Pauline Thiebot , Romain Magny , Theo Willeman , Coralie Boudin , Hélène Eysseric , Bruno Megarbane , Laurence Labat
{"title":"Première toxicocinétique de l’hexahydrocannabinol dans le cas d’une intoxication sévère","authors":"Pauline Thiebot , Romain Magny , Theo Willeman , Coralie Boudin , Hélène Eysseric , Bruno Megarbane , Laurence Labat","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.067","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>L’hexahydrocannabinol (HHC) est un cannabinoïde semi-synthétique, forme réduite du Δ9-THC. Sa consommation, souvent sous forme de e-cigarette ou puff, est responsable de tableaux cliniques sévères, ayant mené à sa classification comme stupéfiant et à l’interdiction de sa commercialisation en France en juin 2023. A ce jour, le métabolisme du HHC chez l’homme est très peu décrit. Nous présentons ici un cas d’intoxication sévère au HHC, pour lequel une exploration du métabolisme a été réalisée dans plusieurs matrices biologiques.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Un homme de 36 ans (80<!--> <!-->kg, 160<!--> <!-->cm), sans antécédents médicaux notable, consommateur chronique de cigarette et de HHC en e-cigarette au quotidien, présente une crise tonico-clonique généralisée avec perte d’urine et hypersialorrhée peu après être sorti fumer sur son balcon. À l’arrivée du SAMU moins de 30<!--> <!-->min post-crise, le patient est comateux. Il reçoit une dose de clonazépam et est mis sous oxygène avant son transfert en Réanimation.</p><p>Son bilan biologique initial indique une acidose métabolique sévère (pH 6,8, lactates 19<!--> <!-->mM), une cytolyse hépatique à 6<!--> <!-->N et une créatinine à 152<!--> <!-->μM. Les bilans toxicologiques sanguins et urinaires à l’arrivée ne retrouvent que des molécules administrées par le SAMU. Le dépistage immunochimique de la forme carboxylée du cannabis est positif. Des prélèvements pour exploration toxicologique sont réalisés : 17 prélèvements de plasma sur 15<!--> <!-->jours, du LCR 13<!--> <!-->h après la crise, et les urines à l’admission, à J2 et J5. Les produits suspects consommés sont rapporté à l’hôpital par la femme du patient (6 e-cigarettes différentes et des caramels). Le patient est traité de façon symptomatique, son évolution est favorable malgré une rhabdomyolyse importante (CPK 160000 UI/L) et il est transféré en médecine interne après 15<!--> <!-->jours de réanimation.</p><p>Un screening par LC-HRMS (Q Exactive, Thermo Scientific) est réalisé sur les produits consommés et les prélèvements biologiques selon la méthode du laboratoire (Magny et al, Metabolites 2023;13:353).</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>L’analyse des produits consommés permet l’identification de CBD dans les caramels et 3 e-cigarettes, et de HHC dans 4 e-cigarettes. Dans le plasma, à l’admission, le patient présentait 11<!--> <!-->ng/mL de HHC plasmatique, 22<!--> <!-->ng/mL de HHC-COOH et des traces de CBD-COOH à 1<!--> <!-->ng/mL. Cinq autres métabolites de phases 1 et 2 du HHC ont été identifiés : HHC-OH, HHC-Glucuronide, HHC-OH-Glucuronide, HHC-COOH-Glucuronide, et HHC-COOH-OH-Glucuronide. Leurs concentrations plasmatiques augmentent jusqu’à 48<!--> <!-->h post admission avant de plafonner 48<!--> <!-->h puis diminuer. À J15, tous ces métabolites sont détectables dans le plasma. Seul du HHC-COOH a été identifié dans le LCR, à l’état de traces (<<!--> <!-->1<!--> <!-->ng/mL). Dans les urines, les mêmes métabolites que dans le plasma ont été identifiés, avec en majorité du HHC-COOH-Glucuronide.</p><p>Aucun autre cannabinoïde n’a été retrouvé dans les différentes matrices et dans les produits saisis.</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Nous rapportons ici le cas d’une intoxication grave au HHC chez un consommateur chronique. À notre connaissance, aucune intoxication au HHC n’a permis de décrire le métabolisme in vivo de cette molécule en identifiant les métabolites plasmatiques. L’analyse toxicologique réalisée a permis l’identification de 6 métabolites du HHC, dont 4 de phase 2. Le métabolite majoritaire identifié, HHC-COOH-Glucuronide dans les urines, indique une similitude de métabolisme par rapport au Δ9-THC. Les métabolites du HHC positivent en outre le dépistage immunochimique du THC-COOH urinaire. La présence des métabolites à J15 post-intoxication chez ce patient obèse pose la question d’un possible relargage chronique de HHC à partir du tissu adipeux, comme décrit pour le Δ9-THC.</p><p>Ce cas permet une première description de la cinétique du HHC et de ses métabolites dans différentes matrices biologiques.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-05-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824000891","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
引用次数: 0
Abstract
Objectifs
L’hexahydrocannabinol (HHC) est un cannabinoïde semi-synthétique, forme réduite du Δ9-THC. Sa consommation, souvent sous forme de e-cigarette ou puff, est responsable de tableaux cliniques sévères, ayant mené à sa classification comme stupéfiant et à l’interdiction de sa commercialisation en France en juin 2023. A ce jour, le métabolisme du HHC chez l’homme est très peu décrit. Nous présentons ici un cas d’intoxication sévère au HHC, pour lequel une exploration du métabolisme a été réalisée dans plusieurs matrices biologiques.
