{"title":"《货舱诗学:奴隶船变奏曲》,Fabienne Kanor著(评论)","authors":"Linsey Sainte-Claire","doi":"10.1353/nef.2023.a905939","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: La Poétique de la cale: variations sur le bateau négrier by Fabienne Kanor Linsey Sainte-Claire Kanor, Fabienne. La Poétique de la cale: variations sur le bateau négrier. Paris, Payot & Rivages, 2022. ISBN 9782743657819. 240 p. Le texte transdisciplinaire et plurivocal de Fabienne Kanor, Poétique de la cale, se place dans la lignée des questionnements incontournables et intarissables relatifs à la “trace,” à la “marche” et à l’“hérédité” (Unter Ecker s.p.), qui occupent le répertoire de l’auteure. L’ouvrage reflète d’ailleurs parfaitement le profil interdisciplinaire de Kanor—écrivaine, réalisatrice, traductrice et professeure—tant par son analyse fine de multiples productions cinématographiques, littéraires et artistiques, que par son contenu autobiographique. La “trace” que l’auteure tente ici de déceler est celle de la cale du vaisseau négrier, ce vestige spectral qui n’offre qu’un savoir lacunaire, notamment dans le contexte d’une quête difficile accentuée par la pénurie d’archives écrites, audiovisuelles et iconographiques. Pour autant, la “marche” entreprise par Kanor est adroitement théorisée. En convoquant la langue créole, l’auteure parle de chimen chyen, à savoir, ce cheminement sinueux et obscur qu’elle dit emprunter pour assurer auprès de ses lecteurs la transmission des récits sur l’esclavage et les traites négrières dont elle fut investie en Afrique de l’Ouest, en Amérique, aux Antilles françaises et en France. Cette démarche, qui puise sa source dans l’“hérédité,” s’attache par ailleurs à souligner aussi bien la blès des descendants des peuples déportés—violente blessure transgénérationnelle issue de la cale et qui hante désormais leur âme et leur corps—que la manière dont ces blessés s’en guérissent grâce à l’art et à l’imaginaire. [End Page 224] Bien que Kanor éloigne de prime abord son texte des domaines scientifiques et des discours dits savants, son caractère encyclopédique et son érudition ne s’en font pas moins ressentir. De fait, les fondements conceptuels et méthodologiques de l’approche poétique de Kanor au sujet de la cale trouvent tout leur sens lorsqu’on comprend que le retour vers “la cale [qui] est et n’est pas” se fait ici principalement “en pensée” (14). L’aspect poétique du texte se manifeste jusque dans le paratexte qui adopte un ton symbolique (“Carte des quatre-chemins,” “Méditations préliminaires,” “Chemins,” “Terminaisons” et “Héritages”). Kanor utilise aisément, par ailleurs, maintes figures de style, telles que la personnification, la métonymie, le parallélisme et la répétition, qui font honneur au titre de son ouvrage. Enfin, l’auteure rythme son texte d’entretiens menés auprès de divers artistes et conservateurs de musées, tout en énonçant maintes questions