{"title":"Loncomelos pyrenaicus ou asperges des bois : une toxicité confirmée","authors":"C. Tournoud , S. Sinno-Tellier , S. Michel","doi":"10.1016/j.toxac.2025.09.014","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectif</h3><div>L’ornithogale des Pyrénées ou <em>Loncomelos pyrenaicus</em> (L.) Hrouda ou « asperge des bois » est une plante sauvage réputée comestible de la famille des Asparagaceae. Les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) décrivent depuis plusieurs années des cas de personnes symptomatiques après consommation de ces plantes et ont alerté l’Anses. Une étude réalisée en 2022 et 2023 sur des échantillons de plantes avait permis de donner des éléments de réponse concernant la toxicité de cette plante, en mettant en évidence la présence de raphides d’oxalate de calcium <span><span>[1]</span></span>. Pour essayer de mieux caractériser ce nouveau signal de toxicovigilance, il a été décidé de continuer le suivi des cas en 2025 que nous présentons ici.</div></div><div><h3>Méthode</h3><div>Étude descriptive des cas d’ingestion d’asperges des bois colligés par les CAPTV en 2025.</div></div><div><h3>Résultats</h3><div>Sur l’année 2025, 48 dossiers dont 33 repas collectifs de 2 à 6 convives ont été colligés, correspondant à 100 personnes exposées dont 59 symptomatiques (60 %). Les cas étaient répartis principalement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et dans le nord-est de la France. Pour 25 repas, il s’agissait d’une cueillette personnelle ou par un tiers, et dans 19 dossiers d’un achat sur un marché, dans un supermarché, ou dans un magasin de primeurs ; dans un cas les asperges avaient été consommées dans un restaurant, la provenance étant inconnue dans 3 dossiers. Les plantes avaient été congelées avant consommation dans 4 dossiers. Le temps de cuisson était compris entre 3 et 30<!--> <!-->minutes. Il y avait une prépondérance féminine des consommateurs (sex-ratio F/H 1,55). La moyenne d’âge était de 48 ans (âge médian 51 ans). Aucune personne n’avait d’allergie alimentaire connue. Parmi les 63 personnes qui avaient mangé ces plantes les années précédentes, 6 avaient présenté des symptômes (d’intensité croissante à chaque consommation pour 4 d’entre elles). Le délai moyen de survenue de symptômes était de 3 à 4<!--> <!-->h. Les symptômes présentés étaient essentiellement ORL, à type de douleur oropharyngée (25 cas, 42 %), odynophagie (20 cas, 34 %), œdème buccal (17 cas, 29 %), dysphagie (14 cas, 24 %), œdème pharyngé (9 cas, 15 %). Mais certains autres symptômes d’allure systémique étaient décrits également : asthénie (8 cas, 14 %), douleurs musculaires (7 cas, 12 %), hyperthermie (3 cas, 5 %). Dix-huit patients ont bénéficié d’une consultation médicale et ont reçu des antihistaminiques et 7 des corticoïdes. Parmi les 59 cas symptomatiques, 22 étaient de gravité moyenne (PSS2 <span><span>[2]</span></span>). Aucun cas de gravité forte n’a été objectivé en 2025 (pour rappel des cas d’œdème de Quincke ont été observés auparavant).</div></div><div><h3>Discussion</h3><div>L’analyse des cas des CAPTV sur la période 2022–2023 avait mis en évidence 8 repas collectifs correspondant à 20 personnes exposées dont 12 symptomatiques <span><span>[3]</span></span>. La sous-estimation de l’incidence réelle paraissait très probable, y compris pour les patients qui avaient consulté un médecin sans appeler un CAPTV en raison de la réputation de comestibilité de cette plante. Cette hypothèse a été confirmée par l’analyse des cas en 2025, un certain nombre de personnes ayant lu l’article paru en décembre 2024 <span><span>[1]</span></span> ont appelé pour un conseil de prise en charge ou simplement pour signaler un cas. Concernant les plantes, quel que soit le lieu de la cueillette ou de l’achat, la durée et le mode de cuisson, voire la congélation préalable, des cas symptomatiques après consommation étaient observés. Depuis que les CAPTV suivent cette problématique, le profil des intoxications est bien caractérisé : fréquence des cas collectifs, consommation antérieure sans incident puis survenue de symptômes d’intensité croissante, non prédictibilité de survenue des symptômes, survenue des symptômes toujours différée avec intervalle libre similaire pouvant s’expliquer par la présence d’un mucilage abondant dans la plante, symptomatologie le plus souvent ORL, mais parfois symptômes systémiques, ne pouvant pas être expliqués par la présence des cristaux d’oxalate de calcium dans la plante. L’hypothèse retenue serait la pénétration de toxines, ou d’autres substances à l’origine de l’inflammation, par les micro-lésions de la muqueuse provoquées par les raphides d’oxalate de calcium <span><span>[4]</span></span>, incitant à poursuivre les recherches analytiques (tests biologiques d’inflammation, différence de concentration en oxalate de calcium dans les plantes…).</div></div><div><h3>Conclusion</h3><div>L’analyse des cas colligés par les CAPTV en 2025 a confirmé la toxicité des asperges des bois, même si de nombreuses inconnues persistent. La poursuite des recherches analytiques permettrait peut-être d’identifier d’autres mécanismes physiopathologiques de toxicité. Cela doit inciter à continuer à surveiller ce nouveau signal, à reconduire voire intensifier les messages d’alerte pour les consommateurs et à proposer à terme peut-être des mesures de gestion voire d’interdiction de vente de ces plantes pour la consommation.</div></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":"37 3","pages":"Pages S89-S90"},"PeriodicalIF":1.7000,"publicationDate":"2025-10-25","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007825002070","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectif
L’ornithogale des Pyrénées ou Loncomelos pyrenaicus (L.) Hrouda ou « asperge des bois » est une plante sauvage réputée comestible de la famille des Asparagaceae. Les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) décrivent depuis plusieurs années des cas de personnes symptomatiques après consommation de ces plantes et ont alerté l’Anses. Une étude réalisée en 2022 et 2023 sur des échantillons de plantes avait permis de donner des éléments de réponse concernant la toxicité de cette plante, en mettant en évidence la présence de raphides d’oxalate de calcium [1]. Pour essayer de mieux caractériser ce nouveau signal de toxicovigilance, il a été décidé de continuer le suivi des cas en 2025 que nous présentons ici.
