{"title":"Frontières virales, épidémiologiques et sociales du VIH entre la Guyane française et l’extrême nord du Brésil","authors":"Flavia DIVINO , Paulo PEITER , Mathieu NACHER","doi":"10.1016/j.mmifmc.2025.07.005","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Introduction</h3><div>Le SIDA et le VIH obligent encore le monde à faire face à de grands défis et à redéfinir des stratégies. Au Brésil, l’épidémie a commencé dans les grandes métropoles dans les années 1980, mais s’est rapidement propagée à l’intérieur du pays, en particulier dans les régions du nord et du nord-est, qui enregistrent chaque année une augmentation des chiffres. En même temps, le bouclier des Guyanes, à l’extrême nord du Brésil, est un territoire qui montre clairement les défis liés à la propagation du VIH. Oiapoque, dans l’État d’Amapá, est la seule municipalité brésilienne à partager des frontières avec un territoire européen d’outre-mer - la Guyane française - et cette municipalité unique mêle plusieurs dynamiques existantes : inégalités migratoires, économiques et sociales, diversité linguistique, isolement social et démographique, et enjeux politiques. Le présent travail visait à identifier les déterminants qui influencent la propagation du VIH dans la région transfrontalière entre le Brésil et la Guyane française. À travers une recherche basée sur les déterminants sociaux de la santé, j’ai cherché à mieux comprendre la propagation de ce virus dans la région frontalière à l’extrême nord du Brésil, à partir de la cascade de prise en charge du VIH dans la région frontalière ; en outre, j’ai décrit l’épidémie à la frontière, la situation sociodémographique des personnes vivant avec le VIH et analysé les déterminants sociaux de la santé et la mobilité des personnes dans la région.</div></div><div><h3>Méthodes</h3><div>Une étude mixte a été réalisée, basée sur l’approche des déterminants sociaux de la santé combinant une analyse quantitative (données primaires et secondaires) et une approche qualitative large (observations, enquête situationnelle, étude rétrospective et entretiens), visant à une meilleure compréhension de la dynamique de la dissémination du VIH dans l’extrême frontière nord du Brésil, municipalité de Oiapoque et la ville de Saint Georges située en face en Guyane.</div></div><div><h3>Résultats</h3><div>Nous avons observé une grande disparité d’informations concernant les données sur le VIH et les cas de sida ; que ce soit au niveau municipal, étatique et national, le système de santé unique de l’extrême nord était insuffisant, balbutiant et l’absence d’acteurs clés tels que les médecins spécialistes était fortement ressentie. À Oiapoque, le mode de vie « garimpo » (orpailleur clandestin) était fréquent et présente des vulnérabilités liées à la prostitution. Il existait un manque d’interactions et de coordination à la frontière entre les organisations non gouvernementales, le gouvernement et les pouvoirs publics. La présence de populations mobiles, le manque de connaissances sur le VIH et le sida, le contexte de pauvreté et de violence, et le manque d’autonomie des patients vivant avec le VIH étaient souvent rapportés. Malgré tous les efforts de lutte contre le VIH observés dans la région frontalière, les déterminants sociaux ajoutés à l’intense mobilité et au manque complexe d’information facilitaient la propagation du VIH à la frontière de l’extrême nord du Brésil avec la Guyane française.</div></div><div><h3>Discussions et conclusions</h3><div>En accord avec les objectifs spécifiques, nous concluons que : il existe une grande disparité dans les données réelles liées à l’épidémie de VIH et de sida dans la région transfrontalière, ce qui entrave la communication entre les pays et principalement les questions impliquant des actions de politique publique. Le projet Oyapock, Coopération, Santé est une excellente initiative et un renforcement très important de la lutte contre le VIH à la frontière, mais il existe des difficultés liées au manque de la communication avec la municipalité et l’État d’Amapá. Les données sociodémographiques devraient être intégrées dans les analyses épidémiologiques et les actions de surveillance sanitaire pour une meilleure compréhension de l’épidémie au niveau local. Il convient de souligner les dommages que l’abandon du traitement cause aux politiques de contrôle de l’épidémie de VIH et de sida, en particulier aux frontières où les populations très mobiles, comme les mineurs, nécessitent une attention particulière. En ce sens, il est nécessaire d’intégrer