Méthode
Un homme de 36 ans (80 kg, 160 cm), sans antécédents médicaux notable, consommateur chronique de cigarette et de HHC en e-cigarette au quotidien, présente une crise tonico-clonique généralisée avec perte d’urine et hypersialorrhée peu après être sorti fumer sur son balcon. À l’arrivée du SAMU moins de 30 min post-crise, le patient est comateux. Il reçoit une dose de clonazépam et est mis sous oxygène avant son transfert en Réanimation.
Son bilan biologique initial indique une acidose métabolique sévère (pH 6,8, lactates 19 mM), une cytolyse hépatique à 6 N et une créatinine à 152 μM. Les bilans toxicologiques sanguins et urinaires à l’arrivée ne retrouvent que des molécules administrées par le SAMU. Le dépistage immunochimique de la forme carboxylée du cannabis est positif. Des prélèvements pour exploration toxicologique sont réalisés : 17 prélèvements de plasma sur 15 jours, du LCR 13 h après la crise, et les urines à l’admission, à J2 et J5. Les produits suspects consommés sont rapporté à l’hôpital par la femme du patient (6 e-cigarettes différentes et des caramels). Le patient est traité de façon symptomatique, son évolution est favorable malgré une rhabdomyolyse importante (CPK 160000 UI/L) et il est transféré en médecine interne après 15 jours de réanimation.
Un screening par LC-HRMS (Q Exactive, Thermo Scientific) est réalisé sur les produits consommés et les prélèvements biologiques selon la méthode du laboratoire (Magny et al, Metabolites 2023;13:353).
Résultats
L’analyse des produits consommés permet l’identification de CBD dans les caramels et 3 e-cigarettes, et de HHC dans 4 e-cigarettes. Dans le plasma, à l’admission, le patient présentait 11 ng/mL de HHC plasmatique, 22 ng/mL de HHC-COOH et des traces de CBD-COOH à 1 ng/mL. Cinq autres métabolites de phases 1 et 2 du HHC ont été identifiés : HHC-OH, HHC-Glucuronide, HHC-OH-Glucuronide, HHC-COOH-Glucuronide, et HHC-COOH-OH-Glucuronide. Leurs concentrations plasmatiques augmentent jusqu’à 48 h post admission avant de plafonner 48 h puis diminuer. À J15, tous ces métabolites sont détectables dans le plasma. Seul du HHC-COOH a été identifié dans le LCR, à l’état de traces (< 1 ng/mL). Dans les urines, les mêmes métabolites que dans le plasma ont été identifiés, avec en majorité du HHC-COOH-Glucuronide.
Aucun autre cannabinoïde n’a été retrouvé dans les différentes matrices et dans les produits saisis.
Conclusion
Nous rapportons ici le cas d’une intoxication grave au HHC chez un consommateur chronique. À notre connaissance, aucune intoxication au HHC n’a permis de décrire le métabolisme in vivo de cette molécule en identifiant les métabolites plasmatiques. L’analyse toxicologique réalisée a permis l’identification de 6 métabolites du HHC, dont 4 de phase 2. Le métabolite majoritaire identifié, HHC-COOH-Glucuronide dans les urines, indique une similitude de métabolisme par rapport au Δ9-THC. Les métabolites du HHC positivent en outre le dépistage immunochimique du THC-COOH urinaire. La présence des métabolites à J15 post-intoxication chez ce patient obèse pose la question d’un possible relargage chronique de HHC à partir du tissu adipeux, comme décrit pour le Δ9-THC.
Ce cas permet une première description de la cinétique du HHC et de ses métabolites dans différentes matrices biologiques.