{"title":"Le théâtre en Polynésie française: Bibliographie critique","authors":"Sylvie André","doi":"10.1353/nef.2023.a905929","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Le théâtre en Polynésie françaiseBibliographie critique Sylvie André Plutôt que le théâtre proprement dit, il apparaît plus opportun d’envisager les réalisations de la théâtralité en Polynésie française. En effet, la notion de théâtre telle que nous l’entendons en Europe correspond à peu de réalisations dans le Pays de la part d’écrivains confirmés. Il semble que l’on puisse rattacher la plupart des manifestations de théâtralité actuelles à une très ancienne institution, évoquée par les “découvreurs occidentaux” de la Polynésie française, la secte des Ariois. Intéressés par cette coutume, les premiers ethnographes William Ellis, J.A. Morenhout et Teuira Henry, n’en demeurent pas moins très circonspects lorsqu’ils la décrivent. Segalen dépeint une troupe itinérante de prêtres et de comédiens, participant activement aux cérémonies religieuses mais donnant aussi des spectacles profanes au ton licencieux et provocateur. On peut faire référence à cette tradition à propos du renouveau du ’Orero, pièce déclamatoire accompagnée d’une pantomime. À l’époque précoloniale, celui-ci était uniquement interprété à l’occasion de représentations collectives mêlant la musique, la danse, le chant, le récit et le mime. Ces sortes d’opéras/ballets ont d’ailleurs survécu jusqu’à nos jours et sont toujours joués pendant le Heiva ou Tiurai devant un public de connaisseurs, les meilleures œuvres étant récompensées par des prix. Cependant le ’Orero a maintenant pris son autonomie et fait même l’objet d’un enseignement dans les collèges du pays. Ces spectacles, ’Orero et œuvres du Heiva sont en reo mā’ohi et prennent généralement pour thème une légende polynésienne. L’utilisation récente d’un thème biblique a été fortement controversée. Par ailleurs, on peut avancer l’hypothèse que les représentations satiriques des Ariois sont à rapprocher de l’engouement suscité par une pièce comique écrite en reo mā’ohi par un membre de l’Académie tahitienne, Maco Tevane, dont le succès ne se dément pas: Mama Roro et Papa Penu. À l’appui de cette hypothèse on peut citer aussi la célébrité durable acquise par l’adaptation en reo mā’ohi du Bourgeois gentilhomme par John Mairai: Te Manu tāne. [End Page 155] Parallèlement à cette veine traditionnelle, un groupe de jeunes gens à l’origine d’une “renaissance culturelle” à Tahiti dans les années 1970, s’est inspiré de la forme occidentale du théâtre pour faire vivre la Maison de la Culture, créée à la même époque (1972), et dynamiser la vie culturelle. Cette entreprise a connu un coup d’arrêt dans les années 1980. En effet, leurs créations pouvaient apparaître subversives aux yeux du pouvoir politique. La mort avant l’heure d’un personnage charisma-tique, Henri Hiro, poète, dramaturge, réalisateur de films, homme engagé, a aussi contribué à mettre en sommeil une création théâtrale par ailleurs fortement dépen-dante des subventions des pouvoirs publics. Les réalisations se partageaient entre adaptations et créations, pour la plupart d’entre elles écrites en reo mā’ohi, pétition identitaire de principe certes mais qui en réduisait le public potentiel. Les œuvres ayant connu le plus de succès présentent d’intéressants exemples d’hybridité culturelle, y compris parfois linguistique, comme dans l’adaptation du Bourgeois gentilhomme par John Mairai ou la pièce de Maco Tevane. On peut évoquer aussi une adaptation de Macbeth de Shakespeare ou encore du Rhinocéros d’Eugène Ionesco, autant d’exemples de tentatives de rapprocher une culture venue d’Europe d’un public local, qui ont connu un succès d’estime. D’autres pièces, françaises celles-là, étaient montées avec les moyens du bord. On assiste de nos jours à un renouveau de la création théâtrale en reo mā’ohi, avec Valérie Gobrait notamment (qui accepte de traduire ses œuvres en français) ou...","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"26 