définitivement les localités d’Ilha Bela et de Vila Brasil dans les stratégies de contrôle du VIH. Un autre point important est la réalité locale de faible éducation de la population, qui nous oblige à penser à de nouvelles stratégies et actions adaptées au territoire. Les entretiens nous ont permis de compléter les informations épidémiologiques sur le VIH dans la région, en ajoutant un regard sur la dimension sociale du phénomène et sa dynamique dans cette frontière particulière entre le Brésil et la Guyane française, une frontière qui ne dort jamais. Les informations et les dialogues avec les personnes interrogées nous ont permis de comprendre le contexte de la frontière au-delà de la froideur des chiffres, une vision d’immersion dans la vie quotidienne des communautés frontalières séparées seulement par le fleuve Oiapoque, mais intimement liées. Nous concluons que les déterminants qui influenceraient la propagation du VIH dans l’extrême nord du Brésil et de Saint Georges sont : la condition de frontière internationale périphérique aux deux pays voisins, les faiblesses du niveau sanitaire local, le mode de vie des mineurs avec leurs vulnérabilités socio-environnementales, la nécessité d’améliorer l’interaction et la coordination entre les entités sanitaires et les organisations non gouvernementales opérant dans la région, la présence expressive de populations très mobiles et/ou flottantes, la grande vulnérabilité sociale, les conditions de vie et de travail précaires, le manque de connaissances sur le VIH et le sida, le manque d’accès à des soins de qualité et à l’intégralité de la santé, le contexte de conflits et de violence, la pauvreté et le manque d’autonomie dans le traitement. Nous pensons que ces résultats peuvent être utiles pour la formulation de politiques publiques sur les frontières et pour l’amélioration du réseau de santé publique. Les déterminants sociaux et la mobilité intense à la frontière, ainsi que le manque complexe d’informations correctes sur l’épidémie, le traitement et la prévention, corroborent et rendent la région plus vulnérable à la propagation du VIH et à l’avancement de la maladie avec plus de personnes affectées par le syndrome d’immunodéficience acquise - sida.</div></div>","PeriodicalId":100906,"journal":{"name":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","volume":"4 3","pages":"Pages S2-S3"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2025-08-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S277274322500532X","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Introduction
Le SIDA et le VIH obligent encore le monde à faire face à de grands défis et à redéfinir des stratégies. Au Brésil, l’épidémie a commencé dans les grandes métropoles dans les années 1980, mais s’est rapidement propagée à l’intérieur du pays, en particulier dans les régions du nord et du nord-est, qui enregistrent chaque année une augmentation des chiffres. En même temps, le bouclier des Guyanes, à l’extrême nord du Brésil, est un territoire qui montre clairement les défis liés à la propagation du VIH. Oiapoque, dans l’État d’Amapá, est la seule municipalité brésilienne à partager des frontières avec un territoire européen d’outre-mer - la Guyane française - et cette municipalité unique mêle plusieurs dynamiques existantes : inégalités migratoires, économiques et sociales, diversité linguistique, isolement social et démographique, et enjeux politiques. Le présent travail visait à identifier les déterminants qui influencent la propagation du VIH dans la région transfrontalière entre le Brésil et la Guyane française. À travers une recherche basée sur les déterminants sociaux de la santé, j’ai cherché à mieux comprendre la propagation de ce virus dans la région frontalière à l’extrême nord du Brésil, à partir de la cascade de prise en charge du VIH dans la région frontalière ; en outre, j’ai décrit l’épidémie à la frontière, la situation sociodémographique des personnes vivant avec le VIH et analysé les déterminants sociaux de la santé et la mobilité des personnes dans la région.
Méthodes
Une étude mixte a été réalisée, basée sur l’approche des déterminants sociaux de la santé combinant une analyse quantitative (données primaires et secondaires) et une approche qualitative large (observations, enquête situationnelle, étude rétrospective et entretiens), visant à une meilleure compréhension de la dynamique de la dissémination du VIH dans l’extrême frontière nord du Brésil, municipalité de Oiapoque et la ville de Saint Georges située en face en Guyane.
