Antoine Petitcollin, Camille Dubertrand, Constance Almeida, Adeline Achard
{"title":"Caractérisation toxicologique de 24 produits enthéogènes issus d’une saisie chez une chamane","authors":"Antoine Petitcollin, Camille Dubertrand, Constance Almeida, Adeline Achard","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.034","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>L’utilisation de substances enthéogènes lors de rites chamaniques, religieux, et autres rites de passage est très ancienne et retrouvée dans le monde entier, dans de nombreuses cultures. Aujourd’hui, notamment dans les pays industrialisés, leur usage est bien moins répandu, hormis quelques exceptions récentes comme la consommation de venin de crapaud-buffle dans le sud-ouest des États-Unis, popularisée par Mike Tyson. Nous rapportons ici le cas rare de l’analyse de 24 scellés issus d’une unique saisie chez une personne se décrivant comme une chamane.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Les produits saisis se présentaient sous des formes variées : graines, feuilles, écorce, poudres, cristaux, fragments végétaux, champignons séchés, et 3 cactus vivants, dans une jardinière. Certains étaient identifiés par des noms de genre et d’espèce, d’autres par des dénominations non scientifiques, et quelques-uns n’étaient pas identifiés. Après une première observation macroscopique d’orientation, les analyses ont consisté en une extraction méthanolique pour réalisation de criblages, puis une extraction appropriée aux propriétés physicochimiques des substances identifiées pour détermination de la teneur en substances psychoactives exprimée en % (m/m). Les analyses ont été réalisées par LC-MS/MS.</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Vingt-cinq pourcent des échantillons portaient une identification scientifique, 55 % une identification non scientifique et 20 % n’étaient pas identifiés. Les identifications non scientifiques étaient des dénominations traditionnelles ou fantaisistes. Les substances identifiées pouvaient être regroupées en grandes catégories : plantes à alcaloïdes tropaniques, plantes et animaux à triptamines, plantes à harmanes, champignons hallucinogènes, cactus à mescaline, chanvre, coca, sauge divinatoire, iboga, convolvulacées hallucinogènes, autres substances non hallucinogènes. Des teneurs de 0,02 à 0,08 % en atropine ont été mesurées dans la racine de mandragore (Mandragora officinarum) et les graines de Datura stramonium et Datura senegal). Nous avons identifié la 5-MeO-DMT dans de la poudre et des cristaux vraisemblablement issus de venin de crapaud pour une teneur moyenne de 7,7 %, avec de faibles teneurs de 5-OH-DMT (bufoténine, <<!--> <!-->0,06 %) et de dimethyl-triptamine (DMT, 0,008 %). La bufoténine a été retrouvée à des teneurs de 10,5 à 8,6 % dans les graines et racines broyées d’Anadenathera columbrina, respectivement. La DMT était présente à un taux de 1,5 % dans une écorce que nous avons identifiée comme pouvant être du Mimosa hostilis. La harmine et la harmaline étaient retrouvées à des teneurs de 2,1 et 3,9 %, respectivement, dans une poudre de Peganum harmala. La psilocine et la psilocybine étaient retrouvées à 0,03 et 0,9 %, respectivement, dans une poudre et à 0,2 et 0,5 %, respectivement, dans des champignons séchés entiers dont l’aspect évoquait le genre Psilocybe. Les chapeaux séchés d’Amanita muscaria contenaient 0,002 % d’acide iboténique et 0,046 % de muscimol. Le cactus Lophophora wiliamsii frais contenait 0,2 % de mescaline. Les autres substances comprenaient les alcaloïdes de la coca identifiés dans des feuilles entières, des phytocannabinoïdes dans des inflorescences de chanvre, de la salvinorine A (0,25 %) dans des feuilles entières de Salvia divinorum, de l’ibogaïne (1,8 % en moyenne) dans des poudres de Tabernanthe iboga, du LSA dans une poudre de Turbina corymbosa, et de la nicotine dans une poudre de Nicotiana rustica. Deux poudres supplémentaires ne contenaient aucun produit psychoactif (encens).</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>L’analyse de ces échantillons a permis la caractérisation de l’ensemble des produits ; conformément à la demande du magistrat, il a pu être établi lesquels relevaient de la législation des stupéfiants. De façon intéressante, les plantes à harmanes entrant dans la composition de l’ayahuasca sont classées comme stupéfiants, malgré le fait qu’elles ne présentent pas, consommées seules, d’effets psychoactifs. La majorité des classes d’enthéogènes naturels connus était représentée ce panel de substances. Cette saisie inhabituelle a abouti au développement d’une technique de criblage dédiée aux enthéogènes naturels en LC-MS/MS.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-05-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824000568","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
引用次数: 0
Abstract
Objectifs
L’utilisation de substances enthéogènes lors de rites chamaniques, religieux, et autres rites de passage est très ancienne et retrouvée dans le monde entier, dans de nombreuses cultures. Aujourd’hui, notamment dans les pays industrialisés, leur usage est bien moins répandu, hormis quelques exceptions récentes comme la consommation de venin de crapaud-buffle dans le sud-ouest des États-Unis, popularisée par Mike Tyson. Nous rapportons ici le cas rare de l’analyse de 24 scellés issus d’une unique saisie chez une personne se décrivant comme une chamane.
