Johan Thiery , Audrey Fresse , Amélie Daveluy , Elisabeth Frauger , Emilie Jouanjus , Nathalie Fouilhé Sam-Laï , Pierre Gillet , Valérie Gibaja , French Addictovigilance Network
{"title":"Addictovigilance du fentanyl transmuqueux : mésusage, abus et dépendance","authors":"Johan Thiery , Audrey Fresse , Amélie Daveluy , Elisabeth Frauger , Emilie Jouanjus , Nathalie Fouilhé Sam-Laï , Pierre Gillet , Valérie Gibaja , French Addictovigilance Network","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.017","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>En France, le premier fentanyl transmuqueux (FTM) a été commercialisé en 2002. À ce jour, l’ensemble des FTM a une seule et unique indication, le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients adultes atteints d’un cancer recevant déjà un traitement de fond opioïde pour les douleurs chroniques d’origine cancéreuse. Depuis 2009, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé a mis en place une surveillance de ces spécialités en raison des risques identifiés comme l’utilisation hors AMM, le risque d’abus et/ou dépendance, l’usage détourné ou le surdosage (Eiden et al. Eur J Clin Pharmacol 2017;73(9):1195-1196.). Nous présentons ici les données actualisées du dernier rapport d’addictovigilance concernant cette molécule.</p></div><div><h3>Méthodes</h3><p>Analyse des données sur la période 2019 à 2022 concernant les spécialités de FTM (princeps et génériques) commercialisées en France :</p><p>– les cas de mésusage et d’abus et/ou dépendance déclarés aux réseaux français d’addictovigilance et de pharmacovigilance par les patients ou les professionnels de santé,</p><p>– les données des enquêtes pharmaco-épidémiologiques spécifiques du réseau français d’addictovigilance qui s’intéressent notamment aux modalités de prescription des antalgiques opioïdes (ASOS), aux substances consommées par les patients suivis dans les structures de prise en charge en addictologie (OPPIDUM), aux médicaments cités dans les ordonnances suspectes (OSIAP) mais aussi aux décès en lien avec la prise de substances (DRAMES et DTA).</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Sur cette période, 139 cas relevant de l’addictovigilance ont été analysés : 50,4 % des cas sont graves et 51 % des cas rapportent une problématique d’abus et de dépendance. Les femmes sont davantage concernées que les hommes (59 vs. 38 %) et l’âge médian est de 51 ans. Dans 2/3 des cas on retrouve une prescription hors pathologie cancéreuse, principalement pour des douleurs rhumatologiques, et dans près d’1/3 des cas (31 %) le traitement de fond est soit absent soit insuffisant. Lorsque la spécialité du prescripteur est connue (dans 24 % des cas), il s’agit très majoritairement de médecins généralistes (85 %). Des antécédents psychiatriques et/ou d’abus sont mentionnés respectivement dans 17 et 23 % des cas. Les antécédents d’abus concernent principalement des médicaments, en particulier des antalgiques opioïdes.</p><p>Concernant les enquêtes pharmaco-épidémiologiques spécifiques d’addictovigilance, l’enquête ASOS rapporte également un taux de prescription hors AMM important, néanmoins en diminution depuis 2021 (81 % en 2019 et 56 % en 2022). Dans l’enquête OPPIDUM le FTM est peu cité (2 à 5 sujets par an) mais sa consommation se fait dans le cadre d’une dépendance dans 85 % des cas. Les ordonnances suspectes comportant du FTM sont peu fréquentes (1 à 5 par an) mais il s’agit très fréquemment de falsifications et également d’ordonnances volées. Enfin, les enquêtes DRAMES et DTA rapportent plusieurs décès (3 à 5 par an pour chacune des enquêtes) où le fentanyl est trouvé dans les analyses toxicologiques dont 5, sur la période d’étude, où la forme transmuqueuse est précisée.</p></div><div><h3>Discussion-Conclusion</h3><p>La problématique d’une prescription hors AMM (hors cancer et/ou sans traitement de fond opioïde) persiste de manière importante parmi les cas relevant de l’addictovigilance et peut être à l’origine d’abus et/ou de dépendance et/ou de surdosage (Tournebize<!--> <!-->J. et al. Therapies 2020;75(5): 491-502). Il s’avère nécessaire de poursuivre l’information et la formation sur les risques du FTM et de rappeler l’intérêt de son bon usage aux professionnels de santé.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-05-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824000398","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectifs
En France, le premier fentanyl transmuqueux (FTM) a été commercialisé en 2002. À ce jour, l’ensemble des FTM a une seule et unique indication, le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients adultes atteints d’un cancer recevant déjà un traitement de fond opioïde pour les douleurs chroniques d’origine cancéreuse. Depuis 2009, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé a mis en place une surveillance de ces spécialités en raison des risques identifiés comme l’utilisation hors AMM, le risque d’abus et/ou dépendance, l’usage détourné ou le surdosage (Eiden et al. Eur J Clin Pharmacol 2017;73(9):1195-1196.). Nous présentons ici les données actualisées du dernier rapport d’addictovigilance concernant cette molécule.
