Soumission chimique et phanères

Abstract

Objectifs

Les cheveux, et à un degré moindre les ongles, ne doivent plus être considérés comme des matrices alternatives. Ce sont des matrices biologiques spécifiques qui permettent d’obtenir des informations capitales pour répondre à des interrogations judiciaires dans le cadre d’une exposition à une arme chimique. La recherche dans les cheveux des xénobiotiques est une opportunité pour démontrer une exposition unique ou répétée, vérifier son évolution et documenter la matérialité des faits.

Méthode

Si l’aspect analytique est de mieux en mieux maîtrisé, la difficulté majeure dans ce domaine reste l’interprétation des résultats. À travers des exemples issus de la routine du laboratoire, les auteurs passeront en revue les facteurs susceptibles d’influencer les concentrations mesurées et leurs conséquences sur la rédaction finale du rapport d’expertise.

Résultats

Sur le plan analytique, il est admis que la préparation des cheveux, matrice solide, n’est jamais complète et efficace à 100 % et va influencer la concentration finale mesurée. Il existe une différence entre les concentrations mesurées dans les mêmes cheveux mais extraits après pulvérisation des cheveux et ceux après découpe aux ciseaux en petits fragments. Afin d’éviter les risques de contamination externe, la Society of Hair Testing (SoHT) a mis en place des seuils de positivité, mais ceux-ci sont régulièrement pris en défaut, en particulier lors d’exposition unique ou chez les jeunes enfants. La présence de métabolite(s) spécifique(s) a été proposée pour démontrer un passage spécifique, mais cette approche n’est pas satisfaisante, puisqu’il n’existe pas de métabolite détectable dans les phanères pour de nombreux agents de la soumission chimique. La dose minimale détectable dans les cheveux n’est pas établie pour de nombreuses molécules (cannabis, principaux NPS, certaines benzodiazépines comme l’alprazolam ou le lorazépam…). Enfin, de nombreux facteurs sont susceptibles d’influencer la concentration mesurée, voire même une absence de détection tels que la longueur des segments analysés, l’ethnie de la victime, les traitements cosmétiques, y-compris le lissage thermique, les séjours prolongés en piscine ou dans de l’eau de mer, les UVs solaires, … À l’opposé des cheveux, il n’est pas possible, avec les ongles, d’établir un calendrier rétrospectif par segmentation et dans ces conditions une période d’exposition un peu fine.

À partir de l’expérience des auteurs, les différentes étapes de l’analyse des cheveux (ou des ongles) et de l’interprétation finale seront passées en revue, allant du cas simple, presque académique, impliquant la doxylamine aux situations les plus complexes (cheveux mal prélevés, cheveux prélevés longtemps après les faits, traitements cosmétiques, migration le long de la mèche avec plusieurs segments positifs, absence de toute donnée dans la littérature) impliquant l’alprazolam, le zolpidem, l’alimémazine, la MDMA, la trenbolone ou encore la mifepristone.

Conclusion

Il y a bien longtemps, Homère, dans l’Iliade, rapportait déjà que la sorcière Circé, sur les rivages de l’Île de Aeaea utilisait de la scopolamine pour envouter les marins pas assez dociles. Expliquer à une victime que ce n’est pas à cause de son style vestimentaire ou de son comportement qu’elle a été agressée mais bien parce qu’une arme chimique a été utilisée est un devoir fondamental des intervenants de la soumission chimique. C’est en se basant sur une matrice biologique à mémoire, comme les cheveux ou les ongles que l’expert judiciaire peut contribuer à cette mise en évidence.