{"title":"Du serment d’Hippocrate antique au serment moderne : la posture éthique du médecin","authors":"P. Poingt","doi":"10.1016/j.etiqe.2024.04.001","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>Le serment d’Hippocrate dans sa dernière version qui date de 2012 paraît très éloigné de la version antique. Tous deux ont pourtant la même fonction : fonder la posture éthique du futur médecin. Or, dans la littérature, cet aspect est souvent secondarisé par rapport à la question déontologique. En s’appuyant sur une méthode philosophique, l’article vise à éclairer cette fonction proprement éthique du serment. À cet effet, l’analyse s’appuie tout d’abord sur la grille interprétative du philosophe Alasdair MacIntyre. Elle permet d’identifier les trois stades structurant la compréhension du serment antique : la pratique, l’ordre narratif d’une vie et une tradition morale. Mais, le jeune médecin qui prête serment aujourd’hui ne prétend ni s’engager à vie ni s’insérer dans un jeu de transmissions. Comme autrefois, la pratique dans laquelle le médecin s’engage constitue la posture éthique : elle consiste notamment en vertus et devoirs. Mais, le serment est aussi en lui-même une promesse. Ici, la pensée d’Hannah Arendt est mise à profit pour éclairer ces enjeux éthiques. Enfin, la puissance symbolique du serment, convoquant « <em>les lois de l’honneur</em> », n’incarne-t-elle pas les « <em>institutions justes</em> » que Paul Ricœur introduit dans sa définition de l’éthique ? Plutôt que de réduire le serment à un moment obligé d’un rituel, parfois perçu comme daté, l’article entend rendre accessibles les enseignements hippocratiques pour penser la notion d’engagement et son importance pour nous encore aujourd’hui.</p></div><div><p>The latest French version of Hippocratic oath (2012) seems far from the original, both fulfil the same function: to establish the ethical posture of medical practitioners. However, in the literature, ethics are often subordinate to deontology. Based on a philosophical approach, this article aims to shed light specifically on the oath's ethical functions. Therefore, the analysis draws on Alasdair MacIntyre's interpretative grid. It allows us to identify three stages, which structure the understanding of the oath: practice, the narrative order of a life and the moral tradition. But a young doctor taking the oath today does not necessarily intend a life-long commitment to the medical profession or to be part of its historical and cultural legacy. The practice to which they commit themselves is, as always, constitutive of their ethical posture and has implications in terms of virtues and duties, but the oath is also in itself a promise. Here, Hannah Arendt's thoughts are relevant to highlight these ethical challenges. Doesn’t the oath's powerful symbolism, calling as it does on the “<em>honour code</em>”, embody the “<em>just institutions</em>” introduced by Paul Ricœur in his definition of ethics? Instead of reducing the oath to an obligatory ritual, sometimes perceived as outdated, this article seeks to make accessible the Hippocratic teachings in order to think about the notion of commitment and its continuing relevance.</p></div>","PeriodicalId":72955,"journal":{"name":"Ethique & sante","volume":"21 3","pages":"Pages 196-204"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2024-05-29","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1765462924000370/pdfft?md5=952c99d8858cc65de681521455f292ec&pid=1-s2.0-S1765462924000370-main.pdf","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Ethique & sante","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1765462924000370","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Le serment d’Hippocrate dans sa dernière version qui date de 2012 paraît très éloigné de la version antique. Tous deux ont pourtant la même fonction : fonder la posture éthique du futur médecin. Or, dans la littérature, cet aspect est souvent secondarisé par rapport à la question déontologique. En s’appuyant sur une méthode philosophique, l’article vise à éclairer cette fonction proprement éthique du serment. À cet effet, l’analyse s’appuie tout d’abord sur la grille interprétative du philosophe Alasdair MacIntyre. Elle permet d’identifier les trois stades structurant la compréhension du serment antique : la pratique, l’ordre narratif d’une vie et une tradition morale. Mais, le jeune médecin qui prête serment aujourd’hui ne prétend ni s’engager à vie ni s’insérer dans un jeu de transmissions. Comme autrefois, la pratique dans laquelle le médecin s’engage constitue la posture éthique : elle consiste notamment en vertus et devoirs. Mais, le serment est aussi en lui-même une promesse. Ici, la pensée d’Hannah Arendt est mise à profit pour éclairer ces enjeux éthiques. Enfin, la puissance symbolique du serment, convoquant « les lois de l’honneur », n’incarne-t-elle pas les « institutions justes » que Paul Ricœur introduit dans sa définition de l’éthique ? Plutôt que de réduire le serment à un moment obligé d’un rituel, parfois perçu comme daté, l’article entend rendre accessibles les enseignements hippocratiques pour penser la notion d’engagement et son importance pour nous encore aujourd’hui.
The latest French version of Hippocratic oath (2012) seems far from the original, both fulfil the same function: to establish the ethical posture of medical practitioners. However, in the literature, ethics are often subordinate to deontology. Based on a philosophical approach, this article aims to shed light specifically on the oath's ethical functions. Therefore, the analysis draws on Alasdair MacIntyre's interpretative grid. It allows us to identify three stages, which structure the understanding of the oath: practice, the narrative order of a life and the moral tradition. But a young doctor taking the oath today does not necessarily intend a life-long commitment to the medical profession or to be part of its historical and cultural legacy. The practice to which they commit themselves is, as always, constitutive of their ethical posture and has implications in terms of virtues and duties, but the oath is also in itself a promise. Here, Hannah Arendt's thoughts are relevant to highlight these ethical challenges. Doesn’t the oath's powerful symbolism, calling as it does on the “honour code”, embody the “just institutions” introduced by Paul Ricœur in his definition of ethics? Instead of reducing the oath to an obligatory ritual, sometimes perceived as outdated, this article seeks to make accessible the Hippocratic teachings in order to think about the notion of commitment and its continuing relevance.