尼古拉斯·库尔托维奇的《晚安,朋友》笔记:文化卡纳克,创伤和传统的重建

Jean Bessière
{"title":"尼古拉斯·库尔托维奇的《晚安,朋友》笔记:文化卡纳克,创伤和传统的重建","authors":"Jean Bessière","doi":"10.1353/nef.2023.a905928","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night FriendCulture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition Jean Bessière (bio) Le bref roman de Nicolas Kurtovitch, Good Night Friend (2006), peut certainement être lu suivant une ligne organisatrice et quasiment argumentative nette: dans la société kanak de la Nouvelle-Calédonie, un mari tue l’homme qui a très largement importuné sa femme, laquelle dépérit à la suite d’un sort jeté par celui-ci. Le mari est lui-même tué par un membre de la famille de cet homme, faute d’avoir observé les règles de la demande de pardon kanak. De plus, la fille du premier meur-trier subit des violences de genre, dirait-on dans un vocabulaire que n’utilise pas Kurtovitch, alors qu’elle recherche son frère aîné, seul capable d’éviter le meurtre du Père. Dila, l’épouse victime du sort jeté, trouve en conclusion du récit, après la mort de son mari, un rôle essentiel dans l’illustration du pouvoir de la tradition culturelle. Ce pouvoir peut être celui de donner un plein droit de cité à la femme; elle reçoit ce plein droit de cité et symbolise ultimement le lien tribal, le lien avec la nature, le lien avec le temps. Elle devient une sorte de vaste figure herméneutique, parfaite médiation de l’interprétation de tout ce qui s’est passé dans le roman. Cette conclusion soulève un dernier point remarquable: cette femme reçoit ce pouvoir d’un vieillard, isolé dans la montagne, figure de la lignée des chefs de la tribu à laquelle ont appartenu le père et les ancêtres de son mari, premier meurtrier. Loin d’être exhaustif, ce résumé de l’intrigue comporte des blancs à cause de sa simplicité et des silences du roman même. On ne sait pas comment on va du mari meurtrier et finalement tué à cette place centrale ultimement prêtée à sa femme, dans l’isolement, faut-il ajouter. On ne le sait pas parce qu’il n’est jamais prêté, sauf à la conclusion, une parole explicative à cette femme. Viennent s’ajouter d’autres omissions: aussi explicites que soient les liens familiaux, ou apparentés à la famille centrale du roman, les rapports entre les personnages, certes souvent manifestes, ne sont pas toujours exactement précisés. Cela traduit une sorte d’égalité de ces personnages dans l’énonciation ou dans le fil narratif du roman. Comme s’impose la question de la parole explicative de la mère, s’impose aussi pour le lecteur de connaître la raison de ce traitement égal des personnages, qui conduit à une difficile identification des énonciateurs de tel ou tel passage. [End Page 148] À rebours de ces questions implicitement attachées au récit, le roman pose expressément, par le biais des personnages du père et de sa fille Léa, la question du changement de nom de cette famille; un changement d’abord tenu pour révélateur d’une faute: les ancêtres avaient pris le parti des colonisateurs et changé de nom, rompant le lien à la terre (63). Si tel est le souvenir du passé de la famille, le lien à la tradition est perdu. Le roman de Kurtovitch n’a plus même d’objet. Or, il a bien un objet, celui de l’identification de la constance de la tradition et du lien à la terre. La dualité de la ligne organisatrice et des blancs manifestes de cette ligne illustre la difficulté que le roman a à donner une image équilibrée de la culture kanak, de la culture de la vie quotidienne sans caractéristique kanak, et des interactions de celles-ci en Nouvelle-Calédonie. Cette difficulté est, cependant, atténuée par le fait que ce soit la pleine reconnaissance de la culture kanak qui, dans le roman, représente les lignes d’interprétation et le pouvoir herméneutique, même si bien des dé-tails échappent à cette ligne ou la contredisent.1 S’impose la question de savoir ce que