouragement à mieux vivre” (249) car “[l]a parole est une lutte sans merci avec ce silence et cette nuit sans visage” (263). Godo offre maints beaux commentaires mais souvent on se demande: qui parle, lui ou les écrivains? Ses dénonciations du monde moderne sont aussi répétitives. Il conspue les sceptiques mais les avancées de la laïcité dégagent ce qui est vraiment spirituel, contre la superstition, et les abus des croyants. Son ontologie (nature de l’Homme) et sa sotériologie (doctrine du salut) sont banales (aimer Jésus, Dieu est salvateur en soi); sa théodicée (réconcilier la bonté, l’omniscience et l’omnipuissance de Dieu avec l’existence du mal) est inexistante. Son apologétique chrétienne ne cherche pas à avancer des positions doctrinales mais à vider les illusions, à cultiver la dignité des êtres et l’invite à la transcendance. Godo est “comme le promeneur dans un paysage qu’il va quitter” (249). Avec lui, “ [l]e paysage, pour celui qui sait que chaque pas compte, est rempli de présages et de passages” (121). [End Page 203] Michel Gueldry Missouri University of Science and Technology Copyright © 2023 American Association of Teachers of French","PeriodicalId":44297,"journal":{"name":"FRENCH REVIEW","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2023-10-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu par Emmanuel Godo (review)\",\"authors\":\"Michel Gueldry\",\"doi\":\"10.1353/tfr.2023.a911376\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Reviewed by: Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu par Emmanuel Godo Michel Gueldry Godo, Emmanuel. Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu. Artège, 2022. ISBN 979-10-336-1212-4. Pp. 282. Écrivain, essayiste, poète et professeur de lettres, Emmanuel Godo (www.emmanuel-godo.com) offre ici vingt-cinq perspectives d’écrivains et poètes, dont dix-huit Français·e·s, “mendiants en quête de vérité” (9) chrétienne largo sensu. Vignettes par le format, mini-essais dans la substance, ces explorations de l’essentiel couvrent les grands attendus (Bernanos, Bloy, Claudel, Hugo, Pascal, Péguy, Sand, Verlaine, etc.), des contemporains inspirés (Pierre Emmanuel, Sylvie Germain, Marie Noël, etc.) et d’illustres étrangers (Chesterton, Dante, etc.), tous “infatigables quêteurs de sens” (14). Six thèmes s’affirment. D’abord, l’arrogance du moi (notre faux “double” 169), la pauvreté de la condition humaine, “de l’âme qui bée à son propre manque” (152), et la vanité du monde, qui mènent à la “boiterie d’un cœur intranquille, jamais installé, jamais assis” (70). Ensuite, l’autre sens du mot pauvreté: l’effacement, le dépouillement du moi (kénose), “un état d’ignorance et de nudité” (50), “l’esprit d’enfance et du merveilleux” (90) nous ouvrant à la simplicité heureuse. Ensuite, le besoin de silence, de repos, et prière car “notre fin est dans l’impérissable” (258). Ensuite, le rôle de l’église institutionnelle, rejetée ou célébrée. Ensuite, le divin simultanément abscons et lointain, ouvert et omniprésent. Mais toujours Dieu est du côté des pauvres, faibles, et martyrs: “Il se présente à l’improviste, non pas vêtu d’or et de pourpre, mais de vent et de poussière” (265). Enfin, Godo interroge longuement les rapports entre littérature et spiritualité. La Parole inspire la parole, le Verbe mène le verbe. La poésie est “pain de fraternité qui a faim de patience et de vérité” (68), “un levain pour grandir en joie et en vérité” (220); elle est “le secret parlé” (80) permettant de “restituer chaque chose dans sa dignité fondamentale” (255) et de nous soustraire au hasard. Contre les bavardages, “[l]a littérature est l’art de récolter les vendanges imprévisibles ou le miel noir des solitudes” (114). Elle est “témoignage” (151) “dans le dru, dans le cru, dans le chu de la vie, dans le dense, dans la danse, dans l’évidence de l’incarnation” (236). Écrire “est toujours un encouragement à mieux vivre” (249) car “[l]a parole est une lutte sans merci avec ce silence et cette nuit sans visage” (263). Godo offre maints beaux commentaires mais souvent on se demande: qui parle, lui ou les écrivains? Ses dénonciations du monde moderne sont aussi répétitives. Il conspue les sceptiques mais les avancées de la laïcité dégagent ce qui est vraiment spirituel, contre la superstition, et les abus des croyants. Son ontologie (nature de l’Homme) et sa sotériologie (doctrine du salut) sont banales (aimer Jésus, Dieu est salvateur en soi); sa théodicée (réconcilier la bonté, l’omniscience et l’omnipuissance de Dieu avec l’existence du mal) est inexistante. Son apologétique chrétienne ne cherche pas à avancer des positions doctrinales mais à vider les illusions, à cultiver la dignité des êtres et l’invite à la transcendance. Godo