R. Ouedraogo, M. Hervé, N. Paret, French PCC Research Group , C. Chevallier
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Abstract
Objectif
L’usage d’héroïne a évolué au cours de cette dernière décennie, tant au niveau du produit lui-même que de son marché. En un peu moins de 10 ans, la teneur moyenne en héroïne de la drogue vendue est passée de 9,8 % en 2011 à 20,3 % en 2020, tandis que de nouvelles routes d’import se développent du fait du contexte géopolitique international [1], [2]. Les quantités saisies par les douanes ne cessent également d’augmenter. Les données des Centres antipoison et de toxico-vigilance (CAP-TV) constituent un outil important de veille sanitaire sur les complications liées à la consommation d’opioïde en France, et notamment d’héroïne.
Méthodes
Étude rétrospective des cas d’intoxication par l’héroïne en France à partir du système d’information des CAP-TV (SICAP) sur une période de plus de 6 ans (2018–2023 ; janvier–mars 2024). Ce travail comprend les cas de la réponse téléphonique à l’urgence (RTU) et hors RTU (collecte de dossiers de toxico-vigilance).
Résultats
Un total de 394 cas a été inclus (210 cas via RTU, 184 hors RTU). Parmi les cas de RTU, les patients ont un âge médian de 36 ans, avec 79 % d’hommes et une poly-consommation de substances psychoactives annoncée dans 70 % des dossiers : cocaïne > alcool > cannabis > médicaments. La grande majorité des patients a été symptomatique (90 %) et a nécessité une prise en charge hospitalière, dont 56 cas de gravité forte (27 %) orientés en unité de soins intensifs. Un toxidrome opioïde a été observé à des degrés variables chez ces patients. Dans 16 cas (8 %), une symptomatologie discordante a cependant été décrite faisant évoquer une adultération de l’héroïne avec une autre substance (agitation forte, délire, tachycardie). Cependant, des analyses toxicologiques sont rarement réalisées dans ces cas (seuls 28 % des dossiers) et ne peuvent confirmer ou infirmer l’intoxication. Entre 2018 et 2022, le nombre de cas RTU est relativement stable ; 2018 étant l’année où l’on recense le plus de cas (78) ; 2020 le moins de cas (50). On note une baisse en 2023 (35). Les décès sont relativement rares (n = 9, 4 %) avec une poly-consommation dans 8 cas. Toutefois, la nature de la symptomatologie observée permet bien de mettre en cause l’héroïne, dont 8 cas avec une confirmation analytique de la présence d’opiacé dans l’organisme. Les dossiers hors RTU (n = 184) concernent majoritairement la collecte de cas graves (n = 127), dont 110 décès rapportés par les services de médecine légale (n = 119 ; 65 %). Il n’est pas observé d’augmentation des cas de décès parmi les hors RTU. Le recueil des cas collectés sur l’année 2023, notamment des décès (délai médico-légal et judiciaire contraint) est cependant toujours en cours.
Discussion et conclusion
À ce jour, la disponibilité de l’héroïne reste élevée en France et provient toujours essentiellement d’Afghanistan malgré l’interdiction de la culture du pavot à opium (2022). L’enquête DRAMES montre que le nombre de décès liés à l’héroïne, associée ou non à la cocaïne, augmente légèrement en France (non significatif) [3]. Les données de notre étude ne rapportent pas, à ce jour, de signal alarmant avec la consommation d’héroïne dans le réseau des CAP-TV. Mais face à l’évolution possible de ce marché, une vigilance particulière doit être portée aux cas d’intoxication par l’héroïne qui pourrait s’avérer fortement dosée ou adultérée (fentanyloides et autres opioïdes de synthèse tels que les nitazènes). L’analyse de produit et/ou la réalisation de prélèvements toxicologiques sont primordiales dans ces cas d’intoxication par des opiacés, notamment chez les patients présentant une symptomatologie discordante ou très marquée.