« Tout le peuple hors-la-loi » : Pouvoirs de l’écrit et illégalismes de presse dans La Cause du peuple

Abstract

Abstract:Au croisement d’une histoire culturelle de la presse et d’une anthropologie des actes d’écriture, cet article propose de reconstituer les pratiques militantes et les usages politiques de l’écrit dont La Cause du peuple, l’organe de la Gauche prolétarienne, fait la promotion durant la période dite de la “nouvelle resistance” (1969–1971). Nous rappelons d’abord que le thème des pouvoirs de l’écrit structure la poétique du journal, qui ne cesse de mettre en scène des “actions d’écriture” aptes à propager la révolte. Nous suivons ensuite le déplacement de la critique maoïste de la justice de classe vers le front de la liberté de la presse, au terme duquel la Gauche prolétarienne dénonce la loi de 1881 comme un instrument de criminalisation des pouvoirs de l’écrit. Nous analysons enfin les articles consacrés aux émeutes parisiennes du 27 mai 1971, qui décrivent la rue à la fois comme un site d’écriture et comme un tribunal populaire et qui interprètent les actes d’écriture des émeutiers comme autant des gestes de résistance face à la violence de la légalité. Nous montrons ainsi que les maoïstes, devant la performativité contre-insurrectionnelle des écritures du droit, s’efforcent de restaurer la performativité émeutière des écritures de la contestation (graffitis, tracts, affiches, journaux).