Vanessa Biering, Catherine Monteil-Ganière, Eric Dailly, Edouard Charles Le Carpentier, Ronan Bellouard
{"title":"Rapport d’un cas d’intoxication mortelle à la cocaïne chez une « body-packer »","authors":"Vanessa Biering, Catherine Monteil-Ganière, Eric Dailly, Edouard Charles Le Carpentier, Ronan Bellouard","doi":"10.1016/j.toxac.2025.01.071","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><div>Présentation d’un cas clinique d’intoxication sévère liée à l’ingestion massive de cocaïne dans un contexte de « <em>body-packing</em> ».</div></div><div><h3>Méthodes</h3><div>Une patiente de 46<!--> <!-->ans a été admise en soins intensifs après un arrêt cardiaque survenu dans un contexte de malaise aigu. À la suite de l’évaluation initiale clinique, biologique et radiologique, une laparotomie d’urgence a été réalisée pour retirer les corps étrangers présents (36 paquets de cocaïne, soit environ 400<!--> <!-->g) au sein du tractus gastro-intestinal. Le suivi biologique de la patiente a permis d’étudier les cinétiques plasmatiques de la cocaïne et de ses métabolites. Malgré des soins intensifs, la patiente a évolué vers une mort cérébrale confirmée à trois jours d’hospitalisation. La cinétique des concentrations plasmatiques de cocaïne, de benzoylecgonine (BZE) et d’ecgonine méthyl ester (EME) a été réalisée par chromatographie liquide couplé à la spectrométrie de masse en tandem (Sciex QTRAP 5500 LC-MS/MS system).</div></div><div><h3>Résultats</h3><div>Les analyses biologiques initiales de la patiente lors de son admission aux urgences ont révélé une acidose métabolique avec hyperlactatémie (24 mmol/L) associé à une insuffisance rénale (créatinine à 106<!--> <!-->μmol/L, débit de filtration glomérulaire à 55<!--> <!-->mL/min/1,73m<sup>2</sup>) et à une cytolyse hépatique (aspartate transaminase à 159,8 UI/L et alanine transaminase à 130,7 UI/L). Les concentrations de la créatine kinase et la troponine étaient de 117,9 UI/L et 44 ng/L, respectivement. Les analyses toxicologiques ont montré une concentration plasmatique en cocaïne trois heures après l’arrêt cardiaque à 1410 ng/mL, avec également des concentrations élevées de ses métabolites (BZE à 9670 ng/mL et EME à 7410 ng/mL). Les dosages ultérieurs ont révélé une cinétique décroissante des concentrations de cocaïne et de ses métabolites, suggérant que le pic de concentration de la cocaïne a eu lieu en amont du premier bilan sanguin. Au 7<sup>e</sup> jour d’hospitalisation, les concentrations de cocaïne, BZE et EME étaient respectivement de 4,2 ng/mL, 2350 ng/mL et 192 ng/mL.</div></div><div><h3>Conclusion</h3><div>Les cas de «<em>body-packing</em>» impliquant l’ingestion de paquets de cocaïne restent une cause majeure d’intoxication aiguë, souvent mortelle, en médecine d’urgence. Ces situations représentent des défis diagnostiques et thérapeutiques complexes, particulièrement lorsque des complications telles que la rupture des paquets survient. Les rares données pharmacocinétiques confirment que la rupture (ou l’administration orale) au niveau du tractus gastro-intestinal d’un ou plusieurs paquets entraîne une absorption massive et rapide de la cocaïne au niveau de l’estomac, dû à l’environnement acide de celui-ci, responsable de fortes concentrations plasmatiques de cocaïne. Au niveau intestinal, la cocaïne est également absorbée mais dans une moindre mesure puisque le milieu alcalin des intestins favorise la métabolisation de la cocaïne en ses métabolites inactifs. À cela s’ajoute l’existence d’une probable saturation métabolique hépatique et intestinale à des doses élevées de cocaïne, contribuant également à l’augmentation de sa concentration plasmatique. La persistance de concentrations plasmatiques élevées de cocaïne et de ses métabolites, malgré le retrait chirurgical des paquets, souligne la nécessité d’une surveillance clinique et biologique étroite dans les jours suivants l’intervention. Un examen d’imagerie suivi d’une éventuelle intervention chirurgicale rapides associés à un soutien en soins intensifs sont essentiels, bien que le pronostic demeure sombre dans les cas graves. Ce cas illustre également la nécessité de protocoles standardisés dans la gestion de patients « <em>body-packers</em> » et la prévention des complications fatales.</div><div>Les intoxications par ingestion massive de cocaïne dans un contexte de «<em>body-packing</em>» représentent une urgence médicale et nécessitent une prise en charge multidisciplinaire rapide et coordonnée. 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Abstract
Objectifs
Présentation d’un cas clinique d’intoxication sévère liée à l’ingestion massive de cocaïne dans un contexte de « body-packing ».
