Intoxication à l’atropine : empoisonnement par autrui ou affabulation ?

IF 1.8 Q4 TOXICOLOGY
Pascal Houzé , Magny Romain , Isabelle Malissin , Alice Ameline , Benoit Bardèche-Tristam , Lucie Chevillard , Nouzha Djebrani Oussedik , Pascal Kintz , Bruno Mégarbane , Laurence Labat
{"title":"Intoxication à l’atropine : empoisonnement par autrui ou affabulation ?","authors":"Pascal Houzé ,&nbsp;Magny Romain ,&nbsp;Isabelle Malissin ,&nbsp;Alice Ameline ,&nbsp;Benoit Bardèche-Tristam ,&nbsp;Lucie Chevillard ,&nbsp;Nouzha Djebrani Oussedik ,&nbsp;Pascal Kintz ,&nbsp;Bruno Mégarbane ,&nbsp;Laurence Labat","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.064","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>Essayer de préciser la nature, l’origine et le contexte d’un syndrome anticholinergique.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Sur son lieu de travail, une femme de 54 ans, sans antécédent connu, se prépare dans son propre mug un café à un distributeur collectif. Pour aller chercher des dossiers, elle laisse le mug non consommé dans le bureau d’un collègue. A son retour, elle ingère la totalité du café en quelques minutes et ne note rien de particulier sauf dans les dernières gorgées qu’elle ressent comme étant acre et amer. Très rapidement, elle fait un malaise sans perte de connaissance, avec agitation et troubles de la vision. À l’arrivée des secours, la patiente déclare avoir été droguée. Transférée en Réanimation Médicale et Toxicologique, le bilan d’admission retrouve une fréquence cardiaque élevée (113<!--> <!-->bpm), une mydriase bilatérale aréactive, des mouvements stéréotypés des membres supérieurs, une muqueuse buccale sèche et une rétention aiguë d’urine. L’évolution est rapidement favorable, avec une sortie de réanimation à J<!--> <!-->+<!--> <!-->4. Deux mèches brunes de 12<!--> <!-->cm sont prélevées 6 semaines (M1) et 7 mois (M2) après les faits.</p><p>Les prélèvements plasmatiques (H0 à H<!--> <!-->+<!--> <!-->62), les urines (H0) et le résidu du café sont adressés au laboratoire de Toxicologie. 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La présence d’atropine et l’absence de scopolamine excluent explicitement une intoxication d’origine végétale et suggèrent implicitement une origine « pharmaceutique » par ajout au café d’atropine sous forme d’ampoule ou de collyre. L’analyse segmentaire des cheveux confirme l’exposition aiguë à l’atropine. Les concentrations mesurées dans le segment correspondant aux faits sont parmi les plus hautes jamais rapportées dans la littérature. Les concentrations élevées des segments adjacents peuvent s’expliquer par de la diffusion radiale (Kintz, Ther Drug Monit 2013;35:408). Les plus faibles concentrations d’atropine dans les autres segments sont en faveur d’une exposition chronique à l’atropine (Ricard et al, Forensic Sci Int 2012;223(1-3):256-60) ou d’une contamination. 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Abstract

Objectifs

Essayer de préciser la nature, l’origine et le contexte d’un syndrome anticholinergique.

Méthode

Sur son lieu de travail, une femme de 54 ans, sans antécédent connu, se prépare dans son propre mug un café à un distributeur collectif. Pour aller chercher des dossiers, elle laisse le mug non consommé dans le bureau d’un collègue. A son retour, elle ingère la totalité du café en quelques minutes et ne note rien de particulier sauf dans les dernières gorgées qu’elle ressent comme étant acre et amer. Très rapidement, elle fait un malaise sans perte de connaissance, avec agitation et troubles de la vision. À l’arrivée des secours, la patiente déclare avoir été droguée. Transférée en Réanimation Médicale et Toxicologique, le bilan d’admission retrouve une fréquence cardiaque élevée (113 bpm), une mydriase bilatérale aréactive, des mouvements stéréotypés des membres supérieurs, une muqueuse buccale sèche et une rétention aiguë d’urine. L’évolution est rapidement favorable, avec une sortie de réanimation à J + 4. Deux mèches brunes de 12 cm sont prélevées 6 semaines (M1) et 7 mois (M2) après les faits.

Les prélèvements plasmatiques (H0 à H + 62), les urines (H0) et le résidu du café sont adressés au laboratoire de Toxicologie. Le bilan d’entrée est réalisé sur plasma et urines par méthodes immunochimiques et enzymatiques (AlinityTM, Abbott), complété par un screening et une quantification par LC-HR/MS (Q Exactive FocusTM, Thermo Scientific) en modes ciblé et non ciblé. Le résidu de café est analysé par LC-HR/MS. Après segmentation, la mèche de cheveux est analysée à Strasbourg selon le protocole du laboratoire (Kintz et al. J Anal Toxicol 2006;30(7):454-25).