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Nouvelles Études Francophones","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905929","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Le théâtre en Polynésie françaiseBibliographie critique Sylvie André Plutôt que le théâtre proprement dit, il apparaît plus opportun d’envisager les réalisations de la théâtralité en Polynésie française. En effet, la notion de théâtre telle que nous l’entendons en Europe correspond à peu de réalisations dans le Pays de la part d’écrivains confirmés. Il semble que l’on puisse rattacher la plupart des manifestations de théâtralité actuelles à une très ancienne institution, évoquée par les “découvreurs occidentaux” de la Polynésie française, la secte des Ariois. Intéressés par cette coutume, les premiers ethnographes William Ellis, J.A. Morenhout et Teuira Henry, n’en demeurent pas moins très circonspects lorsqu’ils la décrivent. Segalen dépeint une troupe itinérante de prêtres et de comédiens, participant activement aux cérémonies religieuses mais donnant aussi des spectacles profanes au ton licencieux et provocateur. On peut faire référence à cette tradition à propos du renouveau du ’Orero, pièce déclamatoire accompagnée d’une pantomime. À l’époque précoloniale, celui-ci était uniquement interprété à l’occasion de représentations collectives mêlant la musique, la danse, le chant, le récit et le mime. Ces sortes d’opéras/ballets ont d’ailleurs survécu jusqu’à nos jours et sont toujours joués pendant le Heiva ou Tiurai devant un public de connaisseurs, les meilleures œuvres étant récompensées par des prix. Cependant le ’Orero a maintenant pris son autonomie et fait même l’objet d’un enseignement dans les collèges du pays. Ces spectacles, ’Orero et œuvres du Heiva sont en reo mā’ohi et prennent généralement pour thème une légende polynésienne. L’utilisation récente d’un thème biblique a été fortement controversée. Par ailleurs, on peut avancer l’hypothèse que les représentations satiriques des Ariois sont à rapprocher de l’engouement suscité par une pièce comique écrite en reo mā’ohi par un membre de l’Académie tahitienne, Maco Tevane, dont le succès ne se dément pas: Mama Roro et Papa Penu. À l’appui de cette hypothèse on peut citer aussi la célébrité durable acquise par l’adaptation en reo mā’ohi du Bourgeois gentilhomme par John Mairai: Te Manu tāne. [End Page 155] Parallèlement à cette veine traditionnelle, un groupe de jeunes gens à l’origine d’une “renaissance culturelle” à Tahiti dans les années 1970, s’est inspiré de la forme occidentale du théâtre pour faire vivre la Maison de la Culture, créée à la même époque (1972), et dynamiser la vie culturelle. Cette entreprise a connu un coup d’arrêt dans les années 1980. En effet, leurs créations pouvaient apparaître subversives aux yeux du pouvoir politique. La mort avant l’heure d’un personnage charisma-tique, Henri Hiro, poète, dramaturge, réalisateur de films, homme engagé, a aussi contribué à mettre en sommeil une création théâtrale par ailleurs fortement dépen-dante des subventions des pouvoirs publics. Les réalisations se partageaient entre adaptations et créations, pour la plupart d’entre elles écrites en reo mā’ohi, pétition identitaire de principe certes mais qui en réduisait le public potentiel. Les œuvres ayant connu le plus de succès présentent d’intéressants exemples d’hybridité culturelle, y compris parfois linguistique, comme dans l’adaptation du Bourgeois gentilhomme par John Mairai ou la pièce de Maco Tevane. On peut évoquer aussi une adaptation de Macbeth de Shakespeare ou encore du Rhinocéros d’Eugène Ionesco, autant d’exemples de tentatives de rapprocher une culture venue d’Europe d’un public local, qui ont connu un succès d’estime. D’autres pièces, françaises celles-là, étaient montées avec les moyens du bord. On assiste de nos jours à un renouveau de la création théâtrale en reo mā’ohi, avec Valérie Gobrait notamment (qui accepte de traduire ses œuvres en français) ou...