Caractéristiques cliniques et biologiques des neutropénies immunologiques de l’adulte en fonction de la présence d’anticorps anti-granuleux : une étude multicentrique rétrospective de 79 cas
D. Bartebin , J. Hadjadj , L. Croisille , E. Le Toriellec , M. Michel , G. Bertand , G. Delphine , A. Dossier , O. Fain , K. Sacre , E. Crickx
{"title":"Caractéristiques cliniques et biologiques des neutropénies immunologiques de l’adulte en fonction de la présence d’anticorps anti-granuleux : une étude multicentrique rétrospective de 79 cas","authors":"D. Bartebin , J. Hadjadj , L. Croisille , E. Le Toriellec , M. Michel , G. Bertand , G. Delphine , A. Dossier , O. Fain , K. Sacre , E. Crickx","doi":"10.1016/j.revmed.2025.03.078","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Introduction</h3><div>Les neutropénies immunologiques (NI) de l’adulte sont des maladies rares et peu décrites dans la littérature. Elles sont associées à des auto-anticorps dirigés contre la lignée granuleuse mais dont la mise en évidence reste difficile en pratique clinique. L’objectif de ce travail était de préciser les caractéristiques cliniques (pathologies associées, sévérité, nécessité de traitement) et biologiques des patients adultes présentant une NI en fonction de la présence ou non d’anticorps anti-granuleux.</div></div><div><h3>Patients et méthodes</h3><div>Il s’agit d’une étude rétrospective, multicentrique sur 3 hôpitaux, incluant des patients adultes (><!--> <!-->18 ans), pour qui une recherche d’anticorps anti-granuleux (dépistage par Granulocyte Indirect Fluorescence Test [GIFT] et Granulocyte Agglutination Test [GAT], puis réalisation de Monoclonal Antibody Immobilization of Granulocyte Antigens [MAIGA] en cas de dépistage positif) avait été réalisée entre janvier 2014 et octobre 2024 à l’Établissement français du sang (EFS) de Créteil. Les patients étaient inclus s’ils présentaient une neutropénie<!--> <!--><<!--> <!-->1G/L confirmée à au moins une reprise après un délai d’un mois, et une durée de suivi d’au moins un an. 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Parmi les 79 patients inclus (âge médian 45 ans [extrêmes 18–90], 66 % de femmes, la NI était secondaire chez 41 (52 %) d’entre eux, principalement associée à un syndrome d’Evans (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->20, 49 %), et/ou une hémopathie lymphoïde (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->14, 34 %), dont 6 patients avec une leucémie à grands lymphocytes granuleux, ou une connectivite (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->14, 34 %). Après une durée médiane de suivi de 3 ans [extrêmes 1–28], 17 patients (19 %) ont développé une infection en lien avec la neutropénie ayant nécessité une hospitalisation, dont une en réanimation. Les infections étaient majoritairement bactériennes (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->15, 88 %). Quatre décès étaient observés, sans lien avec la NI. 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Abstract
Introduction
Les neutropénies immunologiques (NI) de l’adulte sont des maladies rares et peu décrites dans la littérature. Elles sont associées à des auto-anticorps dirigés contre la lignée granuleuse mais dont la mise en évidence reste difficile en pratique clinique. L’objectif de ce travail était de préciser les caractéristiques cliniques (pathologies associées, sévérité, nécessité de traitement) et biologiques des patients adultes présentant une NI en fonction de la présence ou non d’anticorps anti-granuleux.
Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective, multicentrique sur 3 hôpitaux, incluant des patients adultes (> 18 ans), pour qui une recherche d’anticorps anti-granuleux (dépistage par Granulocyte Indirect Fluorescence Test [GIFT] et Granulocyte Agglutination Test [GAT], puis réalisation de Monoclonal Antibody Immobilization of Granulocyte Antigens [MAIGA] en cas de dépistage positif) avait été réalisée entre janvier 2014 et octobre 2024 à l’Établissement français du sang (EFS) de Créteil. Les patients étaient inclus s’ils présentaient une neutropénie < 1G/L confirmée à au moins une reprise après un délai d’un mois, et une durée de suivi d’au moins un an. Les patients étaient exclus s’ils présentaient une neutropénie constitutionnelle, toxique ou médicamenteuse, une hémopathie myéloïde, ou une hémopathie lymphoïde avec un envahissement médullaire > 50 %. Une neutropénie cliniquement pertinente (NCP) était définie comme une NAI profonde (< 0,5 G/L) et/ou symptomatique (associée à la survenue d’une infection en rapport ou d’une stomatite). Les traitements reçus (G-CSF et/ou immunosuppresseur) et leur réponse dans le cadre de la neutropénie étaient systématiquement recueillis. La réponse thérapeutique était définie comme la correction du chiffre de neutrophile (> 1 G/L), survenant dans le mois suivant l’introduction du traitement.
Résultats
Parmi 216 patients ayant eu une recherche d’anticorps anti-granuleux dans la durée de l’étude, 137 étaient exclus (absence de neutropénie n = 44, en lien avec une hémopathie myéloïde n = 33, perdus de vue n = 28, toxiques ou médicamenteuses n = 24, neutropénies < 1 mois n = 6, constitutionnelles n = 2). Parmi les 79 patients inclus (âge médian 45 ans [extrêmes 18–90], 66 % de femmes, la NI était secondaire chez 41 (52 %) d’entre eux, principalement associée à un syndrome d’Evans (n = 20, 49 %), et/ou une hémopathie lymphoïde (n = 14, 34 %), dont 6 patients avec une leucémie à grands lymphocytes granuleux, ou une connectivite (n = 14, 34 %). Après une durée médiane de suivi de 3 ans [extrêmes 1–28], 17 patients (19 %) ont développé une infection en lien avec la neutropénie ayant nécessité une hospitalisation, dont une en réanimation. Les infections étaient majoritairement bactériennes (n = 15, 88 %). Quatre décès étaient observés, sans lien avec la NI. Vingt et un patients (27 %) recevaient un traitement spécifique pour la NI, incluant du G-CSF en monothérapie (n = 10) avec une réponse dans 80 % des cas, un immunosuppresseur en monothérapie (n = 14) avec une réponse dans 86 % des cas, ou la combinaison des 2 traitements (n = 9) avec une réponse dans 56 % des cas. Les principaux immunosuppresseurs utilisés comprenaient le rituximab (n = 17), les corticoïdes (n = 15), la ciclosporine (n = 6), le méthotrexate (n = 4) et le cyclophosphamide (n = 3). Dix-sept patients avaient un MAIGA positif et 62 un MAIGA négatif. Les NI avec MAIGA positif étaient associées avec une NAI secondaire (100 % vs 39 %), en particulier un syndrome d’Evans (65 % vs 14 % p < 0,0002), et présentaient plus fréquemment une lymphopénie (59 % vs 14 % p < 0,0005). Un traitement était plus fréquemment mis en place dans le groupe MAIGA positif (82 % vs 11 %, p < 0,0001), par immunosuppresseur en monothérapie (47 % vs 5 %, p < 0,0001), G-CSF en monothérapie (12 % vs 0 %, p < 0,05), ou leur combinaison (41 % vs 3 %, p < 0,0002). La proportion de patients avec une infection en lien avec la neutropénie ayant nécessité une hospitalisation était similaire dans les 2 groupes (18 % et 19 %). La comparaison des sous-groupes de patients avec une NI primitive (n = 45) et secondaire (n = 34) mettait en évidence davantage d’initiation de traitement dans les formes secondaires (11 % vs 44 %, p < 0,001), mais la proportion de NCP était similaire entre les 2 groupes.
Conclusion
Les NI de l’adulte sont hétérogènes, majoritairement peu symptomatiques et ont un bon pronostic. Les formes avec MAIGA positif sont plus fréquemment associées à une forme secondaire, notamment un syndrome d’Evans et nécessitent plus souvent l’introduction d’un traitement spécifique. Les principales limites de notre étude comprenaient le caractère rétrospectif et le faible nombre de patients avec NCP.
期刊介绍:
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La revue de medecine interne also includes additional issues publishing the proceedings of the two annual French meetings of internal medicine (June and December), as well as thematic issues.