{"title":"Myélopathie carentielle irréversible et mésusage de pâte dentaire adhésive contenant du zinc","authors":"A. Lambert , W. Storck , M. Evrard , T. Wirth","doi":"10.1016/j.toxac.2024.08.052","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectif</h3><p>Sensibiliser la population générale aux complications neurologiques liées à une utilisation excessive et sur le long terme de pâtes adhésives pour appareils dentaires contenant du zinc.</p></div><div><h3>Historique du cas</h3><p>Nous rapportons le cas d’un patient présentant un syndrome pyramido-proprioceptif dans les suites d’une utilisation chronique d’une pâte dentaire adhésive contenant du zinc. Il s’agit d’un patient de 69<!--> <!-->ans sous tutelle en raison d’un retard mental et vivant en EHPAD. Le patient présente des troubles de la marche avec sensation d’ébriété. Le bilan biologique retrouve une anémie avec une carence en cuivre sévère à 0,1<!--> <!-->μmol/L (VN : 11–25<!--> <!-->μmol/L), motivant une supplémentation en cuivre (Nutryelt®). Huit mois plus tard le patient est hospitalisé devant une aggravation des troubles de la marche l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant. L’examen clinique note un syndrome pyramidal aux membres inférieurs, des troubles sensitifs et une ataxie proprioceptive. L’IRM médullaire met en évidence un rétrécissement canalaire cervical en faveur d’une myélopathie cervico-arthrosique avec un hypersignal cordonal postérieur de C2 à C4. Ce tableau est évocateur d’une sclérose combinée de la moelle pouvant s’expliquer par le contexte de carence en cuivre sévère associée à une ataxie proprioceptive importante. Le patient mentionne l’utilisation chronique, depuis plusieurs années, d’une pâte dentaire adhésive contenant du zinc. La prise en charge consiste en la poursuite d’une supplémentation par perfusion de cuivre et l’arrêt de l’utilisation de pâte de dentaire contenant du zinc. La biologie note une cuprémie dans les limites de la normale. Plus de 2<!--> <!-->ans après l’arrêt de l’exposition au zinc, aucune récupération sur le plan fonctionnel n’a été notée et le patient reste confiné au fauteuil roulant, malgré la correction de la carence en cuivre.</p></div><div><h3>Discussion</h3><p>Les pâtes dentaires adhésives commercialisées contiennent 6 à 7 % de zinc élément, correspondant à 3<!--> <!-->g par conditionnement. Le zinc est un oligoélément présent dans des aliments riches en protéines et dans certains compléments alimentaires. Un excès d’apport en zinc peut conduire à un déficit en cuivre en diminuant son absorption intestinale dans l’organisme, pouvant entraîner une myélosuppression et une atteinte des lésions nerveuses. L’AFSSAPS et la FDA ont communiqué dès 2010 sur le risque lié à un mésusage de pâtes dentaires adhésives contenant du zinc pouvant être à l’origine d’effets indésirables tels qu’engourdissement, picotement ou faiblesse dans les membres, difficultés à marcher ou à conserver son équilibre ainsi qu’une anémie. Les pâtes dentaires adhésives auraient un effet cytotoxique dose-dépendant sur les fibroblastes et les kératinocytes <span><span>[1]</span></span>. Pour ces raisons, en 2010, un laboratoire arrête la commercialisation des pâtes dentaires adhésives contenant du zinc. Plusieurs rapports de cas de myélopathie associée à une atteinte hématologique survenant dans un contexte de carence en cuivre et dans les suites d’une utilisation excessive d’adhésifs contenant du zinc pour prothèses dentaires sont publiés. Après supplémentation en cuivre et arrêt de l’exposition, l’atteinte hématologique est réversible mais les patients présentent une persistance des troubles neurologiques <span><span>[2]</span></span>, <span><span>[3]</span></span>.</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Ce cas rapporte un mésusage probable avec application chronique d’une pâte dentaire ayant entraîné des complications neurologiques irréversibles. L’utilisation de pâte dentaire avec du zinc doit être recueillie lors de l’interrogatoire du patient dans les cas d’ataxie proprioceptive ou de sclérose combinée de la moelle. 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Abstract
Objectif
Sensibiliser la population générale aux complications neurologiques liées à une utilisation excessive et sur le long terme de pâtes adhésives pour appareils dentaires contenant du zinc.
