M. Douine , F. Mubenga , S. Devos , A. Dia , B. de Thoisy , X. Baudrimont , H. Kallel , N. Deschamps , T. Succo , L Epelboin
{"title":"Investigation de cas groupés de rage sur un camp d'orpaillage illégal en forêt Amazonienne","authors":"M. Douine , F. Mubenga , S. Devos , A. Dia , B. de Thoisy , X. Baudrimont , H. Kallel , N. Deschamps , T. Succo , L Epelboin","doi":"10.1016/j.mmifmc.2025.04.052","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Introduction</h3><div>Seul un cas humain de rage en 2008, et 16 cas animaux ont été rapportés dans l'histoire de la Guyane. Début 2024, trois cas mortels de rage ont été diagnostiqués au CHC chez des orpailleurs en provenance du site illégal d'Eau Claire isolé dans la forêt amazonienne. Ces décès ont suscité des préoccupations quant à l'éventuelle existence ou survenue de nouveaux cas dans cette population. Une mission exploratoire sur site a été réalisée pour investiguer cette épidémie.</div></div><div><h3>Matériels et méthodes</h3><div>Une mission héliportée et sécurisée par les Forces Armées a été menée en avril 2024 par une équipe composée de médecins, vétérinaires et épidémiologistes lusophones. Des questionnaires ont été appliqués aux personnes vivant dans le secteur et ont collecté des données sur de potentiels autres cas, l'exposition aux morsures (chauves-souris ou autres animaux) et l'accès aux soins.</div></div><div><h3>Résultats</h3><div>Sur la population du camp estimée à 200-300 personnes, 48 ont été interrogées, toutes brésiliennes, d'âge moyen de 43 ans et 32% de femmes. La durée médiane sur le site était de 5 mois (1 mois-10 ans). Plus de 85% des personnes déclaraient avoir été mordues par des chauves-souris hématophages, dont 2/3 dans les 6 derniers mois et 55% dans le dernier mois. Peu de personnes utilisaient des moustiquaires (recommandées en protection des morsures) car souvent détruites lors des opérations de lutte contre l'orpaillage illégal. Un tiers des personnes rapportaient avoir déjà été vaccinées contre la rage. Un quatrième cas de rage possible était identifié d'après une vidéo montrée par les habitants du site présentant un patient malade avec des signes compatibles, décédé sur site 3 mois auparavant. Environ 150 chiens seraient présents sur le site, dont aucun avec des signes compatibles avec la rage. Considérant un délai de 30 j après morsure comme indication de vaccination post-exposition (PPE), entre 45 et 70 PPE étaient à prévoir. Le centre délocalisé de prévention et de soins (CDPS) le plus proche, Maripasoula, était à ≥ 2 jours de trajet à pied et pirogue, et coûteux.</div></div><div><h3>Conclusion</h3><div>Au décours de la mission, un arrêté préfectoral a annoncé l'interdiction de circulation dans la zone, sans mission vaccinale sur site ni à proximité, et une orientation des orpailleurs vers le Brésil pour se faire vacciner. Seules 11 personnes ont pu bénéficier d'une PPE au CDPS le plus proche, Maripasoula. Dans les semaines qui ont suivi, aucun nouveau cas de rage n'a été rapporté. Une vaccination préexposition pour toute personne se rendant en forêt devrait être discutée. Cette investigation en forêt a permis de montrer à nouveau la grande précarité sanitaire dans laquelle vit cette population clandestine: risque infectieux dont zoonotique, insécurité alimentaire, etc. Il est difficile de mener à la fois une lutte contre l'orpaillage illégal et ses conséquences catastrophiques sur l'environnement, sans fermer les yeux sur les problématiques sanitaires dont souffre cette population et leurs conséquences sur le plan individuel et de la santé publique.</div></div>","PeriodicalId":100906,"journal":{"name":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","volume":"4 2","pages":"Page S26"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2025-05-28","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S277274322500159X","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Introduction
Seul un cas humain de rage en 2008, et 16 cas animaux ont été rapportés dans l'histoire de la Guyane. Début 2024, trois cas mortels de rage ont été diagnostiqués au CHC chez des orpailleurs en provenance du site illégal d'Eau Claire isolé dans la forêt amazonienne. Ces décès ont suscité des préoccupations quant à l'éventuelle existence ou survenue de nouveaux cas dans cette population. Une mission exploratoire sur site a été réalisée pour investiguer cette épidémie.
Matériels et méthodes
Une mission héliportée et sécurisée par les Forces Armées a été menée en avril 2024 par une équipe composée de médecins, vétérinaires et épidémiologistes lusophones. Des questionnaires ont été appliqués aux personnes vivant dans le secteur et ont collecté des données sur de potentiels autres cas, l'exposition aux morsures (chauves-souris ou autres animaux) et l'accès aux soins.
Résultats
Sur la population du camp estimée à 200-300 personnes, 48 ont été interrogées, toutes brésiliennes, d'âge moyen de 43 ans et 32% de femmes. La durée médiane sur le site était de 5 mois (1 mois-10 ans). Plus de 85% des personnes déclaraient avoir été mordues par des chauves-souris hématophages, dont 2/3 dans les 6 derniers mois et 55% dans le dernier mois. Peu de personnes utilisaient des moustiquaires (recommandées en protection des morsures) car souvent détruites lors des opérations de lutte contre l'orpaillage illégal. Un tiers des personnes rapportaient avoir déjà été vaccinées contre la rage. Un quatrième cas de rage possible était identifié d'après une vidéo montrée par les habitants du site présentant un patient malade avec des signes compatibles, décédé sur site 3 mois auparavant. Environ 150 chiens seraient présents sur le site, dont aucun avec des signes compatibles avec la rage. Considérant un délai de 30 j après morsure comme indication de vaccination post-exposition (PPE), entre 45 et 70 PPE étaient à prévoir. Le centre délocalisé de prévention et de soins (CDPS) le plus proche, Maripasoula, était à ≥ 2 jours de trajet à pied et pirogue, et coûteux.
Conclusion
Au décours de la mission, un arrêté préfectoral a annoncé l'interdiction de circulation dans la zone, sans mission vaccinale sur site ni à proximité, et une orientation des orpailleurs vers le Brésil pour se faire vacciner. Seules 11 personnes ont pu bénéficier d'une PPE au CDPS le plus proche, Maripasoula. Dans les semaines qui ont suivi, aucun nouveau cas de rage n'a été rapporté. Une vaccination préexposition pour toute personne se rendant en forêt devrait être discutée. Cette investigation en forêt a permis de montrer à nouveau la grande précarité sanitaire dans laquelle vit cette population clandestine: risque infectieux dont zoonotique, insécurité alimentaire, etc. Il est difficile de mener à la fois une lutte contre l'orpaillage illégal et ses conséquences catastrophiques sur l'environnement, sans fermer les yeux sur les problématiques sanitaires dont souffre cette population et leurs conséquences sur le plan individuel et de la santé publique.