produit l’association de données kanak et de...","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"72 2 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night Friend : Culture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition\",\"authors\":\"Jean Bessière\",\"doi\":\"10.1353/nef.2023.a905928\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night FriendCulture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition Jean Bessière (bio) Le bref roman de Nicolas Kurtovitch, Good Night Friend (2006), peut certainement être lu suivant une ligne organisatrice et quasiment argumentative nette: dans la société kanak de la Nouvelle-Calédonie, un mari tue l’homme qui a très largement importuné sa femme, laquelle dépérit à la suite d’un sort jeté par celui-ci. 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Cette conclusion soulève un dernier point remarquable: cette femme reçoit ce pouvoir d’un vieillard, isolé dans la montagne, figure de la lignée des chefs de la tribu à laquelle ont appartenu le père et les ancêtres de son mari, premier meurtrier. Loin d’être exhaustif, ce résumé de l’intrigue comporte des blancs à cause de sa simplicité et des silences du roman même. On ne sait pas comment on va du mari meurtrier et finalement tué à cette place centrale ultimement prêtée à sa femme, dans l’isolement, faut-il ajouter. On ne le sait pas parce qu’il n’est jamais prêté, sauf à la conclusion, une parole explicative à cette femme. Viennent s’ajouter d’autres omissions: aussi explicites que soient les liens familiaux, ou apparentés à la famille centrale du roman, les rapports entre les personnages, certes souvent manifestes, ne sont pas toujours exactement précisés. Cela traduit une sorte d’égalité de ces personnages dans l’énonciation ou dans le fil narratif du roman. Comme s’impose la question de la parole explicative de la mère, s’impose aussi pour le lecteur de connaître la raison de ce traitement égal des personnages, qui conduit à une difficile identification des énonciateurs de tel ou tel passage. [End Page 148] À rebours de ces questions implicitement attachées au récit, le roman pose expressément, par le biais des personnages du père et de sa fille Léa, la question du changement de nom de cette famille; un changement d’abord tenu pour révélateur d’une faute: les ancêtres avaient pris le parti des colonisateurs et changé de nom, rompant le lien à la terre (63). Si tel est le souvenir du passé de la famille, le lien à la tradition est perdu. Le roman de Kurtovitch n’a plus même d’objet. Or, il a bien un objet, celui de l’identification de la constance de la tradition et du lien à la terre. 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摘要

笔记上尼古拉斯Kurtovitch和Good Night FriendCulture卡纳克、创伤和重建,让传统Bessière (Nicolas Kurtovitch bio)短暂的小说《Good Night Friend》(2006),几乎肯定可以读一条组织者和净argumentative:新喀里多尼亚卡纳克社会中,一个丈夫杀死的那个人已经非常广泛的妻子拿结婚,其中整死后,奠定了它的命运。丈夫本人被这个男人的家人杀害,因为他没有遵守卡纳克宽恕请求的规则。此外,第一个杀人犯的女儿正在遭受性别暴力,这是库尔托维奇没有使用的词汇,因为她正在寻找她的哥哥,唯一能够阻止父亲被谋杀的哥哥。Dila是命运的受害者,在她丈夫死后,她在故事的结尾发现了一个重要的角色,说明了文化传统的力量。这种权力可以是给予妇女充分的权利;它被赋予了城市的全部权利,最终象征着部落的联系,与自然的联系,与时间的联系。她成为了一种巨大的解释学人物,完美地诠释了小说中发生的一切。这个结论引出了最后一个值得注意的观点:这个女人从一个被孤立在山区的老人那里获得了这种权力,他是她的第一个谋杀丈夫的父亲和祖先所属的部落首领的后裔。这个情节总结远不是详尽无遗的,因为它的简单和小说本身的沉默,有一些空白。我们不知道一个人是如何从谋杀的丈夫,最终在这个中心位置被杀害,最终借给他的妻子,在孤立中,我们必须补充。我们不知道,因为除了最后,从来没有人对这个女人说过一句解释性的话。除此之外,还有其他的遗漏:尽管家庭关系很明确,或者与小说的核心家庭有关,但人物之间的关系,虽然经常很明显,但并不总是精确地定义。这反映了这些人物在小说的发音或叙事线索上的某种平等。正如母亲的解释性话语问题所强调的那样,读者也有必要知道为什么对人物的平等对待会导致很难识别特定段落的作者。与这些隐含在故事中的问题相反,小说通过父亲和女儿lea的角色明确地提出了这个家庭改名的问题;这种变化最初被认为揭示了一个错误:祖先站在殖民者一边,改变了名字,切断了与土地的联系(63)。如果这是对家族过去的记忆,那么与传统的联系就失去了。库尔托维奇的小说已经没有任何意义了。然而,它确实有一个目的,那就是确认传统的一致性和与土地的联系。组织线和明显的白色线的二元性说明了小说很难平衡卡纳克文化,没有卡纳克特征的日常生活文化,以及新喀里多尼亚的互动。然而,在小说中,对卡纳克文化的充分承认代表了解释的路线和解释学的力量,这一事实减轻了这一困难,即使许多细节逃脱了这条路线或与之相矛盾有一个问题是,卡纳克数据和…
本文章由计算机程序翻译,如有差异,请以英文原文为准。
Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night Friend : Culture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition
Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night FriendCulture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition Jean Bessière (bio) Le bref roman de Nicolas Kurtovitch, Good Night Friend (2006), peut certainement être lu suivant une ligne organisatrice et quasiment argumentative nette: dans la société kanak de la Nouvelle-Calédonie, un mari tue l’homme qui a très largement importuné sa femme, laquelle dépérit à la suite d’un sort jeté par celui-ci. Le mari est lui-même tué par un membre de la famille de cet homme, faute d’avoir observé les règles de la demande de pardon kanak. De plus, la fille du premier meur-trier subit des violences de genre, dirait-on dans un vocabulaire que n’utilise pas Kurtovitch, alors qu’elle recherche son frère aîné, seul capable d’éviter le meurtre du Père. Dila, l’épouse victime du sort jeté, trouve en conclusion du récit, après la mort de son mari, un rôle essentiel dans l’illustration du pouvoir de la tradition culturelle. Ce pouvoir peut être celui de donner un plein droit de cité à la femme; elle reçoit ce plein droit de cité et symbolise ultimement le lien tribal, le lien avec la nature, le lien avec le temps. Elle devient une sorte de vaste figure herméneutique, parfaite médiation de l’interprétation de tout ce qui s’est passé dans le roman. Cette conclusion soulève un dernier point remarquable: cette femme reçoit ce pouvoir d’un vieillard, isolé dans la montagne, figure de la lignée des chefs de la tribu à laquelle ont appartenu le père et les ancêtres de son mari, premier meurtrier. Loin d’être exhaustif, ce résumé de l’intrigue comporte des blancs à cause de sa simplicité et des silences du roman même. On ne sait pas comment on va du mari meurtrier et finalement tué à cette place centrale ultimement prêtée à sa femme, dans l’isolement, faut-il ajouter. On ne le sait pas parce qu’il n’est jamais prêté, sauf à la conclusion, une parole explicative à cette femme. Viennent s’ajouter d’autres omissions: aussi explicites que soient les liens familiaux, ou apparentés à la famille centrale du roman, les rapports entre les personnages, certes souvent manifestes, ne sont pas toujours exactement précisés. Cela traduit une sorte d’égalité de ces personnages dans l’énonciation ou dans le fil narratif du roman. Comme s’impose la question de la parole explicative de la mère, s’impose aussi pour le lecteur de connaître la raison de ce traitement égal des personnages, qui conduit à une difficile identification des énonciateurs de tel ou tel passage. [End Page 148] À rebours de ces questions implicitement attachées au récit, le roman pose expressément, par le biais des personnages du père et de sa fille Léa, la question du changement de nom de cette famille; un changement d’abord tenu pour révélateur d’une faute: les ancêtres avaient pris le parti des colonisateurs et changé de nom, rompant le lien à la terre (63). Si tel est le souvenir du passé de la famille, le lien à la tradition est perdu. Le roman de Kurtovitch n’a plus même d’objet. Or, il a bien un objet, celui de l’identification de la constance de la tradition et du lien à la terre. La dualité de la ligne organisatrice et des blancs manifestes de cette ligne illustre la difficulté que le roman a à donner une image équilibrée de la culture kanak, de la culture de la vie quotidienne sans caractéristique kanak, et des interactions de celles-ci en Nouvelle-Calédonie. Cette difficulté est, cependant, atténuée par le fait que ce soit la pleine reconnaissance de la culture kanak qui, dans le roman, représente les lignes d’interprétation et le pouvoir herméneutique, même si bien des dé-tails échappent à cette ligne ou la contredisent.1 S’impose la question de savoir ce que produit l’association de données kanak et de...
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