{"title":"Dérivés du GHB et acidose métabolique : quel(s) lien(s) ?","authors":"Paul Mathieu , Margot Lestienne , Olivier Mathieu , Céline Eiden , Hélène Peyriere","doi":"10.1016/j.toxac.2025.01.076","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><div>Illustration d’une toxicité méconnue due à une ingestion massive de gammahydroxybutyrate (GHB) ou dérivés et revue de la bibliographie.</div></div><div><h3>Méthodes</h3><div>Suite à la déclaration d’un cas sévère d’intoxication par un dérivé du GHB, une revue bibliographique a été réalisée concernant les complications de sa consommation massive, principalement sur les déséquilibres acido-basiques.</div></div><div><h3>Résultats</h3><div>Mr B., 60<!--> <!-->ans, est admis en réanimation après un arrêt cardio-respiratoire (ACR) résolutif avec un <em>no-flow</em> de 5<!--> <!-->minutes et un <em>low-flow</em> de 40<!--> <!-->minutes. L’origine de l’ACR est probablement hypoxique sur ingestion d’un produit dérivé du GHB. 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Roberts, American college emergency physicians, 2011, 58, No 1]. Celle-ci est caractérisée par son « <em>double-gap</em> » [Luc Heytens, Annals clinical biochemistry, 2015, 52(2), 283–287] : la présence d’un trou anionique et osmolaire simultanément. Le trou anionique serait expliqué par cette ionisation du GHB (pKa<!--> <!-->=<!--> <!-->4,71) qui serait entre 99 %, au pH physiologique, et 63 %, au pH<!--> <!-->=<!--> <!-->6,3. Concernant le trou osmolaire (25,2), il semblerait que la présence de lactates ainsi que le poids moléculaire du GHB pourraient entraîner son augmentation. Le GHB entraîne donc indirectement des atteintes hépatiques et rénales. Celles-ci peuvent, en diminuant la clairance totale du GHB, prolonger l’AM et aggraver la clinique. 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Abstract
Objectifs
Illustration d’une toxicité méconnue due à une ingestion massive de gammahydroxybutyrate (GHB) ou dérivés et revue de la bibliographie.
Méthodes
Suite à la déclaration d’un cas sévère d’intoxication par un dérivé du GHB, une revue bibliographique a été réalisée concernant les complications de sa consommation massive, principalement sur les déséquilibres acido-basiques.
Résultats
Mr B., 60 ans, est admis en réanimation après un arrêt cardio-respiratoire (ACR) résolutif avec un no-flow de 5 minutes et un low-flow de 40 minutes. L’origine de l’ACR est probablement hypoxique sur ingestion d’un produit dérivé du GHB. Le patient n’est pas connu ni suivi en addictologie. Après l’arrêt des sédations, le patient est diagnostiqué en état de mort encéphalique et est déclaré décédé. À l’arrivée, il présentait une acidose métabolique (AM) sévère (pH = 6,83) et réfractaire au traitement par bicarbonates. Celle-ci était caractérisée par un trou anionique augmenté (42), une osmolalité augmentée (328mOsm/kg) et une hyperlactatémie (6,1mmol/L). Une épuration extra-rénale (EER) en hémodialyse continue (CVVHD) a été réalisée et a permis la correction des paramètres biologiques. L’analyse pharmaco-toxicologique montre une positivité au GHB sanguin (392 mg/L).
Conclusion
Les mécanismes de l’AM due aux dérivés du GHB sont encore des hypothèses. La concentration sanguine est supérieure aux valeurs en post-mortem dans la littérature ([140 – 390 mg/L]) et à la concentration seuil (250 mg/L) pour un trouble de la conscience qui pourrait être un précurseur aux troubles biologiques et multi-organiques. La nature physico-chimique du GHB et de ses dérivés serait une cause de cette AM. Les deux précurseurs sont le GBL et le 1,4-BD. Ce dernier a une bio-activation lente et saturable due à deux enzymes : l’alcool et l’aldéhyde déshydrogénase qui le transforment en GHB avec un faible Km. Contrairement à lui, le GBL s’absorbe et se métabolise rapidement grâce à sa lipophilie et au Km élevé des lactonases plasmatiques. La concentration plasmatique en GHB est donc plus importante par le GBL que par le 1,4-BD ou le GHB car celui-ci a une biodisponibilité orale de 30 % et subit un fort effet de premier passage hépatique. Ce GHB est dissocié en anions et en ions hydrogènes, responsables de l’AM [Darren M. Roberts, American college emergency physicians, 2011, 58, No 1]. Celle-ci est caractérisée par son « double-gap » [Luc Heytens, Annals clinical biochemistry, 2015, 52(2), 283–287] : la présence d’un trou anionique et osmolaire simultanément. Le trou anionique serait expliqué par cette ionisation du GHB (pKa = 4,71) qui serait entre 99 %, au pH physiologique, et 63 %, au pH = 6,3. Concernant le trou osmolaire (25,2), il semblerait que la présence de lactates ainsi que le poids moléculaire du GHB pourraient entraîner son augmentation. Le GHB entraîne donc indirectement des atteintes hépatiques et rénales. Celles-ci peuvent, en diminuant la clairance totale du GHB, prolonger l’AM et aggraver la clinique. Les fonctions cardiaques et pulmonaires sont aussi altérées : un « acute lung injury » pourrait se développer via deux effets sur les alvéoles, fixation sur leurs récepteurs GABAa et inhalation involontaire lors de la manipulation avec une toxicité directe.
Le GHB et ses dérivés ne sont pas des substances soupçonnées en présence d’une AM « double-gap ». Les cliniciens doivent être sensibilisés quant au risque d’une survenue de ce type d’AM sévère lors de la prise de GHB et dérivés, encore plus lors de l’association avec d’autres toxiques. La mise en place d’une épuration extra-rénale permet d’éliminer tous les métabolites acides et limiter, corriger les défaillances multi-organiques qui peuvent mener au décès des patients [M. Soichot, Toxicologie Analytique Clinique, 2017, Volume 29, Issue 2, S43].