Méthodes
Une patiente de 46 ans a été admise en soins intensifs après un arrêt cardiaque survenu dans un contexte de malaise aigu. À la suite de l’évaluation initiale clinique, biologique et radiologique, une laparotomie d’urgence a été réalisée pour retirer les corps étrangers présents (36 paquets de cocaïne, soit environ 400 g) au sein du tractus gastro-intestinal. Le suivi biologique de la patiente a permis d’étudier les cinétiques plasmatiques de la cocaïne et de ses métabolites. Malgré des soins intensifs, la patiente a évolué vers une mort cérébrale confirmée à trois jours d’hospitalisation. La cinétique des concentrations plasmatiques de cocaïne, de benzoylecgonine (BZE) et d’ecgonine méthyl ester (EME) a été réalisée par chromatographie liquide couplé à la spectrométrie de masse en tandem (Sciex QTRAP 5500 LC-MS/MS system).
Résultats
Les analyses biologiques initiales de la patiente lors de son admission aux urgences ont révélé une acidose métabolique avec hyperlactatémie (24 mmol/L) associé à une insuffisance rénale (créatinine à 106 μmol/L, débit de filtration glomérulaire à 55 mL/min/1,73m2) et à une cytolyse hépatique (aspartate transaminase à 159,8 UI/L et alanine transaminase à 130,7 UI/L). Les concentrations de la créatine kinase et la troponine étaient de 117,9 UI/L et 44 ng/L, respectivement. Les analyses toxicologiques ont montré une concentration plasmatique en cocaïne trois heures après l’arrêt cardiaque à 1410 ng/mL, avec également des concentrations élevées de ses métabolites (BZE à 9670 ng/mL et EME à 7410 ng/mL). Les dosages ultérieurs ont révélé une cinétique décroissante des concentrations de cocaïne et de ses métabolites, suggérant que le pic de concentration de la cocaïne a eu lieu en amont du premier bilan sanguin. Au 7e jour d’hospitalisation, les concentrations de cocaïne, BZE et EME étaient respectivement de 4,2 ng/mL, 2350 ng/mL et 192 ng/mL.
Conclusion
Les cas de «body-packing» impliquant l’ingestion de paquets de cocaïne restent une cause majeure d’intoxication aiguë, souvent mortelle, en médecine d’urgence. Ces situations représentent des défis diagnostiques et thérapeutiques complexes, particulièrement lorsque des complications telles que la rupture des paquets survient. Les rares données pharmacocinétiques confirment que la rupture (ou l’administration orale) au niveau du tractus gastro-intestinal d’un ou plusieurs paquets entraîne une absorption massive et rapide de la cocaïne au niveau de l’estomac, dû à l’environnement acide de celui-ci, responsable de fortes concentrations plasmatiques de cocaïne. Au niveau intestinal, la cocaïne est également absorbée mais dans une moindre mesure puisque le milieu alcalin des intestins favorise la métabolisation de la cocaïne en ses métabolites inactifs. À cela s’ajoute l’existence d’une probable saturation métabolique hépatique et intestinale à des doses élevées de cocaïne, contribuant également à l’augmentation de sa concentration plasmatique. La persistance de concentrations plasmatiques élevées de cocaïne et de ses métabolites, malgré le retrait chirurgical des paquets, souligne la nécessité d’une surveillance clinique et biologique étroite dans les jours suivants l’intervention. Un examen d’imagerie suivi d’une éventuelle intervention chirurgicale rapides associés à un soutien en soins intensifs sont essentiels, bien que le pronostic demeure sombre dans les cas graves. Ce cas illustre également la nécessité de protocoles standardisés dans la gestion de patients « body-packers » et la prévention des complications fatales.
Les intoxications par ingestion massive de cocaïne dans un contexte de «body-packing» représentent une urgence médicale et nécessitent une prise en charge multidisciplinaire rapide et coordonnée. La surveillance toxicologique détaillée de ces cas, comme illustrée ici, est essentielle pour comprendre la toxicodynamie, améliorer les stratégies thérapeutiques et développer des protocoles adaptés.