{"title":"La mélioïdose à Mayotte","authors":"C. Mortier , K. Abdelmoumen","doi":"10.1016/j.mmifmc.2025.01.035","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Introduction</h3><div>La mélioïdose, causée par la bactérie <em>Burkholderia pseudomallei</em>, est une maladie infectieuse rare mais grave, endémique des régions tropicales d'Asie du Sud-Est et du Nord de l'Australie, largement sous-diagnostiquée dans le reste du monde. La présence de cette bactérie dans les sols mahorais n'a pas été confirmée à ce jour mais la présence de cas autochtones laisse présager une possible endémicité. Nous proposons de décrire tous les cas de mélioïdose survenus à La Réunion et à Mayotte depuis 2013.</div></div><div><h3>Matériel et méthodes</h3><div>Étude rétrospective multicentrique à Mayotte et à La Réunion. Extraction de tous les cas d'infections à <em>B. pseudomallei</em> de janvier 2013 à janvier 2024 à partir du système informatique des laboratoires de microbiologie.</div></div><div><h3>Résultats</h3><div>Dix-huit patients ont été inclus, diagnostiqués à La Réunion (n = 8) ou à Mayotte (n = 10). De janvier 2016 à janvier 2024, on dénombrait en moyenne 2 cas incidents annuels. 17/18 cas ont été diagnostiqués en saison des pluies. La présentation clinique de la mélioïdose comportait souvent de la fièvre (72 %) associée à une clinique polymorphe : pneumopathie aiguë (83 % - 15/18) et bilatérale dans 46 % des cas (7/15). Des tableaux digestifs ou uro-prostatiques étaient aussi rapportés (n=5). Un patient à Mayotte s'est compliqué d'empyème et de thrombophlébite cérébrale malgré un traitement adapté. Parmi les cas mahorais, 5 cas étaient autochtones (50 %), 3 présentaient un retour des Comores et 2 de Madagascar. L’âge moyen était de 53,9 ans (extrêmes: 43-75ans) avec 60 % d'hommes. L'atteinte pulmonaire était présente dans 70 % des cas. Les facteurs de risque retrouvés étaient le diabète (70 %) déséquilibré (HbA1c moyenne 11,2 %), l'insuffisance rénale chronique (1 cas), un asthme avec dilatation de bronches (1 cas). Le diagnostic s'est fait par hémocultures (8/10) ou prélèvement pulmonaire (2/10), avec un délai diagnostic moyen de 4 jours (extrêmes 1-15). Le traitement a comporté systématiquement une bithérapie comportant du méropénème, de la CEFTAZIDIME ou du COTRIMOXAZOLE. Un des 10 patients est décédé (contre 4 décès /8 dans la cohorte réunionnaise). Un logement insalubre (en terre) était présent dans 40 % (4/10) des cas.</div></div><div><h3>Discussion</h3><div>L'incidence de la mélioïdose semble croissante en océan Indien avec des cas sporadiques décrits à Madagascar (6 cas de 2004 à 2017), aux Seychelles (2 cas en 2013), à l’Île Maurice (2 cas en 2004 et 2006), mais surtout à Mayotte avec la présence de cas autochtones dans une zone auparavant non connue comme endémique de ce pathogène. Le diagnostic de mélioïdose doit être évoqué devant toute pneumopathie fébrile mais également devant des tableaux plus polymorphes neurologiques, digestifs, ou d'abcès multiples. La réalisation d'hémocultures répétées ou prélèvements respiratoires pour un diagnostic plus précoce est indispensable. Les résistances naturelles de <em>B. pseudomallei</em> mettent en échec l'antibiothérapie probabiliste dans plus de 50 % des cas ce qui pose le challenge d'une reconnaissance du tableau clinique et d'une adaptation thérapeutique rapides, au risque d'un pronostic vital engagé. Le taux de mortalité est important (28 %) allant de 10 % à Mayotte à 50 % à La Réunion.</div></div>","PeriodicalId":100906,"journal":{"name":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","volume":"4 1","pages":"Page S17"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2025-02-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2772743225000364","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Introduction
La mélioïdose, causée par la bactérie Burkholderia pseudomallei, est une maladie infectieuse rare mais grave, endémique des régions tropicales d'Asie du Sud-Est et du Nord de l'Australie, largement sous-diagnostiquée dans le reste du monde. La présence de cette bactérie dans les sols mahorais n'a pas été confirmée à ce jour mais la présence de cas autochtones laisse présager une possible endémicité. Nous proposons de décrire tous les cas de mélioïdose survenus à La Réunion et à Mayotte depuis 2013.
Matériel et méthodes
Étude rétrospective multicentrique à Mayotte et à La Réunion. Extraction de tous les cas d'infections à B. pseudomallei de janvier 2013 à janvier 2024 à partir du système informatique des laboratoires de microbiologie.
Résultats
Dix-huit patients ont été inclus, diagnostiqués à La Réunion (n = 8) ou à Mayotte (n = 10). De janvier 2016 à janvier 2024, on dénombrait en moyenne 2 cas incidents annuels. 17/18 cas ont été diagnostiqués en saison des pluies. La présentation clinique de la mélioïdose comportait souvent de la fièvre (72 %) associée à une clinique polymorphe : pneumopathie aiguë (83 % - 15/18) et bilatérale dans 46 % des cas (7/15). Des tableaux digestifs ou uro-prostatiques étaient aussi rapportés (n=5). Un patient à Mayotte s'est compliqué d'empyème et de thrombophlébite cérébrale malgré un traitement adapté. Parmi les cas mahorais, 5 cas étaient autochtones (50 %), 3 présentaient un retour des Comores et 2 de Madagascar. L’âge moyen était de 53,9 ans (extrêmes: 43-75ans) avec 60 % d'hommes. L'atteinte pulmonaire était présente dans 70 % des cas. Les facteurs de risque retrouvés étaient le diabète (70 %) déséquilibré (HbA1c moyenne 11,2 %), l'insuffisance rénale chronique (1 cas), un asthme avec dilatation de bronches (1 cas). Le diagnostic s'est fait par hémocultures (8/10) ou prélèvement pulmonaire (2/10), avec un délai diagnostic moyen de 4 jours (extrêmes 1-15). Le traitement a comporté systématiquement une bithérapie comportant du méropénème, de la CEFTAZIDIME ou du COTRIMOXAZOLE. Un des 10 patients est décédé (contre 4 décès /8 dans la cohorte réunionnaise). Un logement insalubre (en terre) était présent dans 40 % (4/10) des cas.
Discussion
L'incidence de la mélioïdose semble croissante en océan Indien avec des cas sporadiques décrits à Madagascar (6 cas de 2004 à 2017), aux Seychelles (2 cas en 2013), à l’Île Maurice (2 cas en 2004 et 2006), mais surtout à Mayotte avec la présence de cas autochtones dans une zone auparavant non connue comme endémique de ce pathogène. Le diagnostic de mélioïdose doit être évoqué devant toute pneumopathie fébrile mais également devant des tableaux plus polymorphes neurologiques, digestifs, ou d'abcès multiples. La réalisation d'hémocultures répétées ou prélèvements respiratoires pour un diagnostic plus précoce est indispensable. Les résistances naturelles de B. pseudomallei mettent en échec l'antibiothérapie probabiliste dans plus de 50 % des cas ce qui pose le challenge d'une reconnaissance du tableau clinique et d'une adaptation thérapeutique rapides, au risque d'un pronostic vital engagé. Le taux de mortalité est important (28 %) allant de 10 % à Mayotte à 50 % à La Réunion.