rhétoriques qui soulignent sa vision critique et poussent le lecteur à réfléchir à ce qu’elle nomme “la Catastrophe” (13). Kanor débute son cheminement avec quatre “méditations préliminaires” qui contextualisent la pénurie de l’histoire de plusieurs Catastrophes comme une problématique globale en prenant pour exemple “‘les rêveurs sans nom’ de l’Anse Sainte-Marguerite, les inconnus du Chili, la muette du comté de Greene et les déracinés d’Akomfrah” (26). Quatre “Chemins” font suite à ces méditations, chacun composé de quatre sous-parties qui examinent en profondeur l’absence, les symptômes, l’espace imaginé et les tentatives de guérison de la cale. L’œuvre aboutit sur quatre “Terminaisons” que Kanor préfère appeler “Regains” dans la mesure où ils rappellent au lecteur que la quête entreprise par l’auteure est inexhaustible. Plus qu’un écho hasardeux ou encore une forme de contrôle, le chiffre quatre qui hante le paratexte et le texte fait référence à “la croisée des chemins” (également l’un des sous-titres du texte), un espace cher à l’imaginaire caribéen et d’autant plus emblématique qu’il symbolise le pouvoir présent au carrefour géographique, stylistique, artistique et autobiographique de...","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"14 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"La Poétique de la cale: variations sur le bateau négrier by Fabienne Kanor (review)\",\"authors\":\"Linsey Sainte-Claire\",\"doi\":\"10.1353/nef.2023.a905939\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Reviewed by: La Poétique de la cale: variations sur le bateau négrier by Fabienne Kanor Linsey Sainte-Claire Kanor, Fabienne. 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摘要
评论:La poetique de La cale:船奴隶的变化,Fabienne Kanor Linsey saint - claire Kanor, Fabienne。《货舱诗学:奴隶船的变奏曲》。巴黎,帕约特和里瓦奇,2022年。en 9782743657819。法比安·卡诺(Fabienne Kanor)的跨学科和多声音文本,poetique de la cale,将自己置于与“痕迹”、“行走”和“遗传”(Unter Ecker s.p.)有关的不可避免和不可克服的问题的线中,这些问题占据了作者的曲目。这本书通过对众多电影、文学和艺术作品的详细分析,以及自传内容,完美地反映了卡诺作为作家、导演、翻译和教师的跨学科形象。作者在这里试图发现的“痕迹”是奴隶船的货舱,这是一个光谱遗迹,只能提供不完整的知识,特别是在一个困难的搜索背景下,由于缺乏书面、视听和肖像档案而加剧。然而,卡诺的“行军”被巧妙地理论化了。传唤的克里奥尔语,作者以chimen chyen即蜿蜒的路径和黑暗,她所说的,向读者传递借款为故事赋予她的关于奴隶制和贩卖奴隶的西部非洲、北美和西印度群岛,法国和法国人。此举,是来源于他的“世袭”,另外也强调注重民族的后裔blès驱逐暴力—伤口transgénérationnelle货舱的出路和现在困扰他们的灵魂和身体—无论如何把这些归功于疗伤员坚持艺术和想象力。虽然卡诺从一开始就把他的文本从科学领域和所谓的学术论述中移开,但他的百科全书性和博学性仍然令人印象深刻。事实上,卡诺关于货舱的诗歌方法的概念和方法论基础在理解“货舱[它]是和不是”的回归主要是“在思想中”时找到了它们的全部意义(14)。文本的诗意方面甚至在采用象征语调的副文本中也很明显(“四道地图”、“初步冥想”、“路径”、“结尾”和“继承”)。此外,卡诺轻松地使用了许多风格人物,如人格化、转喻、平行和重复,这与他的作品的标题相呼应。最后,作者以对不同艺术家和博物馆馆长的采访为节奏,同时提出了许多反思性问题,强调了她的批判性视野,并促使读者反思她所谓的“灾难”(13)。初步Kanor开始他的旅程与四个“沉思”的contextualisent短缺等多种灾害问题全面历史为例“‘圣玛格丽特没有悼词的梦想石矿、智利的陌生人,格林县的沉默和背井离乡d’Akomfrah”(26)。在这些冥想之后,有四条“路径”,每条路径都由四个子部分组成,这些子部分深入检查了货舱的缺失、症状、想象的空间和治疗尝试。这部作品有四个“结局”,Kanor更喜欢称之为“重生”,因为它们提醒读者作者的探索是无穷无尽的。不止是马虎的共鸣或者某种形式的控制,这四个数字困扰paratexte和案文提及“十字路口”之一(还有字幕文本),贵到加勒比海的想象空间和标志性更是本地域的交叉口,象征着权力、文体艺术和自传体...
