{"title":"Utilisation de micro-prélèvements volumétriques dans une situation d’autopsie : à propos d’un cas d’intoxication à la 5-methoxy-dimethyltryptamine","authors":"Laurène Dufayet , Laurence Labat , Romain Magny , Céline Deguette , Marjorie Chèze , Bertrand Ludes , Pascal Houzé","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.028","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>Évaluer le principe de l’utilisation de micro-prélèvements volumétriques au cours d’une autopsie médico-judiciaire.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Un homme de 67 ans est retrouvé mort à Paris, au décours d’une séance de chamanisme avec consommation de substances psychoactives. Une autopsie médico-légale sur réquisition judiciaire est pratiquée 28<!--> <!-->heures après le décès à l’Institut Médico-Légal de Paris. Elle mettait en évidence un décès lié à une défaillance cardiopulmonaire avec un œdème pulmonaire et une congestion poly-viscérale dont l’origine toxique devait être recherchée, dans un contexte de coronaropathie sans lésion myocardique. Après accord du Parquet, différentes matrices incluant du sang cardiaque et périphérique, de l’urine, de l’humeur vitrée, de la bile ainsi que du liquide céphalo-rachidien (LCR) et pleural sont collectés lors de l’autopsie de façon conventionnelle et directement sur des systèmes Mitra® de 20<!--> <!-->μL. Les échantillons sont stockés à 4<!--> <!-->°C avant analyse. Par ailleurs et sur réquisition judiciaire, les prélèvements sanguins et urinaires sont envoyés à un laboratoire expert.</p><p>Les extractions sont conduites selon des procédures préalablement décrites (Magny et al. Metabolites, 2022, 12(7):665, Houzé et al. Molecules, 2023, 28(8):3466). Le volume de prise d’essai pour chaque matrice est de 100<!--> <!-->μL pour les prélèvements conventionnels et équivaut à 4<!--> <!-->μL pour ceux effectués sur Mitra®, soit 1/5 du volume total prélevé. Les extraits sont analysés en chromatographie liquide couplée à de la spectrométrie de masse haute résolution (LC-HRMS) et les données sont retraitées par réseaux moléculaires. L’expertise toxicologique de référence est réalisée sur les prélèvement sanguins et urinaires.</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Les screenings toxicologiques réalisées sur l’ensemble des prélèvements y compris sur Mitra® ont permis la détection de 5-méthoxy-diméthyltryptamine (5-MeO-DMT). La bufoténine, métabolite issu de la O-déméthylation de la 5-MeO-DMT, a également pu être identifiée dans le sang cardiaque et périphérique, dans l’urine, dans le LCR et dans le liquide pleural. Les métabolites de phase II glucuronoconjugués de la 5-MeO-DMT et de la bufoténine ont été détectés dans les urines prélevées de façon conventionnelle et sur Mitra®. Au total, cinq métabolites de la 5-MeO-DMT ont pu être identifiés sur les prélèvements conventionnels et sur Mitra®. Les analyses conduites sur les prélèvements sanguins et urinaires par le laboratoire expert ont également retrouvé de la 5-MeO-DMT. Les concentrations sont mesurées à 146<!--> <!-->ng/mL dans le sang cardiaque, 17<!--> <!-->ng/mL dans les urines et inférieure à 5<!--> <!-->ng/mL dans le sang périphérique.</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Les analyses réalisées sur les prélèvements conventionnels et sur Mitra® ont permis d’identifier de la 5-MeO-DMT dont l’imputabilité dans l’origine du décès semble probable. La demi-vie très courte de la 5-MeO-DMT est cohérente avec une concentration dans le sang périphérique inférieure à la limite de quantification. L’identification de nombreux métabolites dont la bufoténine qui possède des propriétés psychoactives confirme la consommation de 5-MeO-DMT et renforce son imputabilité comme cause de la mort. Nos analyses suggèrent la consommation de 5-MeO-DMT par voie inhalée et non per os en raison de sa détection ainsi que de certains métabolites dans le liquide pleural et de l’absence d’identification de béta-carbolines, indispensables pour inhiber la formation de métabolites inactifs de la 5-MeO-DMT au niveau stomacal.</p><p>L’utilisation de systèmes de micro-prélèvements a déjà prouvé son intérêt dans le screening toxicologique en clinique (Houzé et al. Molecules 2023;28(8):3466) et dans le domaine médicolégale (Gaulier et al. ToxAc 2023;35(2):S25). Ce cas illustre la possibilité d’utiliser ces micro-prélèvements pour l’identification de nouvelles drogues de synthèse même à l’état de traces. 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Abstract
Objectifs
Évaluer le principe de l’utilisation de micro-prélèvements volumétriques au cours d’une autopsie médico-judiciaire.