Historique du cas
Nous rapportons le cas d’un patient présentant un syndrome pyramido-proprioceptif dans les suites d’une utilisation chronique d’une pâte dentaire adhésive contenant du zinc. Il s’agit d’un patient de 69 ans sous tutelle en raison d’un retard mental et vivant en EHPAD. Le patient présente des troubles de la marche avec sensation d’ébriété. Le bilan biologique retrouve une anémie avec une carence en cuivre sévère à 0,1 μmol/L (VN : 11–25 μmol/L), motivant une supplémentation en cuivre (Nutryelt®). Huit mois plus tard le patient est hospitalisé devant une aggravation des troubles de la marche l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant. L’examen clinique note un syndrome pyramidal aux membres inférieurs, des troubles sensitifs et une ataxie proprioceptive. L’IRM médullaire met en évidence un rétrécissement canalaire cervical en faveur d’une myélopathie cervico-arthrosique avec un hypersignal cordonal postérieur de C2 à C4. Ce tableau est évocateur d’une sclérose combinée de la moelle pouvant s’expliquer par le contexte de carence en cuivre sévère associée à une ataxie proprioceptive importante. Le patient mentionne l’utilisation chronique, depuis plusieurs années, d’une pâte dentaire adhésive contenant du zinc. La prise en charge consiste en la poursuite d’une supplémentation par perfusion de cuivre et l’arrêt de l’utilisation de pâte de dentaire contenant du zinc. La biologie note une cuprémie dans les limites de la normale. Plus de 2 ans après l’arrêt de l’exposition au zinc, aucune récupération sur le plan fonctionnel n’a été notée et le patient reste confiné au fauteuil roulant, malgré la correction de la carence en cuivre.
Discussion
Les pâtes dentaires adhésives commercialisées contiennent 6 à 7 % de zinc élément, correspondant à 3 g par conditionnement. Le zinc est un oligoélément présent dans des aliments riches en protéines et dans certains compléments alimentaires. Un excès d’apport en zinc peut conduire à un déficit en cuivre en diminuant son absorption intestinale dans l’organisme, pouvant entraîner une myélosuppression et une atteinte des lésions nerveuses. L’AFSSAPS et la FDA ont communiqué dès 2010 sur le risque lié à un mésusage de pâtes dentaires adhésives contenant du zinc pouvant être à l’origine d’effets indésirables tels qu’engourdissement, picotement ou faiblesse dans les membres, difficultés à marcher ou à conserver son équilibre ainsi qu’une anémie. Les pâtes dentaires adhésives auraient un effet cytotoxique dose-dépendant sur les fibroblastes et les kératinocytes [1]. Pour ces raisons, en 2010, un laboratoire arrête la commercialisation des pâtes dentaires adhésives contenant du zinc. Plusieurs rapports de cas de myélopathie associée à une atteinte hématologique survenant dans un contexte de carence en cuivre et dans les suites d’une utilisation excessive d’adhésifs contenant du zinc pour prothèses dentaires sont publiés. Après supplémentation en cuivre et arrêt de l’exposition, l’atteinte hématologique est réversible mais les patients présentent une persistance des troubles neurologiques [2], [3].
Conclusion
Ce cas rapporte un mésusage probable avec application chronique d’une pâte dentaire ayant entraîné des complications neurologiques irréversibles. L’utilisation de pâte dentaire avec du zinc doit être recueillie lors de l’interrogatoire du patient dans les cas d’ataxie proprioceptive ou de sclérose combinée de la moelle. Il semble nécessaire d’assurer un suivi approprié des patients avec prothèses dentaires, de transmettre des recommandations de bon usage et de mises en gardes liées aux risques en cas d’utilisation excessive des pâtes dentaires adhésives contenant du zinc.