Méthodes
Analyse des données sur la période 2019 à 2022 concernant les spécialités de FTM (princeps et génériques) commercialisées en France :
– les cas de mésusage et d’abus et/ou dépendance déclarés aux réseaux français d’addictovigilance et de pharmacovigilance par les patients ou les professionnels de santé,
– les données des enquêtes pharmaco-épidémiologiques spécifiques du réseau français d’addictovigilance qui s’intéressent notamment aux modalités de prescription des antalgiques opioïdes (ASOS), aux substances consommées par les patients suivis dans les structures de prise en charge en addictologie (OPPIDUM), aux médicaments cités dans les ordonnances suspectes (OSIAP) mais aussi aux décès en lien avec la prise de substances (DRAMES et DTA).
Résultats
Sur cette période, 139 cas relevant de l’addictovigilance ont été analysés : 50,4 % des cas sont graves et 51 % des cas rapportent une problématique d’abus et de dépendance. Les femmes sont davantage concernées que les hommes (59 vs. 38 %) et l’âge médian est de 51 ans. Dans 2/3 des cas on retrouve une prescription hors pathologie cancéreuse, principalement pour des douleurs rhumatologiques, et dans près d’1/3 des cas (31 %) le traitement de fond est soit absent soit insuffisant. Lorsque la spécialité du prescripteur est connue (dans 24 % des cas), il s’agit très majoritairement de médecins généralistes (85 %). Des antécédents psychiatriques et/ou d’abus sont mentionnés respectivement dans 17 et 23 % des cas. Les antécédents d’abus concernent principalement des médicaments, en particulier des antalgiques opioïdes.
Concernant les enquêtes pharmaco-épidémiologiques spécifiques d’addictovigilance, l’enquête ASOS rapporte également un taux de prescription hors AMM important, néanmoins en diminution depuis 2021 (81 % en 2019 et 56 % en 2022). Dans l’enquête OPPIDUM le FTM est peu cité (2 à 5 sujets par an) mais sa consommation se fait dans le cadre d’une dépendance dans 85 % des cas. Les ordonnances suspectes comportant du FTM sont peu fréquentes (1 à 5 par an) mais il s’agit très fréquemment de falsifications et également d’ordonnances volées. Enfin, les enquêtes DRAMES et DTA rapportent plusieurs décès (3 à 5 par an pour chacune des enquêtes) où le fentanyl est trouvé dans les analyses toxicologiques dont 5, sur la période d’étude, où la forme transmuqueuse est précisée.
Discussion-Conclusion
La problématique d’une prescription hors AMM (hors cancer et/ou sans traitement de fond opioïde) persiste de manière importante parmi les cas relevant de l’addictovigilance et peut être à l’origine d’abus et/ou de dépendance et/ou de surdosage (Tournebize J. et al. Therapies 2020;75(5): 491-502). Il s’avère nécessaire de poursuivre l’information et la formation sur les risques du FTM et de rappeler l’intérêt de son bon usage aux professionnels de santé.