Résultats

Sur le bilan d’entrée, tous les dépistages sont négatifs. Le screening ciblé sur les deux matrices retrouve de la caféine, de l’atropine mais pas de scopolamine. L’absence de scopolamine est confirmée par l’approche non ciblée qui permet l’identification de nombreux métabolites de l’atropine. Dans le café, seule l’atropine est identifiée à la concentration de 0,7 mg/mL. Les concentrations plasmatiques d’atropine sont comprises entre 40,6 ng/mL à H0 et inférieure à 1 ng/mL (limite de quantification) à H + 62, avec un pic plasmatique à 58,2 ng/mL (H + 4,5) et une demi-vie d’élimination de 5,7 heures. Pour M1, seuls 6 segments proximaux de 1 cm sont analysés, retrouvant de l’atropine à 122 pg/mg dans le segment correspondant aux faits, 76 et 80 pg/mg dans les segments adjacents et entre 9 à 15 pg/mg dans les segments distaux. L’analyse de M2 confirme les résultats de M1 avec un maximum à 134 pg/mg. Aucune autre molécule, dont la scopolamine n’a été identifiée dans les segments de cheveux analysés.

Conclusion

Les analyses ont identifié de l’atropine dans le résidu de café et dans toutes les matrices, avec une concentration plasmatique expliquant l’apparition d’un syndrome anticholinergique. La présence d’atropine et l’absence de scopolamine excluent explicitement une intoxication d’origine végétale et suggèrent implicitement une origine « pharmaceutique » par ajout au café d’atropine sous forme d’ampoule ou de collyre. L’analyse segmentaire des cheveux confirme l’exposition aiguë à l’atropine. Les concentrations mesurées dans le segment correspondant aux faits sont parmi les plus hautes jamais rapportées dans la littérature. Les concentrations élevées des segments adjacents peuvent s’expliquer par de la diffusion radiale (Kintz, Ther Drug Monit 2013;35:408). Les plus faibles concentrations d’atropine dans les autres segments sont en faveur d’une exposition chronique à l’atropine (Ricard et al, Forensic Sci Int 2012;223(1-3):256-60) ou d’une contamination. L’analyse de M2 confirme la distribution gaussienne de l’atropine centrée sur la période des faits compliquant l’interprétation car il est généralement admis que de nombreuses molécules ne sont plus détectables dans des cheveux au-delà de 6 mois.

阿托品中毒:他人投毒还是无中生有?
方法 一名 54 岁的女性,没有已知的抗胆碱能综合征病史,她用自己的杯子从公用自动售货机上准备了一杯咖啡。在去取文件的途中,她将未使用的杯子留在了同事的办公室。回来后,她在几分钟内喝光了整个杯子,除了最后几口觉得刺鼻和苦涩外,没有发现任何异常。之后不久,她感到晕眩,但没有失去知觉,情绪激动,视力模糊。急救人员赶到时,病人声称自己被下了药。转入医疗和毒理学重症监护室后,入院评估显示患者心率过高(113 bpm)、双侧瞳孔散大、上肢刻板动作、口腔粘膜干燥和急性尿潴留。结果很快好转,患者于第 4 天从重症监护室出院。在事件发生 6 周(M1)和 7 个月(M2)后,采集了两股 12 厘米长的棕色样本,并将血浆样本(H0 至 H+62)、尿液样本(H0)和咖啡残渣样本送至毒理学实验室。使用免疫化学和酶法(AlinityTM,雅培)对血浆和尿液进行了初步评估,并使用 LC-HR/MS(Q Exactive FocusTM,Thermo Scientific)以靶向和非靶向模式进行了筛选和定量分析。咖啡残渣采用 LC-HR/MS 进行分析。结果 所有筛选测试结果均为阴性。对两种基质进行定向筛选后发现了咖啡因和阿托品,但没有发现东莨菪碱。非靶向方法确认了不含东莨菪碱,并发现了多种阿托品代谢物。在咖啡中,只鉴定出浓度为 0.7 毫克/毫升的阿托品。血浆中的阿托品浓度从 H0 时的 40.6 纳克/毫升到 H+62 时的不足 1 纳克/毫升(定量限)不等,血浆峰值为 58.2 纳克/毫升(H+4.5),消除半衰期为 5.7 小时。对于 M1,只分析了 6 个 1 厘米的近端节段,发现阿托品在与事实相对应的节段为 122 皮克/毫克,在邻近节段为 76 和 80 皮克/毫克,在远端节段为 9 至 15 皮克/毫克。对 M2 的分析证实了 M1 的结果,其最大值为 134 pg/mg。分析结果表明,在咖啡残渣和所有基质中都发现了阿托品,其血浆浓度说明出现了抗胆碱能综合征。阿托品的存在和东莨菪碱的缺失明确排除了植物源中毒的可能性,同时也暗示了 "药物 "源,即在咖啡中添加了安瓿或滴眼液形式的阿托品。对毛发的分段分析证实了阿托品的急性接触。在与事实相对应的毛发中测得的浓度是文献中报道的最高浓度之一。相邻区段的高浓度可通过径向扩散来解释(Kintz,Ther Drug Monit 2013;35:408)。其他节段的阿托品浓度较低,这可能与长期接触阿托品(Ricard et al,Forensic Sci Int 2012;223(1-3):256-60)或污染有关。对 M2 的分析证实,阿托品的高斯分布以事件发生期为中心,这使得解释变得复杂,因为人们普遍认为,许多分子在 6 个月后就不再能在头发中检测到。
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