{"title":"La réorganisation du système judiciaire fatimide sous al-Muʿizz","authors":"Athina Pfeiffer","doi":"10.1163/15700585-12341642","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"\nLe décret émis par la chancellerie de l’Imam-calife fatimide al-Muʿizz li-Dīn Allāh en 343/954 nomme Abū Ḥanīfa al-Nuʿmān b. Muḥammad (m. 363/974) aux plus hautes charges judiciaires de l’État en Ifrīqiya. Al-Nuʿmān copia ce décret dans son Kitāb Iḫtilāf uṣūl al-maḏāhib (La divergence des principes juridiques des écoles de droit), un ouvrage de polémique juridique où l’auteur fustige les autres écoles doctrinales de droit. L’auteur défend l’autorité politico-religieuse de l’Imam-calife face aux critiques développées par les juristes sunnites à l’égard des Fatimides en Ifrīqiya : il affirme une doctrine juridique ismaélienne modérée, concurrente des écoles juridiques sunnites, dans le but de purger le mouvement fatimide de ses éléments jugés extrêmes, les ġulāt. Le décret d’al-Muʿizz met quant à lui en place une justice bicéphale : d’un côté, il entérine le rôle judiciaire de l’Imam fatimide lequel apparaît de surcroît comme une source de droit ; de l’autre, il confirme l’institutionnalisation de la fonction de « grand cadi » fatimide. Incarnée par al-Nuʿmān, l’institution de « cadi de l’Imam » se mua progressivement en celle de grand cadi fatimide d’Ifrīqiya : sans en porter le titre, al-Nuʿmān remplissait déjà sous al-Manṣūr le rôle de grand cadi. Plus tard, le décret d’al-Muʿizz entérine ce rôle, en lui ajoutant des responsabilités nouvelles. À la tête de la hiérarchie judiciaire, le grand cadi nommait notamment des ḥukkām qui remplissaient la fonction de juge dans les territoires vides d’autorité cadiale. Ces magistrats secondaires faisaient le lien entre le pouvoir central et les espaces ruraux où les Fatimides étaient vulnérables. La hiérarchisation et la centralisation de la justice fatimide sous al-Muʿizz avaient pour double objectif de balayer l’influence des grandes juridictions urbaines (Kairouan et al-Mahdiyya) concurrentes du grand cadi et de contrôler les territoires éloignés, principalement ruraux.","PeriodicalId":8163,"journal":{"name":"Arabica","volume":" ","pages":""},"PeriodicalIF":0.2000,"publicationDate":"2023-07-03","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Arabica","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1163/15700585-12341642","RegionNum":4,"RegionCategory":"哲学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q2","JCRName":"HISTORY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Le décret émis par la chancellerie de l’Imam-calife fatimide al-Muʿizz li-Dīn Allāh en 343/954 nomme Abū Ḥanīfa al-Nuʿmān b. Muḥammad (m. 363/974) aux plus hautes charges judiciaires de l’État en Ifrīqiya. Al-Nuʿmān copia ce décret dans son Kitāb Iḫtilāf uṣūl al-maḏāhib (La divergence des principes juridiques des écoles de droit), un ouvrage de polémique juridique où l’auteur fustige les autres écoles doctrinales de droit. L’auteur défend l’autorité politico-religieuse de l’Imam-calife face aux critiques développées par les juristes sunnites à l’égard des Fatimides en Ifrīqiya : il affirme une doctrine juridique ismaélienne modérée, concurrente des écoles juridiques sunnites, dans le but de purger le mouvement fatimide de ses éléments jugés extrêmes, les ġulāt. Le décret d’al-Muʿizz met quant à lui en place une justice bicéphale : d’un côté, il entérine le rôle judiciaire de l’Imam fatimide lequel apparaît de surcroît comme une source de droit ; de l’autre, il confirme l’institutionnalisation de la fonction de « grand cadi » fatimide. Incarnée par al-Nuʿmān, l’institution de « cadi de l’Imam » se mua progressivement en celle de grand cadi fatimide d’Ifrīqiya : sans en porter le titre, al-Nuʿmān remplissait déjà sous al-Manṣūr le rôle de grand cadi. Plus tard, le décret d’al-Muʿizz entérine ce rôle, en lui ajoutant des responsabilités nouvelles. À la tête de la hiérarchie judiciaire, le grand cadi nommait notamment des ḥukkām qui remplissaient la fonction de juge dans les territoires vides d’autorité cadiale. Ces magistrats secondaires faisaient le lien entre le pouvoir central et les espaces ruraux où les Fatimides étaient vulnérables. La hiérarchisation et la centralisation de la justice fatimide sous al-Muʿizz avaient pour double objectif de balayer l’influence des grandes juridictions urbaines (Kairouan et al-Mahdiyya) concurrentes du grand cadi et de contrôler les territoires éloignés, principalement ruraux.