Résultats
Nous avons observé une grande disparité d’informations concernant les données sur le VIH et les cas de sida ; que ce soit au niveau municipal, étatique et national, le système de santé unique de l’extrême nord était insuffisant, balbutiant et l’absence d’acteurs clés tels que les médecins spécialistes était fortement ressentie. À Oiapoque, le mode de vie « garimpo » (orpailleur clandestin) était fréquent et présente des vulnérabilités liées à la prostitution. Il existait un manque d’interactions et de coordination à la frontière entre les organisations non gouvernementales, le gouvernement et les pouvoirs publics. La présence de populations mobiles, le manque de connaissances sur le VIH et le sida, le contexte de pauvreté et de violence, et le manque d’autonomie des patients vivant avec le VIH étaient souvent rapportés. Malgré tous les efforts de lutte contre le VIH observés dans la région frontalière, les déterminants sociaux ajoutés à l’intense mobilité et au manque complexe d’information facilitaient la propagation du VIH à la frontière de l’extrême nord du Brésil avec la Guyane française.
Discussions et conclusions
En accord avec les objectifs spécifiques, nous concluons que : il existe une grande disparité dans les données réelles liées à l’épidémie de VIH et de sida dans la région transfrontalière, ce qui entrave la communication entre les pays et principalement les questions impliquant des actions de politique publique. Le projet Oyapock, Coopération, Santé est une excellente initiative et un renforcement très important de la lutte contre le VIH à la frontière, mais il existe des difficultés liées au manque de la communication avec la municipalité et l’État d’Amapá. Les données sociodémographiques devraient être intégrées dans les analyses épidémiologiques et les actions de surveillance sanitaire pour une meilleure compréhension de l’épidémie au niveau local. Il convient de souligner les dommages que l’abandon du traitement cause aux politiques de contrôle de l’épidémie de VIH et de sida, en particulier aux frontières où les populations très mobiles, comme les mineurs, nécessitent une attention particulière. En ce sens, il est nécessaire d’intégrer définitivement les localités d’Ilha Bela et de Vila Brasil dans les stratégies de contrôle du VIH. Un autre point important est la réalité locale de faible éducation de la population, qui nous oblige à penser à de nouvelles stratégies et actions adaptées au territoire. Les entretiens nous ont permis de compléter les informations épidémiologiques sur le VIH dans la région, en ajoutant un regard sur la dimension sociale du phénomène et sa dynamique dans cette frontière particulière entre le Brésil et la Guyane française, une frontière qui ne dort jamais. Les informations et les dialogues avec les personnes interrogées nous ont permis de comprendre le contexte de la frontière au-delà de la froideur des chiffres, une vision d’immersion dans la vie quotidienne des communautés frontalières séparées seulement par le fleuve Oiapoque, mais intimement liées. Nous concluons que les déterminants qui influenceraient la propagation du VIH dans l’extrême nord du Brésil et de Saint Georges sont : la condition de frontière internationale périphérique aux deux pays voisins, les faiblesses du niveau sanitaire local, le mode de vie des mineurs avec leurs vulnérabilités socio-environnementales, la nécessité d’améliorer l’interaction et la coordination entre les entités sanitaires et les organisations non gouvernementales opérant dans la région, la présence expressive de populations très mobiles et/ou flottantes, la grande vulnérabilité sociale, les conditions de vie et de travail précaires, le manque de connaissances sur le VIH et le sida, le manque d’accès à des soins de qualité et à l’intégralité de la santé, le contexte de conflits et de violence, la pauvreté et le manque d’autonomie dans le traitement. Nous pensons que ces résultats peuvent être utiles pour la formulation de politiques publiques sur les frontières et pour l’amélioration du réseau de santé publique. Les déterminants sociaux et la mobilité intense à la frontière, ainsi que le manque complexe d’informations correctes sur l’épidémie, le traitement et la prévention, corroborent et rendent la région plus vulnérable à la propagation du VIH et à l’avancement de la maladie avec plus de personnes affectées par le syndrome d’immunodéficience acquise - sida.