Méthode
Étude descriptive des cas d’ingestion d’asperges des bois colligés par les CAPTV en 2025.
Résultats
Sur l’année 2025, 48 dossiers dont 33 repas collectifs de 2 à 6 convives ont été colligés, correspondant à 100 personnes exposées dont 59 symptomatiques (60 %). Les cas étaient répartis principalement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et dans le nord-est de la France. Pour 25 repas, il s’agissait d’une cueillette personnelle ou par un tiers, et dans 19 dossiers d’un achat sur un marché, dans un supermarché, ou dans un magasin de primeurs ; dans un cas les asperges avaient été consommées dans un restaurant, la provenance étant inconnue dans 3 dossiers. Les plantes avaient été congelées avant consommation dans 4 dossiers. Le temps de cuisson était compris entre 3 et 30 minutes. Il y avait une prépondérance féminine des consommateurs (sex-ratio F/H 1,55). La moyenne d’âge était de 48 ans (âge médian 51 ans). Aucune personne n’avait d’allergie alimentaire connue. Parmi les 63 personnes qui avaient mangé ces plantes les années précédentes, 6 avaient présenté des symptômes (d’intensité croissante à chaque consommation pour 4 d’entre elles). Le délai moyen de survenue de symptômes était de 3 à 4 h. Les symptômes présentés étaient essentiellement ORL, à type de douleur oropharyngée (25 cas, 42 %), odynophagie (20 cas, 34 %), œdème buccal (17 cas, 29 %), dysphagie (14 cas, 24 %), œdème pharyngé (9 cas, 15 %). Mais certains autres symptômes d’allure systémique étaient décrits également : asthénie (8 cas, 14 %), douleurs musculaires (7 cas, 12 %), hyperthermie (3 cas, 5 %). Dix-huit patients ont bénéficié d’une consultation médicale et ont reçu des antihistaminiques et 7 des corticoïdes. Parmi les 59 cas symptomatiques, 22 étaient de gravité moyenne (PSS2 [2]). Aucun cas de gravité forte n’a été objectivé en 2025 (pour rappel des cas d’œdème de Quincke ont été observés auparavant).
Discussion
L’analyse des cas des CAPTV sur la période 2022–2023 avait mis en évidence 8 repas collectifs correspondant à 20 personnes exposées dont 12 symptomatiques [3]. La sous-estimation de l’incidence réelle paraissait très probable, y compris pour les patients qui avaient consulté un médecin sans appeler un CAPTV en raison de la réputation de comestibilité de cette plante. Cette hypothèse a été confirmée par l’analyse des cas en 2025, un certain nombre de personnes ayant lu l’article paru en décembre 2024 [1] ont appelé pour un conseil de prise en charge ou simplement pour signaler un cas. Concernant les plantes, quel que soit le lieu de la cueillette ou de l’achat, la durée et le mode de cuisson, voire la congélation préalable, des cas symptomatiques après consommation étaient observés. Depuis que les CAPTV suivent cette problématique, le profil des intoxications est bien caractérisé : fréquence des cas collectifs, consommation antérieure sans incident puis survenue de symptômes d’intensité croissante, non prédictibilité de survenue des symptômes, survenue des symptômes toujours différée avec intervalle libre similaire pouvant s’expliquer par la présence d’un mucilage abondant dans la plante, symptomatologie le plus souvent ORL, mais parfois symptômes systémiques, ne pouvant pas être expliqués par la présence des cristaux d’oxalate de calcium dans la plante. L’hypothèse retenue serait la pénétration de toxines, ou d’autres substances à l’origine de l’inflammation, par les micro-lésions de la muqueuse provoquées par les raphides d’oxalate de calcium [4], incitant à poursuivre les recherches analytiques (tests biologiques d’inflammation, différence de concentration en oxalate de calcium dans les plantes…).
Conclusion
L’analyse des cas colligés par les CAPTV en 2025 a confirmé la toxicité des asperges des bois, même si de nombreuses inconnues persistent. La poursuite des recherches analytiques permettrait peut-être d’identifier d’autres mécanismes physiopathologiques de toxicité. Cela doit inciter à continuer à surveiller ce nouveau signal, à reconduire voire intensifier les messages d’alerte pour les consommateurs et à proposer à terme peut-être des mesures de gestion voire d’interdiction de vente de ces plantes pour la consommation.