{"title":"诗歌的女性化?","authors":"Augustin Guillot","doi":"10.47421/hcl_19_167-187","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"La publication en 1820 des Méditations poétiques de Lamartine semblait introduire dans la France de la Restauration une voix féminine – parce qu’intime, souffrante et élégiaque – au sein d’un univers très viril de l’imprimé poétique. Qu’une véritable féminité poétique s’affirmât en ces années-là, beaucoup le pensaient, et ce sentiment fut renforcé par l’émergence d’une génération de poétesses aussitôt connues et reconnues. Cette place nouvelle du féminin s’inscrivait dans un contexte éditorial caractérisé par un accroissement de la concurrence. Dans le cadre de stratégies d’innovation de produit, certains libraires structurèrent un véritable marché de livres d’étrennes poétiques à destination des dames, et contribuèrent ainsi à la promotion commerciale de formes littéraires peu légitimes. À bien des égards, le grand recueil individuel de l’époque romantique s’inscrivait dans cette économie du livre d’étrennes, tant du point de vue matériel, commercial que littéraire, tout en produisant une rupture symbolique majeure puisque le féminin n’y était plus seulement un espace de réception, mais devenait aussi une instance de production. Le présent article propose donc d’interpréter la transformation de l’idée de poésie entre Lumières et romantisme comme le produit des mutations éditoriales de la période. Il en résulta une crise du modèle de virilité poétique hérité de l’âge classique : c’est bien à l’époque romantique que s’instaura une association entre poésie et féminité qui, loin de bénéficier aux femmes, perpétua paradoxalement les logiques de la domination masculine en ce domaine.","PeriodicalId":138411,"journal":{"name":"Histoire et civilisation du livre","volume":"59 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-09-26","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Un devenir féminin de la poésie ?\",\"authors\":\"Augustin Guillot\",\"doi\":\"10.47421/hcl_19_167-187\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"La publication en 1820 des Méditations poétiques de Lamartine semblait introduire dans la France de la Restauration une voix féminine – parce qu’intime, souffrante et élégiaque – au sein d’un univers très viril de l’imprimé poétique. Qu’une véritable féminité poétique s’affirmât en ces années-là, beaucoup le pensaient, et ce sentiment fut renforcé par l’émergence d’une génération de poétesses aussitôt connues et reconnues. Cette place nouvelle du féminin s’inscrivait dans un contexte éditorial caractérisé par un accroissement de la concurrence. Dans le cadre de stratégies d’innovation de produit, certains libraires structurèrent un véritable marché de livres d’étrennes poétiques à destination des dames, et contribuèrent ainsi à la promotion commerciale de formes littéraires peu légitimes. À bien des égards, le grand recueil individuel de l’époque romantique s’inscrivait dans cette économie du livre d’étrennes, tant du point de vue matériel, commercial que littéraire, tout en produisant une rupture symbolique majeure puisque le féminin n’y était plus seulement un espace de réception, mais devenait aussi une instance de production. Le présent article propose donc d’interpréter la transformation de l’idée de poésie entre Lumières et romantisme comme le produit des mutations éditoriales de la période. Il en résulta une crise du modèle de virilité poétique hérité de l’âge classique : c’est bien à l’époque romantique que s’instaura une association entre poésie et féminité qui, loin de bénéficier aux femmes, perpétua paradoxalement les logiques de la domination masculine en ce domaine.\",\"PeriodicalId\":138411,\"journal\":{\"name\":\"Histoire et civilisation du livre\",\"volume\":\"59 1\",\"pages\":\"0\"},\"PeriodicalIF\":0.0000,\"publicationDate\":\"2023-09-26\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"0\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"Histoire et civilisation du livre\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://doi.org/10.47421/hcl_19_167-187\",\"RegionNum\":0,\"RegionCategory\":null,\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"\",\"JCRName\":\"\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Histoire et civilisation du livre","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.47421/hcl_19_167-187","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
引用次数: 0
摘要
1820年出版的《meditations poetiques de Lamartine》似乎在复辟时期的法国引入了一种女性的声音——因为它亲密、痛苦和挽歌——进入了一个非常男性化的诗歌印刷世界。许多人认为,在那些年里,真正的诗意女性气质得到了肯定,而这种感觉被立即闻名和认可的一代女诗人的出现所强化。女性的新角色是在竞争加剧的编辑背景下出现的。作为产品创新策略的一部分,一些书商为女性建立了一个真正的诗集市场,从而促进了不合法的文学形式的商业推广。从很多方面来说,最大的集浪漫时代的个体d’étrennes书的一部分,这种经济,无论是从文学的角度,商业设备,同时生产突破重大的象征意义,因为女性没有验收,不再仅仅是一个空间,但也变成了一个生产。因此,本文建议将启蒙与浪漫主义之间诗歌观念的转变解读为这一时期编辑变革的产物。这导致了古典时代诗歌男子气概模式的危机:正是在浪漫主义时代,诗歌和女性气质之间建立了一种联系,这种联系非但没有使女性受益,反而使男性在这一领域的统治逻辑永久化。
La publication en 1820 des Méditations poétiques de Lamartine semblait introduire dans la France de la Restauration une voix féminine – parce qu’intime, souffrante et élégiaque – au sein d’un univers très viril de l’imprimé poétique. Qu’une véritable féminité poétique s’affirmât en ces années-là, beaucoup le pensaient, et ce sentiment fut renforcé par l’émergence d’une génération de poétesses aussitôt connues et reconnues. Cette place nouvelle du féminin s’inscrivait dans un contexte éditorial caractérisé par un accroissement de la concurrence. Dans le cadre de stratégies d’innovation de produit, certains libraires structurèrent un véritable marché de livres d’étrennes poétiques à destination des dames, et contribuèrent ainsi à la promotion commerciale de formes littéraires peu légitimes. À bien des égards, le grand recueil individuel de l’époque romantique s’inscrivait dans cette économie du livre d’étrennes, tant du point de vue matériel, commercial que littéraire, tout en produisant une rupture symbolique majeure puisque le féminin n’y était plus seulement un espace de réception, mais devenait aussi une instance de production. Le présent article propose donc d’interpréter la transformation de l’idée de poésie entre Lumières et romantisme comme le produit des mutations éditoriales de la période. Il en résulta une crise du modèle de virilité poétique hérité de l’âge classique : c’est bien à l’époque romantique que s’instaura une association entre poésie et féminité qui, loin de bénéficier aux femmes, perpétua paradoxalement les logiques de la domination masculine en ce domaine.