{"title":"Choléra - Point de vue du Centre National de Référence Vibrions et Choléra","authors":"C. Rouard","doi":"10.1016/j.mmifmc.2025.01.031","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><div>Le choléra est une maladie diarrhéique aigue causée par la bactérie Vibrio cholerae des sérogroupes O1 et O139 lorsque celle-ci produit la toxine cholérique. La transmission féco-orale se fait par contact direct avec des mains contaminées et/ou ingestion d'eau ou d'aliments contaminés. Cette maladie dont la première description remonte à l'antiquité peut être mortelle en quelques heures en absence de prise en charge. Sept pandémies se sont succédées depuis 1817, la 7<sup>e</sup> pandémie ayant débuté en 1961 est toujours active et touche en particulier l'Inde et le Bangladesh ainsi que de nombreux pays d'Afrique. Différentes techniques ont été mises au point pour différencier les populations de ce pathogène et appréhender sa circulation mais sans succès jusqu’à l'avènement de la génomique. Les premières études de phylogénie basées sur le génome ont permis de montrer qu'au sein de l'espèce Vibrio cholerae, seuls deux clones appartenant au sérogroupe O1 étaient responsables du choléra pandémique : la lignée classique (responsable des six premières pandémies) et la lignée El Tor (responsable de la 7<sup>e</sup> pandémie). Les autres clones sont responsables uniquement de cas sporadiques ou de petites épidémies en lien avec un réservoir aquatique. Au sein de la lignée El Tor, les études génomiques ont identifié trois vagues successives de dissémination à partir de l'Asie du sud ainsi que différents évènements de transmission intercontinentale. Il a ainsi été décrit trois introductions différentes de la bactérie responsable du choléra en Amérique en lien avec trois épidémies dans différents pays en 1991 et 2010.</div><div>En Afrique, onze introductions différentes de la lignée El Tor (sous-lignées AFR1 à 11) ont pu être mises en évidence avec une circulation puis une disparition des lignées remplacées par d'autres lignées. Ces introductions ont eu lieu directement à partir d'Asie du Sud ou après un passage au Moyen-Orient. La génomique a ainsi permis de montrer la transmission interhumaine du choléra et n'est pas en faveur de la théorie environnementale en lien avec un réservoir aquatique à très long terme. En 2022 une résurgence importante du choléra a eu lieu au niveau mondial avec d'importantes flambées épidémiques dans différents pays et une reprise des épidémies en Haïti et au Yémen. La surveillance génomique des cas importés en Europe a permis d'observer que la sous-lignée AFR15 était fréquente parmi les souches isolées cette année-là dans différents pays. Cette surveillance permet également de monitorer l’évolution de la résistance aux antibiotiques. Cette dernière est assez stable et assez limitée chez les souches de choléra. Cependant une souche multi-résistante présentant notamment une résistance à l'azithromycine et à la ciprofloxacine a émergé en 2018 au Yémen. Elle a été identifiée par la suite au Liban en 2022, au Kenya en 2023 et plus récemment en Tanzanie, aux Comores et à Mayotte en 2024. Aux Comores et Mayotte, il a pu être observé que les souches des différentes épidémies de 1975 (Comores), 2000 et 2024 appartenaient à des lignées différentes (AFR1, AFR10 et AFR13 respectivement) et correspondait donc à des réintroductions de l'agent du choléra pour chaque épidémie.</div></div>","PeriodicalId":100906,"journal":{"name":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","volume":"4 1","pages":"Page S15"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2025-02-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Médecine et Maladies Infectieuses Formation","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2772743225000327","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Le choléra est une maladie diarrhéique aigue causée par la bactérie Vibrio cholerae des sérogroupes O1 et O139 lorsque celle-ci produit la toxine cholérique. La transmission féco-orale se fait par contact direct avec des mains contaminées et/ou ingestion d'eau ou d'aliments contaminés. Cette maladie dont la première description remonte à l'antiquité peut être mortelle en quelques heures en absence de prise en charge. Sept pandémies se sont succédées depuis 1817, la 7e pandémie ayant débuté en 1961 est toujours active et touche en particulier l'Inde et le Bangladesh ainsi que de nombreux pays d'Afrique. Différentes techniques ont été mises au point pour différencier les populations de ce pathogène et appréhender sa circulation mais sans succès jusqu’à l'avènement de la génomique. Les premières études de phylogénie basées sur le génome ont permis de montrer qu'au sein de l'espèce Vibrio cholerae, seuls deux clones appartenant au sérogroupe O1 étaient responsables du choléra pandémique : la lignée classique (responsable des six premières pandémies) et la lignée El Tor (responsable de la 7e pandémie). Les autres clones sont responsables uniquement de cas sporadiques ou de petites épidémies en lien avec un réservoir aquatique. Au sein de la lignée El Tor, les études génomiques ont identifié trois vagues successives de dissémination à partir de l'Asie du sud ainsi que différents évènements de transmission intercontinentale. Il a ainsi été décrit trois introductions différentes de la bactérie responsable du choléra en Amérique en lien avec trois épidémies dans différents pays en 1991 et 2010.
En Afrique, onze introductions différentes de la lignée El Tor (sous-lignées AFR1 à 11) ont pu être mises en évidence avec une circulation puis une disparition des lignées remplacées par d'autres lignées. Ces introductions ont eu lieu directement à partir d'Asie du Sud ou après un passage au Moyen-Orient. La génomique a ainsi permis de montrer la transmission interhumaine du choléra et n'est pas en faveur de la théorie environnementale en lien avec un réservoir aquatique à très long terme. En 2022 une résurgence importante du choléra a eu lieu au niveau mondial avec d'importantes flambées épidémiques dans différents pays et une reprise des épidémies en Haïti et au Yémen. La surveillance génomique des cas importés en Europe a permis d'observer que la sous-lignée AFR15 était fréquente parmi les souches isolées cette année-là dans différents pays. Cette surveillance permet également de monitorer l’évolution de la résistance aux antibiotiques. Cette dernière est assez stable et assez limitée chez les souches de choléra. Cependant une souche multi-résistante présentant notamment une résistance à l'azithromycine et à la ciprofloxacine a émergé en 2018 au Yémen. Elle a été identifiée par la suite au Liban en 2022, au Kenya en 2023 et plus récemment en Tanzanie, aux Comores et à Mayotte en 2024. Aux Comores et Mayotte, il a pu être observé que les souches des différentes épidémies de 1975 (Comores), 2000 et 2024 appartenaient à des lignées différentes (AFR1, AFR10 et AFR13 respectivement) et correspondait donc à des réintroductions de l'agent du choléra pour chaque épidémie.