La Poétique de la cale: variations sur le bateau négrier by Fabienne Kanor (review)
Reviewed by: La Poétique de la cale: variations sur le bateau négrier by Fabienne Kanor Linsey Sainte-Claire Kanor, Fabienne. La Poétique de la cale: variations sur le bateau négrier. Paris, Payot & Rivages, 2022. ISBN 9782743657819. 240 p. Le texte transdisciplinaire et plurivocal de Fabienne Kanor, Poétique de la cale, se place dans la lignée des questionnements incontournables et intarissables relatifs à la “trace,” à la “marche” et à l’“hérédité” (Unter Ecker s.p.), qui occupent le répertoire de l’auteure. L’ouvrage reflète d’ailleurs parfaitement le profil interdisciplinaire de Kanor—écrivaine, réalisatrice, traductrice et professeure—tant par son analyse fine de multiples productions cinématographiques, littéraires et artistiques, que par son contenu autobiographique. La “trace” que l’auteure tente ici de déceler est celle de la cale du vaisseau négrier, ce vestige spectral qui n’offre qu’un savoir lacunaire, notamment dans le contexte d’une quête difficile accentuée par la pénurie d’archives écrites, audiovisuelles et iconographiques. Pour autant, la “marche” entreprise par Kanor est adroitement théorisée. En convoquant la langue créole, l’auteure parle de chimen chyen, à savoir, ce cheminement sinueux et obscur qu’elle dit emprunter pour assurer auprès de ses lecteurs la transmission des récits sur l’esclavage et les traites négrières dont elle fut investie en Afrique de l’Ouest, en Amérique, aux Antilles françaises et en France. Cette démarche, qui puise sa source dans l’“hérédité,” s’attache par ailleurs à souligner aussi bien la blès des descendants des peuples déportés—violente blessure transgénérationnelle issue de la cale et qui hante désormais leur âme et leur corps—que la manière dont ces blessés s’en guérissent grâce à l’art et à l’imaginaire. [End Page 224] Bien que Kanor éloigne de prime abord son texte des domaines scientifiques et des discours dits savants, son caractère encyclopédique et son érudition ne s’en font pas moins ressentir. De fait, les fondements conceptuels et méthodologiques de l’approche poétique de Kanor au sujet de la cale trouvent tout leur sens lorsqu’on comprend que le retour vers “la cale [qui] est et n’est pas” se fait ici principalement “en pensée” (14). L’aspect poétique du texte se manifeste jusque dans le paratexte qui adopte un ton symbolique (“Carte des quatre-chemins,” “Méditations préliminaires,” “Chemins,” “Terminaisons” et “Héritages”). Kanor utilise aisément, par ailleurs, maintes figures de style, telles que la personnification, la métonymie, le parallélisme et la répétition, qui font honneur au titre de son ouvrage. Enfin, l’auteure rythme son texte d’entretiens menés auprès de divers artistes et conservateurs de musées, tout en énonçant maintes questions rhétoriques qui soulignent sa vision critique et poussent le lecteur à réfléchir à ce qu’elle nomme “la Catastrophe” (13). Kanor débute son cheminement avec quatre “méditations préliminaires” qui contextualisent la pénurie de l’histoire de plusieurs Catastrophes comme une problématique globale en prenant pour exemple “‘les rêveurs sans nom’ de l’Anse Sainte-Marguerite, les inconnus du Chili, la muette du comté de Greene et les déracinés d’Akomfrah” (26). Quatre “Chemins” font suite à ces méditations, chacun composé de quatre sous-parties qui examinent en profondeur l’absence, les symptômes, l’espace imaginé et les tentatives de guérison de la cale. L’œuvre aboutit sur quatre “Terminaisons” que Kanor préfère appeler “Regains” dans la mesure où ils rappellent au lecteur que la quête entreprise par l’auteure est inexhaustible. Plus qu’un écho hasardeux ou encore une forme de contrôle, le chiffre quatre qui hante le paratexte et le texte fait référence à “la croisée des chemins” (également l’un des sous-titres du texte), un espace cher à l’imaginaire caribéen et d’autant plus emblématique qu’il symbolise le pouvoir présent au carrefour géographique, stylistique, artistique et autobiographique de...