est “comme le promeneur dans un paysage qu’il va quitter” (249). Avec lui, “ [l]e paysage, pour celui qui sait que chaque pas compte, est rempli de présages et de passages” (121). [End Page 203] Michel Gueldry Missouri University of Science and Technology Copyright © 2023 American Association of Teachers of French\",\"PeriodicalId\":44297,\"journal\":{\"name\":\"FRENCH REVIEW\",\"volume\":null,\"pages\":null},\"PeriodicalIF\":0.1000,\"publicationDate\":\"2023-10-01\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"0\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"FRENCH REVIEW\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://doi.org/10.1353/tfr.2023.a911376\",\"RegionNum\":4,\"RegionCategory\":\"文学\",\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"0\",\"JCRName\":\"LITERATURE, ROMANCE\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"FRENCH REVIEW","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/tfr.2023.a911376","RegionNum":4,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"LITERATURE, ROMANCE","Score":null,"Total":0}
引用次数: 0
引用
批量引用
Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu par Emmanuel Godo (review)
Reviewed by: Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu par Emmanuel Godo Michel Gueldry Godo, Emmanuel. Les passeurs de l’absolu: les grands écrivains et Dieu. Artège, 2022. ISBN 979-10-336-1212-4. Pp. 282. Écrivain, essayiste, poète et professeur de lettres, Emmanuel Godo (www.emmanuel-godo.com) offre ici vingt-cinq perspectives d’écrivains et poètes, dont dix-huit Français·e·s, “mendiants en quête de vérité” (9) chrétienne largo sensu. Vignettes par le format, mini-essais dans la substance, ces explorations de l’essentiel couvrent les grands attendus (Bernanos, Bloy, Claudel, Hugo, Pascal, Péguy, Sand, Verlaine, etc.), des contemporains inspirés (Pierre Emmanuel, Sylvie Germain, Marie Noël, etc.) et d’illustres étrangers (Chesterton, Dante, etc.), tous “infatigables quêteurs de sens” (14). Six thèmes s’affirment. D’abord, l’arrogance du moi (notre faux “double” 169), la pauvreté de la condition humaine, “de l’âme qui bée à son propre manque” (152), et la vanité du monde, qui mènent à la “boiterie d’un cœur intranquille, jamais installé, jamais assis” (70). Ensuite, l’autre sens du mot pauvreté: l’effacement, le dépouillement du moi (kénose), “un état d’ignorance et de nudité” (50), “l’esprit d’enfance et du merveilleux” (90) nous ouvrant à la simplicité heureuse. Ensuite, le besoin de silence, de repos, et prière car “notre fin est dans l’impérissable” (258). Ensuite, le rôle de l’église institutionnelle, rejetée ou célébrée. Ensuite, le divin simultanément abscons et lointain, ouvert et omniprésent. Mais toujours Dieu est du côté des pauvres, faibles, et martyrs: “Il se présente à l’improviste, non pas vêtu d’or et de pourpre, mais de vent et de poussière” (265). Enfin, Godo interroge longuement les rapports entre littérature et spiritualité. La Parole inspire la parole, le Verbe mène le verbe. La poésie est “pain de fraternité qui a faim de patience et de vérité” (68), “un levain pour grandir en joie et en vérité” (220); elle est “le secret parlé” (80) permettant de “restituer chaque chose dans sa dignité fondamentale” (255) et de nous soustraire au hasard. Contre les bavardages, “[l]a littérature est l’art de récolter les vendanges imprévisibles ou le miel noir des solitudes” (114). Elle est “témoignage” (151) “dans le dru, dans le cru, dans le chu de la vie, dans le dense, dans la danse, dans l’évidence de l’incarnation” (236). Écrire “est toujours un encouragement à mieux vivre” (249) car “[l]a parole est une lutte sans merci avec ce silence et cette nuit sans visage” (263). Godo offre maints beaux commentaires mais souvent on se demande: qui parle, lui ou les écrivains? Ses dénonciations du monde moderne sont aussi répétitives. Il conspue les sceptiques mais les avancées de la laïcité dégagent ce qui est vraiment spirituel, contre la superstition, et les abus des croyants. Son ontologie (nature de l’Homme) et sa sotériologie (doctrine du salut) sont banales (aimer Jésus, Dieu est salvateur en soi); sa théodicée (réconcilier la bonté, l’omniscience et l’omnipuissance de Dieu avec l’existence du mal) est inexistante. Son apologétique chrétienne ne cherche pas à avancer des positions doctrinales mais à vider les illusions, à cultiver la dignité des êtres et l’invite à la transcendance. Godo est “comme le promeneur dans un paysage qu’il va quitter” (249). Avec lui, “ [l]e paysage, pour celui qui sait que chaque pas compte, est rempli de présages et de passages” (121). [End Page 203] Michel Gueldry Missouri University of Science and Technology Copyright © 2023 American Association of Teachers of French