Véronique Dumestre-Toulet , Jean-Michel Gaulier , Sandrine Brault , Alexandr Gish , Florian Hakim , Corentin Grenier , Edouard Carles , Lilia Hamza , Laurence Labat , Pascal Houze
{"title":"Décès par ingestion de sels de nitrite : concentrations tissulaires de nitrites et de nitrates dans des prélèvements post-mortem dans 2 cas récents","authors":"Véronique Dumestre-Toulet , Jean-Michel Gaulier , Sandrine Brault , Alexandr Gish , Florian Hakim , Corentin Grenier , Edouard Carles , Lilia Hamza , Laurence Labat , Pascal Houze","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.035","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>En raison de leur facilité d’acquisition sur Internet, les « kits suicides » à base de sels de nitrites sont responsables d’un nombre croissant d’autolyses dont de nombreux cas sont rapportés dans la littérature. La mise en évidence analytique des nitrites, qui se dégradent rapidement en nitrates dans les prélèvements d’autopsie, est cependant difficile. Nous présentons ici 2 cas récents où les nitrites et/ou nitrates ont été identifiés et quantifiés dans le sang mais également dans d’autres tissus post-mortem : 2 jeunes femmes retrouvées décédées au domicile en 2023, dans un contexte probable d’autolyses, avec des sels de nitrite de sodium à proximité des corps.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Une autopsie et des prélèvements pour analyses toxicologiques ont été requises par la justice dans les deux cas. Les analyses ont été effectuées par les techniques habituelles de chaque laboratoire (Bordeaux et Lille) dans le cadre d’une expertise toxicologique de référence. La recherche et la quantification des ions nitrites et nitrates a été effectuée par électrophorèse capillaire avec détection UV inverse (Paris).</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Cas#1 : l’autopsie a mis en évidence un tableau d’asphyxie prononcé avec une cyanose marquée ainsi qu’une coloration brune du sang et des viscères. Les nitrites et nitrates ont été respectivement identifiés et quantifiés dans les prélèvements de sang (<<!--> <!-->10 et 100<!--> <!-->mg/L), de contenu gastrique (33 100 et 1240<!--> <!-->mg/L), de cœur (0,23 et 0,06<!--> <!-->mg/kg), de foie (0,22 et 0,04<!--> <!-->mg/kg), de rein (1,37 et 0,01<!--> <!-->mg/kg), de cerveau (2 et 0,03<!--> <!-->mg/kg) et de poumon (0,14 et 0,11<!--> <!-->mg/kg) ainsi que dans le contenu du gobelet bu par la victime et un écouvillon buccal confirmant une ingestion orale. Du paracétamol, du phloroglucinol (antispasmodique) et du métoclopramide (antiémétique) ont également été identifiés dans le sang de la victime.</p><p>Cas#2 : Les constatations autopsiques étaient similaires à celles du cas#1, et les nitrites et nitrates ont été également identifiés dans les prélèvements de sang (780 et 2200<!--> <!-->mg/L), de contenu gastrique (17 200 et 430<!--> <!-->mg/L) et de foie (50 et 90<!--> <!-->mg/kg). 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Forensic Sci Med Pathol 2021;17:475-480). Toutefois, il n’existe pas de données publiées pour les autres tissus dans un cadre d’autolyse.</p><p>Il s’agit à notre connaissance des premières données tissulaires complètes concernant les concentrations de nitrites et de nitrates retrouvées dans des cas de décès (probables autolyses). Ces cas soulignent la recrudescence de ce phénomène récent et inquiétant mais également l’importance de la collaboration entre les toxicologues analystes pour la mise en œuvre de techniques telles que l’électrophorèse capillaire, non disponibles dans la plupart des laboratoires, afin de les documenter.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":"36 2","pages":"Page S27"},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-05-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235200782400057X","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectifs
En raison de leur facilité d’acquisition sur Internet, les « kits suicides » à base de sels de nitrites sont responsables d’un nombre croissant d’autolyses dont de nombreux cas sont rapportés dans la littérature. La mise en évidence analytique des nitrites, qui se dégradent rapidement en nitrates dans les prélèvements d’autopsie, est cependant difficile. Nous présentons ici 2 cas récents où les nitrites et/ou nitrates ont été identifiés et quantifiés dans le sang mais également dans d’autres tissus post-mortem : 2 jeunes femmes retrouvées décédées au domicile en 2023, dans un contexte probable d’autolyses, avec des sels de nitrite de sodium à proximité des corps.
Méthode
Une autopsie et des prélèvements pour analyses toxicologiques ont été requises par la justice dans les deux cas. Les analyses ont été effectuées par les techniques habituelles de chaque laboratoire (Bordeaux et Lille) dans le cadre d’une expertise toxicologique de référence. La recherche et la quantification des ions nitrites et nitrates a été effectuée par électrophorèse capillaire avec détection UV inverse (Paris).
Résultats
Cas#1 : l’autopsie a mis en évidence un tableau d’asphyxie prononcé avec une cyanose marquée ainsi qu’une coloration brune du sang et des viscères. Les nitrites et nitrates ont été respectivement identifiés et quantifiés dans les prélèvements de sang (< 10 et 100 mg/L), de contenu gastrique (33 100 et 1240 mg/L), de cœur (0,23 et 0,06 mg/kg), de foie (0,22 et 0,04 mg/kg), de rein (1,37 et 0,01 mg/kg), de cerveau (2 et 0,03 mg/kg) et de poumon (0,14 et 0,11 mg/kg) ainsi que dans le contenu du gobelet bu par la victime et un écouvillon buccal confirmant une ingestion orale. Du paracétamol, du phloroglucinol (antispasmodique) et du métoclopramide (antiémétique) ont également été identifiés dans le sang de la victime.
Cas#2 : Les constatations autopsiques étaient similaires à celles du cas#1, et les nitrites et nitrates ont été également identifiés dans les prélèvements de sang (780 et 2200 mg/L), de contenu gastrique (17 200 et 430 mg/L) et de foie (50 et 90 mg/kg). De l’hydroxy-9-rispéridone (neuroleptique antipsychotique) a également été quantifiée dans le sang (73 μg/L).
Conclusion
Plusieurs études récentes indiquent une multiplication des autolyses avec des sels de nitrites à partir de 2017 (Tournoud C. et al. Toxicol Anal Clin 2021;33:S23) en particulier avec des « kits suicides » achetés sur Internet (André C. et al. Toxicol Anal Clin 2023;35:242-248). Les concentrations en nitrites et nitrates sont rarement mesurées. Une seule publication rapporte l’électrophorèse capillaire comme technique d’identification directe de ces ions (Gottardo R. et al. Toxicol Anal Clin 2022;34:S26). Les concentrations sanguines rapportées pour les nitrites et les nitrates sont inférieures à 374 et 1300 mg/L, respectivement (Hikin L.J. et al. Forensic Sci Int 2023;345:111610) et de l’ordre de 11 200 et 138 mg/L dans le contenu gastrique, respectivement (Hwang C. et al. Forensic Sci Med Pathol 2021;17:475-480). Toutefois, il n’existe pas de données publiées pour les autres tissus dans un cadre d’autolyse.
Il s’agit à notre connaissance des premières données tissulaires complètes concernant les concentrations de nitrites et de nitrates retrouvées dans des cas de décès (probables autolyses). Ces cas soulignent la recrudescence de ce phénomène récent et inquiétant mais également l’importance de la collaboration entre les toxicologues analystes pour la mise en œuvre de techniques telles que l’électrophorèse capillaire, non disponibles dans la plupart des laboratoires, afin de les documenter.