Améliorer la prise en charge des violences conjugales : le repérage des mécanismes du contrôle coercitif et ses conséquences sur la santé somatopsychique

F. Atig Le Griguer , A.H. Boudoukha
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Abstract

En France, le traitement judiciaire des violences conjugales se concentre principalement sur des infractions isolées, souvent liées à des actes de violence physique ou sexuelle. Bien que le concept d'emprise psychologique soit fréquemment évoqué pour décrire les violences conjugales, il a tendance à négliger la dimension du continuum des violences, y compris celles qui persistent après une séparation [1]. De plus, ce concept stigmatise les victimes et manque d'opérationnalité sur le plan scientifique. C'est pourquoi le paradigme du contrôle coercitif (CC), popularisé par Stark en 2007 [2], est de plus en plus privilégié dans le milieu académique. Ce modèle, qui s'appuie sur les travaux de chercheurs tels que Okun (1986), Kelly (1988), Romito (2011) et Dutton et Goodman (2005) [3-5], définit le contrôle coercitif comme un ensemble de comportements abusifs et dominants dans le cadre des relations intimes, visant à restreindre la liberté et l'autonomie de la victime. Ces comportements incluent l'isolement, la violence physique ou sexuelle, la surveillance, les menaces et le contrôle des finances, se déployant selon un continuum qui les rend difficiles à détecter comparativement à la coercition plus manifeste [6] .
Les conséquences sur la santé des victimes sont significatives, incluant des comorbidités anxiodépressives, des troubles de stress post-traumatique (TSPT), qu'ils soient simples ou complexes, ainsi qu'un risque suicidaire accru [7-8]. De plus, le TSPT peut favoriser le développement de maladies somatiques telles que la fibromyalgie, les douleurs chroniques, le diabète, les affections cardiaques et les troubles dermatologiques [9]. Un lien est également observé entre le TSPT et la santé physique en raison du stress chronique induit par le climat de terreur associé au contrôle coercitif [10].
Le modèle de contrôle coercitif de Dutton et Goodman (2005) [5] enrichit celui de Stark en intégrant les vulnérabilités préexistantes, la menace, la surveillance et les impacts sur la vie sociale et psychosomatique de la victime. Malgré l'intérêt croissant pour ce sujet dans les recherches en psychologie sociale, sociologie et politique, peu d'études lient ces éléments à des dimensions cliniques, et les données empiriques restent rares [11]. Dans le cadre de ma thèse sous la direction du Pr A. Boudoukha, une analyse qualitative des mécanismes du contrôle coercitif s'intéresse aux liens entre la symptomatologie psychosomatique et le continuum des comportements de contrôle coercitif, aggravée avec le temps.
Nous projetons maintenant une recherche prospective auprès de femmes victimes issues de plusieurs centres d'accompagnement (Urgences Médico-Judiciaires et centres de prise en charge du psychotraumatisme). L'objectif principal est de mesurer les mécanismes de contrôle coercitif. Selon nos hypothèses, un repérage précoce pourrait diminuer la force du contrôle coercitif et éviter des conséquences symptomatologiques intenses, tandis qu'un repérage tardif pourrait exposer les victimes à un risque accru et à des symptômes cliniques aigus ou chroniques.
Dans le cadre de cette recherche longitudinale, nous prévoyons également de valider en français l'échelle de repérage du contrôle coercitif (CCSS) de K. Wilson et P. Fritz (2022) [12], déjà validée en anglais. Cela inclura l'utilisation d'une valeur seuil en complément de questionnaires portant sur la santé physique et mentale. En attendant les résultats de cette recherche, le modèle de contrôle coercitif s'inscrit dans la lutte contre les féminicides et pourrait devenir le paradigme privilégié pour le traitement des violences conjugales et intrafamiliales, favorisant ainsi le développement de dispositifs médico-psycho-socio-judiciaires tels que l'Unité Spécialisée Accompagnement du Psychotraumatisme à l'hôpital d'Aulnay-sous-Bois.
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