Méthode
Les produits saisis se présentaient sous des formes variées : graines, feuilles, écorce, poudres, cristaux, fragments végétaux, champignons séchés, et 3 cactus vivants, dans une jardinière. Certains étaient identifiés par des noms de genre et d’espèce, d’autres par des dénominations non scientifiques, et quelques-uns n’étaient pas identifiés. Après une première observation macroscopique d’orientation, les analyses ont consisté en une extraction méthanolique pour réalisation de criblages, puis une extraction appropriée aux propriétés physicochimiques des substances identifiées pour détermination de la teneur en substances psychoactives exprimée en % (m/m). Les analyses ont été réalisées par LC-MS/MS.
Résultats
Vingt-cinq pourcent des échantillons portaient une identification scientifique, 55 % une identification non scientifique et 20 % n’étaient pas identifiés. Les identifications non scientifiques étaient des dénominations traditionnelles ou fantaisistes. Les substances identifiées pouvaient être regroupées en grandes catégories : plantes à alcaloïdes tropaniques, plantes et animaux à triptamines, plantes à harmanes, champignons hallucinogènes, cactus à mescaline, chanvre, coca, sauge divinatoire, iboga, convolvulacées hallucinogènes, autres substances non hallucinogènes. Des teneurs de 0,02 à 0,08 % en atropine ont été mesurées dans la racine de mandragore (Mandragora officinarum) et les graines de Datura stramonium et Datura senegal). Nous avons identifié la 5-MeO-DMT dans de la poudre et des cristaux vraisemblablement issus de venin de crapaud pour une teneur moyenne de 7,7 %, avec de faibles teneurs de 5-OH-DMT (bufoténine, < 0,06 %) et de dimethyl-triptamine (DMT, 0,008 %). La bufoténine a été retrouvée à des teneurs de 10,5 à 8,6 % dans les graines et racines broyées d’Anadenathera columbrina, respectivement. La DMT était présente à un taux de 1,5 % dans une écorce que nous avons identifiée comme pouvant être du Mimosa hostilis. La harmine et la harmaline étaient retrouvées à des teneurs de 2,1 et 3,9 %, respectivement, dans une poudre de Peganum harmala. La psilocine et la psilocybine étaient retrouvées à 0,03 et 0,9 %, respectivement, dans une poudre et à 0,2 et 0,5 %, respectivement, dans des champignons séchés entiers dont l’aspect évoquait le genre Psilocybe. Les chapeaux séchés d’Amanita muscaria contenaient 0,002 % d’acide iboténique et 0,046 % de muscimol. Le cactus Lophophora wiliamsii frais contenait 0,2 % de mescaline. Les autres substances comprenaient les alcaloïdes de la coca identifiés dans des feuilles entières, des phytocannabinoïdes dans des inflorescences de chanvre, de la salvinorine A (0,25 %) dans des feuilles entières de Salvia divinorum, de l’ibogaïne (1,8 % en moyenne) dans des poudres de Tabernanthe iboga, du LSA dans une poudre de Turbina corymbosa, et de la nicotine dans une poudre de Nicotiana rustica. Deux poudres supplémentaires ne contenaient aucun produit psychoactif (encens).
Conclusion
L’analyse de ces échantillons a permis la caractérisation de l’ensemble des produits ; conformément à la demande du magistrat, il a pu être établi lesquels relevaient de la législation des stupéfiants. De façon intéressante, les plantes à harmanes entrant dans la composition de l’ayahuasca sont classées comme stupéfiants, malgré le fait qu’elles ne présentent pas, consommées seules, d’effets psychoactifs. La majorité des classes d’enthéogènes naturels connus était représentée ce panel de substances. Cette saisie inhabituelle a abouti au développement d’une technique de criblage dédiée aux enthéogènes naturels en LC-MS/MS.