{"title":"Les concentrations toxicologiques sèment le trouble…","authors":"Alice Matheux , Agathe Pasquet , Stephanie Cavard , Cassandra Amadieu , Irène François-Purssell , Pascal Guerard","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.010","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Présentation du cas</h3><p>Les analyses toxicologiques accompagnent très souvent les autopsies et prennent une place conséquente dans les conclusions du décès. Pour autant, elles ne sont pas toujours à suivre aveuglement. Nous présentons ici le cas de Monsieur X., 33 ans, atteint de schizophrénie et de déficience intellectuelle majeure et décédé lors d’une hospitalisation dans une unité psychiatrique fermée. Le patient a été décrit par l’équipe infirmière comme conscient et ne présentant pas de vomissements, quelques heures avant son décès. S’étant plaint, le matin de son décès, de douleurs abdominales, le patient avait reçu du « DIFFU-K », une antalgie par paracétamol et phloroglucinol, ainsi que son traitement journalier habituel, dont des laxatifs à posologie maximale. Monsieur X n’a pas bénéficié d’imagerie ou d’un transfert au centre hospitalier le plus proche. Monsieur X. est retrouvé en arrêt cardiorespiratoire en début de soirée, et décèdera malgré les tentatives de réanimation. Un obstacle médicolégal est posé et une autopsie est réalisée.</p></div><div><h3>Objectif</h3><p>L’objectif de ce travail est de montrer l’importance de la communication entre experts en toxicologie et en médecine légale.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Après autopsie et recueil de sang cardiaque, sang périphérique, bile et contenu gastrique, les experts de médecine légale et de toxicologie ont confronté leurs résultats.</p></div><div><h3>Résultat</h3><p>Les résultats toxicologiques montraient des concentrations sanguines potentiellement toxiques et mortelles pour l’amisulpride, clozapine, tropatépine, des concentrations suprathérapeutiques pour la loxapine, et des concentrations thérapeutiques pour le diazépam, paracétamol et zuclopenthixol. À l’autopsie et l’examen externe, l’implication d’un tiers dans le processus du décès a pu être écartée. L’examen externe retrouvait des signes de putréfaction débutant sur la face antérieure de l’abdomen, une cyanose unguéale et digitale bilatérale, et des écoulements buccaux et nasaux de liquide gastrique brunâtre et noirâtre, comparables à des vomissements fécaloïdes. L’autopsie a permis de mettre en évidence un important syndrome occlusif bas (1<!--> <!-->m de stase stercorale à partir de l’anus), associé à une colectasie mesurée au maximum à 12<!--> <!-->cm, à une dilatation grêlique et à des signes d’ischémie de la paroi digestive. De plus, un épanchement pleural bilatéral et péritonéal citrin de faibles abondances, ont été mis en évidence. 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C’est donc la non maîtrise sur plusieurs jours des effets indésirables des psychotropes, conduisant à une constipation majeure, qui est la cause principale du décès.</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>L’apport des techniques de pointe servant pour les dosages pharmaco-toxicologiques est un progrès indéniable, permettant une analyse sensible et précise des concentrations sanguines des xénobiotiques. Elles demeurent cependant un examen complémentaire de l’autopsie faite par le médecin légiste. Le toxicologue et le médecin légiste doivent donc interpréter ensemble ces données toxicologiques en prenant en compte tous les facteurs ayant conduit au décès pour éviter le risque de conclusion erronée.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-05-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824000325","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Présentation du cas
Les analyses toxicologiques accompagnent très souvent les autopsies et prennent une place conséquente dans les conclusions du décès. Pour autant, elles ne sont pas toujours à suivre aveuglement. Nous présentons ici le cas de Monsieur X., 33 ans, atteint de schizophrénie et de déficience intellectuelle majeure et décédé lors d’une hospitalisation dans une unité psychiatrique fermée. Le patient a été décrit par l’équipe infirmière comme conscient et ne présentant pas de vomissements, quelques heures avant son décès. S’étant plaint, le matin de son décès, de douleurs abdominales, le patient avait reçu du « DIFFU-K », une antalgie par paracétamol et phloroglucinol, ainsi que son traitement journalier habituel, dont des laxatifs à posologie maximale. Monsieur X n’a pas bénéficié d’imagerie ou d’un transfert au centre hospitalier le plus proche. Monsieur X. est retrouvé en arrêt cardiorespiratoire en début de soirée, et décèdera malgré les tentatives de réanimation. Un obstacle médicolégal est posé et une autopsie est réalisée.
Objectif
L’objectif de ce travail est de montrer l’importance de la communication entre experts en toxicologie et en médecine légale.
Méthode
Après autopsie et recueil de sang cardiaque, sang périphérique, bile et contenu gastrique, les experts de médecine légale et de toxicologie ont confronté leurs résultats.
Résultat
Les résultats toxicologiques montraient des concentrations sanguines potentiellement toxiques et mortelles pour l’amisulpride, clozapine, tropatépine, des concentrations suprathérapeutiques pour la loxapine, et des concentrations thérapeutiques pour le diazépam, paracétamol et zuclopenthixol. À l’autopsie et l’examen externe, l’implication d’un tiers dans le processus du décès a pu être écartée. L’examen externe retrouvait des signes de putréfaction débutant sur la face antérieure de l’abdomen, une cyanose unguéale et digitale bilatérale, et des écoulements buccaux et nasaux de liquide gastrique brunâtre et noirâtre, comparables à des vomissements fécaloïdes. L’autopsie a permis de mettre en évidence un important syndrome occlusif bas (1 m de stase stercorale à partir de l’anus), associé à une colectasie mesurée au maximum à 12 cm, à une dilatation grêlique et à des signes d’ischémie de la paroi digestive. De plus, un épanchement pleural bilatéral et péritonéal citrin de faibles abondances, ont été mis en évidence. Ces éléments ont permis de conclure à un décès d’origine médical, par choc hypovolémique, suite à des vomissements à un syndrome occlusif et de la constitution d’un troisième secteur digestif.
Discussion
La prescription de neuroleptiques en association, encore plus à haute dose, est encore pratique courante en service de psychiatrie, bien que hors AMM. Elle est souvent motivée par le phénomène de tolérance qui peut s’installer chez des patients traités depuis des années. Ces médicaments ont des effets indésirables souvent graves nécessitant une surveillance régulière. Il est tentant, lors d’un décès, de conclure à une cause toxique lorsque les concentrations sanguines retrouvées sont décrites comme potentiellement mortelles dans la littérature. Mais la confrontation de la toxicologie à l’autopsie et aux circonstances du décès peut amener à une conclusion différente. En effet, les doses médicamenteuses étaient bien tolérées par ce patient. C’est donc la non maîtrise sur plusieurs jours des effets indésirables des psychotropes, conduisant à une constipation majeure, qui est la cause principale du décès.
Conclusion
L’apport des techniques de pointe servant pour les dosages pharmaco-toxicologiques est un progrès indéniable, permettant une analyse sensible et précise des concentrations sanguines des xénobiotiques. Elles demeurent cependant un examen complémentaire de l’autopsie faite par le médecin légiste. Le toxicologue et le médecin légiste doivent donc interpréter ensemble ces données toxicologiques en prenant en compte tous les facteurs ayant conduit au décès pour éviter le risque de conclusion erronée.