{"title":"Intoxication aiguë et prélèvements conservatoires","authors":"","doi":"10.1016/j.toxac.2024.08.020","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectif</h3><p>En parallèle des prélèvements à visée diagnostique réalisés au décours d’une intoxication aiguë, il s’avère nécessaire, dans certaines circonstances, de recueillir une preuve biologique qui sera traiter à distance. Ce type de prélèvement s’appelle « prélèvements conservatoires ». Ces prélèvements ont pour but de documenter la matérialité d’une intoxication, ses circonstances et ses conséquences après la phase aiguë. Les prélèvements à réaliser sont un échantillon de sang total sur tube Vacutainer bouchon gris de type fluorure de sodium, un échantillon d’urines sur flacon sec de type ECBU et un prélèvement de cheveux. L’échantillon de sang est le seul milieu biologique permettant de déterminer le niveau d’imprégnation et de juger la gravité de l’intoxication. L’échantillon d’urine permet d’effectuer une recherche large de substance et ouvre une fenêtre de détection plus importante que le sang. Quant au cheveu, il s’agit de la seule matrice biologique permettant de réaliser une recherche rétrospective et d’obtenir le profil de consommation du patient. Il est également recommandé de conserver tous les éléments retrouvés sur le patient (poudre, flacon, comprimé…) pouvant être à l’origine de l’intoxication. À l’exception du prélèvement de cheveux qui doit être conservé à l’abri de la lumière, au sec et à température ambiante, le sang et les urines doivent être conservé au froid, de préférence à –20<!--> <!-->°C. Ces prélèvements sont à conserver le plus longtemps possible en fonction des possibilités des structures. Il convient également de tenir compte de la stabilité des xénobiotiques. De façon générale, les xénobiotiques sont plus stables dans les urines que dans le sang. Ainsi, à l’exception des benzodiazépines, de certains neuroleptiques et de certaines cathinones, une période de 6 mois de stabilité est observée pour la majorité des composés lorsque conservés au froid. Les prélèvements conservatoires ne sont pas systématiquement analysés mais pourront être nécessaires dans le cas où la prise en charge hospitalière mène à une implication médicolégale (intoxications sur le lieu du travail, intoxication au monoxyde de carbone, agression avec agent chimique, soumission chimique, etc.). L’importance de la preuve biologique peut être obtenue à distance, lorsque des investigations complémentaires auront permis de caractériser une possible situation impliquant un tiers.</p><p>L’intérêt des prélèvements conservatoires est illustré par trois situations ci-dessous. Cas 1 : lors d’une prise en charge hospitalière dans le cadre de troubles hallucinatoires et cardiaques, les tests immunochimiques réalisés sur place s’étaient avérés négatifs. Suite à l’interrogatoire du patient, une pratique de chemsex impliquant un trafic de stupéfiants a été mentionnée. Avec ces informations, les prélèvements conservatoires ont été envoyés au laboratoire de toxicologie et le screening a mis en évidence la présence de 3-MMC et de GHB, à des concentrations expliquant le tableau clinique lors de l’hospitalisation. Cas 2 : un cas de soumission chimique, impliquant l’analyse rétrospective des prélèvements conservatoires, a permis l’identification de 5-APB, un dérivé de la classe des benzofuranes entactogènes, chez trois jeunes filles hospitalisées quelques semaines auparavant, pour lesquels les analyses toxicologiques ordonnées par le clinicien étaient restées négatives (recherche d’alcool et de cannabis). Cas 3 : lors d’une intoxication aiguë impliquant des symptômes superposables à une exposition au cannabis, la recherche de Δ9-tétrahyrocannabinol et d’autres stupéfiants était négative. Des investigations toxicologiques supplémentaires n’avaient pas été demandées par le clinicien. Une poudre blanche a été récupérée dans les affaires personnels du patient et a été envoyée au laboratoire plusieurs semaines après l’intoxication. L’analyse de cette poudre a permis l’identification de SGT-151, un cannabinoïde de synthèse, ainsi que son degré de pureté par résonance magnétique nucléaire (RMN) et l’étude de ses métabolites par spectrométrie de masse haute résolution (HRMS). Il a ensuite été possible d’analyser les prélèvements conservatoires du patient et d’identifier plusieurs métabolites, permettent de confirmer l’exposition au SGT-151.</p><p>Dans ces trois cas, l’analyse des prélèvements conservatoires a permis d’identifier la cause de l’intoxication, de garantir une observation complète et documentée des situations et de favoriser les conclusions médico-judiciaires permettant au Parquet de prendre des réquisitions adéquates.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-09-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824001811","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectif
En parallèle des prélèvements à visée diagnostique réalisés au décours d’une intoxication aiguë, il s’avère nécessaire, dans certaines circonstances, de recueillir une preuve biologique qui sera traiter à distance. Ce type de prélèvement s’appelle « prélèvements conservatoires ». Ces prélèvements ont pour but de documenter la matérialité d’une intoxication, ses circonstances et ses conséquences après la phase aiguë. Les prélèvements à réaliser sont un échantillon de sang total sur tube Vacutainer bouchon gris de type fluorure de sodium, un échantillon d’urines sur flacon sec de type ECBU et un prélèvement de cheveux. L’échantillon de sang est le seul milieu biologique permettant de déterminer le niveau d’imprégnation et de juger la gravité de l’intoxication. L’échantillon d’urine permet d’effectuer une recherche large de substance et ouvre une fenêtre de détection plus importante que le sang. Quant au cheveu, il s’agit de la seule matrice biologique permettant de réaliser une recherche rétrospective et d’obtenir le profil de consommation du patient. Il est également recommandé de conserver tous les éléments retrouvés sur le patient (poudre, flacon, comprimé…) pouvant être à l’origine de l’intoxication. À l’exception du prélèvement de cheveux qui doit être conservé à l’abri de la lumière, au sec et à température ambiante, le sang et les urines doivent être conservé au froid, de préférence à –20 °C. Ces prélèvements sont à conserver le plus longtemps possible en fonction des possibilités des structures. Il convient également de tenir compte de la stabilité des xénobiotiques. De façon générale, les xénobiotiques sont plus stables dans les urines que dans le sang. Ainsi, à l’exception des benzodiazépines, de certains neuroleptiques et de certaines cathinones, une période de 6 mois de stabilité est observée pour la majorité des composés lorsque conservés au froid. Les prélèvements conservatoires ne sont pas systématiquement analysés mais pourront être nécessaires dans le cas où la prise en charge hospitalière mène à une implication médicolégale (intoxications sur le lieu du travail, intoxication au monoxyde de carbone, agression avec agent chimique, soumission chimique, etc.). L’importance de la preuve biologique peut être obtenue à distance, lorsque des investigations complémentaires auront permis de caractériser une possible situation impliquant un tiers.
L’intérêt des prélèvements conservatoires est illustré par trois situations ci-dessous. Cas 1 : lors d’une prise en charge hospitalière dans le cadre de troubles hallucinatoires et cardiaques, les tests immunochimiques réalisés sur place s’étaient avérés négatifs. Suite à l’interrogatoire du patient, une pratique de chemsex impliquant un trafic de stupéfiants a été mentionnée. Avec ces informations, les prélèvements conservatoires ont été envoyés au laboratoire de toxicologie et le screening a mis en évidence la présence de 3-MMC et de GHB, à des concentrations expliquant le tableau clinique lors de l’hospitalisation. Cas 2 : un cas de soumission chimique, impliquant l’analyse rétrospective des prélèvements conservatoires, a permis l’identification de 5-APB, un dérivé de la classe des benzofuranes entactogènes, chez trois jeunes filles hospitalisées quelques semaines auparavant, pour lesquels les analyses toxicologiques ordonnées par le clinicien étaient restées négatives (recherche d’alcool et de cannabis). Cas 3 : lors d’une intoxication aiguë impliquant des symptômes superposables à une exposition au cannabis, la recherche de Δ9-tétrahyrocannabinol et d’autres stupéfiants était négative. Des investigations toxicologiques supplémentaires n’avaient pas été demandées par le clinicien. Une poudre blanche a été récupérée dans les affaires personnels du patient et a été envoyée au laboratoire plusieurs semaines après l’intoxication. L’analyse de cette poudre a permis l’identification de SGT-151, un cannabinoïde de synthèse, ainsi que son degré de pureté par résonance magnétique nucléaire (RMN) et l’étude de ses métabolites par spectrométrie de masse haute résolution (HRMS). Il a ensuite été possible d’analyser les prélèvements conservatoires du patient et d’identifier plusieurs métabolites, permettent de confirmer l’exposition au SGT-151.
Dans ces trois cas, l’analyse des prélèvements conservatoires a permis d’identifier la cause de l’intoxication, de garantir une observation complète et documentée des situations et de favoriser les conclusions médico-judiciaires permettant au Parquet de prendre des réquisitions adéquates.