Méthode
Un homme de 67 ans est retrouvé mort à Paris, au décours d’une séance de chamanisme avec consommation de substances psychoactives. Une autopsie médico-légale sur réquisition judiciaire est pratiquée 28 heures après le décès à l’Institut Médico-Légal de Paris. Elle mettait en évidence un décès lié à une défaillance cardiopulmonaire avec un œdème pulmonaire et une congestion poly-viscérale dont l’origine toxique devait être recherchée, dans un contexte de coronaropathie sans lésion myocardique. Après accord du Parquet, différentes matrices incluant du sang cardiaque et périphérique, de l’urine, de l’humeur vitrée, de la bile ainsi que du liquide céphalo-rachidien (LCR) et pleural sont collectés lors de l’autopsie de façon conventionnelle et directement sur des systèmes Mitra® de 20 μL. Les échantillons sont stockés à 4 °C avant analyse. Par ailleurs et sur réquisition judiciaire, les prélèvements sanguins et urinaires sont envoyés à un laboratoire expert.
Les extractions sont conduites selon des procédures préalablement décrites (Magny et al. Metabolites, 2022, 12(7):665, Houzé et al. Molecules, 2023, 28(8):3466). Le volume de prise d’essai pour chaque matrice est de 100 μL pour les prélèvements conventionnels et équivaut à 4 μL pour ceux effectués sur Mitra®, soit 1/5 du volume total prélevé. Les extraits sont analysés en chromatographie liquide couplée à de la spectrométrie de masse haute résolution (LC-HRMS) et les données sont retraitées par réseaux moléculaires. L’expertise toxicologique de référence est réalisée sur les prélèvement sanguins et urinaires.
Résultats
Les screenings toxicologiques réalisées sur l’ensemble des prélèvements y compris sur Mitra® ont permis la détection de 5-méthoxy-diméthyltryptamine (5-MeO-DMT). La bufoténine, métabolite issu de la O-déméthylation de la 5-MeO-DMT, a également pu être identifiée dans le sang cardiaque et périphérique, dans l’urine, dans le LCR et dans le liquide pleural. Les métabolites de phase II glucuronoconjugués de la 5-MeO-DMT et de la bufoténine ont été détectés dans les urines prélevées de façon conventionnelle et sur Mitra®. Au total, cinq métabolites de la 5-MeO-DMT ont pu être identifiés sur les prélèvements conventionnels et sur Mitra®. Les analyses conduites sur les prélèvements sanguins et urinaires par le laboratoire expert ont également retrouvé de la 5-MeO-DMT. Les concentrations sont mesurées à 146 ng/mL dans le sang cardiaque, 17 ng/mL dans les urines et inférieure à 5 ng/mL dans le sang périphérique.
Conclusion
Les analyses réalisées sur les prélèvements conventionnels et sur Mitra® ont permis d’identifier de la 5-MeO-DMT dont l’imputabilité dans l’origine du décès semble probable. La demi-vie très courte de la 5-MeO-DMT est cohérente avec une concentration dans le sang périphérique inférieure à la limite de quantification. L’identification de nombreux métabolites dont la bufoténine qui possède des propriétés psychoactives confirme la consommation de 5-MeO-DMT et renforce son imputabilité comme cause de la mort. Nos analyses suggèrent la consommation de 5-MeO-DMT par voie inhalée et non per os en raison de sa détection ainsi que de certains métabolites dans le liquide pleural et de l’absence d’identification de béta-carbolines, indispensables pour inhiber la formation de métabolites inactifs de la 5-MeO-DMT au niveau stomacal.
L’utilisation de systèmes de micro-prélèvements a déjà prouvé son intérêt dans le screening toxicologique en clinique (Houzé et al. Molecules 2023;28(8):3466) et dans le domaine médicolégale (Gaulier et al. ToxAc 2023;35(2):S25). Ce cas illustre la possibilité d’utiliser ces micro-prélèvements pour l’identification de nouvelles drogues de synthèse même à l’état de traces. Il confirme la possibilité pour le médecin légiste de réaliser ce type de prélèvements au cours d’une autopsie médico-légale.