{"title":"La langue spéciale des poètes : l’oblitération du nom dans la poésie arabe médiévale","authors":"Hachem Foda","doi":"10.1163/15700585-12341622","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Résumé Cet article s’intéresse au phénomène linguistico-rhétorique massivement présent dans la poésie arabe médiévale, qui consiste à oblitérer un substantif pour le remplacer par une épithète. Après avoir analysé tel discours théorique de la tradition médiévale, portant sur ce procédé appelé <jats:italic>ṣifa li-mawṣūf maḥḏūf</jats:italic>, l’article examine les liens que celui-ci entretient avec ce que cette même tradition nomme <jats:italic>abyāt al-maʿānī</jats:italic>, ces vers abscons qui ne se laissent pas comprendre immédiatement et exigent d’être interprétés. Puis, en vue d’appréhender la spécificité de ce phénomène de l’oblitération du substantif et de rendre compte du privilège que lui confère sa remarquable récurrence dans le discours poétique, l’article tente de le situer dans le cadre plus général de l’<jats:italic>ilġāz</jats:italic>. À cette fin, il interroge quelques <jats:italic>ḫabar</jats:italic>s que rapporte Abū l-Faraǧ al-Iṣfahānī dans le <jats:italic>Kitāb al-Aġānī</jats:italic> (<jats:italic>Le livre des chansons</jats:italic>), qui témoignent du fait que l’oblitération du substantif constitue un facteur décisif parmi ceux qui permettent de se servir d’un vers de poésie en guise d’énigme ou de devinette, lors d’une sorte de jeu ou d’épreuve consistant à le soumettre au savoir et à la sagacité d’une ou plusieurs personnes, dans le but d’éprouver leur compétence en poésie. L’hypothèse qui guide ce travail est la suivante : la remarquable fréquence de l’oblitération du <jats:italic>mawṣūf</jats:italic> témoignerait de ceci au moins que dans la tradition arabe médiévale la poésie est conçue comme un discours où le locuteur évite de nommer, évite de mentionner le nom de ce dont il parle, pour en confier la mention à son destinataire (auditeur ou lecteur). Telle est la dimension essentiellement sibylline de la parole poétique. Sans se présenter toujours ni même souvent comme une énigme, cette parole est néanmoins structurée comme une énigme.","PeriodicalId":8163,"journal":{"name":"Arabica","volume":"13 5","pages":""},"PeriodicalIF":0.2000,"publicationDate":"2022-11-09","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Arabica","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1163/15700585-12341622","RegionNum":4,"RegionCategory":"哲学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q2","JCRName":"HISTORY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Résumé Cet article s’intéresse au phénomène linguistico-rhétorique massivement présent dans la poésie arabe médiévale, qui consiste à oblitérer un substantif pour le remplacer par une épithète. Après avoir analysé tel discours théorique de la tradition médiévale, portant sur ce procédé appelé ṣifa li-mawṣūf maḥḏūf, l’article examine les liens que celui-ci entretient avec ce que cette même tradition nomme abyāt al-maʿānī, ces vers abscons qui ne se laissent pas comprendre immédiatement et exigent d’être interprétés. Puis, en vue d’appréhender la spécificité de ce phénomène de l’oblitération du substantif et de rendre compte du privilège que lui confère sa remarquable récurrence dans le discours poétique, l’article tente de le situer dans le cadre plus général de l’ilġāz. À cette fin, il interroge quelques ḫabars que rapporte Abū l-Faraǧ al-Iṣfahānī dans le Kitāb al-Aġānī (Le livre des chansons), qui témoignent du fait que l’oblitération du substantif constitue un facteur décisif parmi ceux qui permettent de se servir d’un vers de poésie en guise d’énigme ou de devinette, lors d’une sorte de jeu ou d’épreuve consistant à le soumettre au savoir et à la sagacité d’une ou plusieurs personnes, dans le but d’éprouver leur compétence en poésie. L’hypothèse qui guide ce travail est la suivante : la remarquable fréquence de l’oblitération du mawṣūf témoignerait de ceci au moins que dans la tradition arabe médiévale la poésie est conçue comme un discours où le locuteur évite de nommer, évite de mentionner le nom de ce dont il parle, pour en confier la mention à son destinataire (auditeur ou lecteur). Telle est la dimension essentiellement sibylline de la parole poétique. Sans se présenter toujours ni même souvent comme une énigme, cette parole est néanmoins structurée comme une énigme.