Historique des travaux sur l'expertise

Abstract

1. Dans ses travaux sur les joueurs d’echecs et les calculateurs mentaux, Binet (1894) met en evidence le role des connaissances et des strategies. Etudiant l’apprentissage du morse, Bryan et Harter (1899) identifient l’importance de l’automatisation des composantes de l’expertise et proposent qu’il faille 10 ans de pratique pour devenir un expert. 2. Comparant des grands­maitres d’echecs de niveau mondial et de bons joueurs de club, De Groot (1946/1965) montre qu’il n’y a que peu de differences en ce qui concerne les caracteristiques structurelles de la resolution de probleme. Cependant, les grands­maitres voient souvent les bons coups tres rapidement, ce qui suggere que la perception joue un role important. 3. Simon effectue plusieurs travaux cruciaux sur l’expertise, dans plusieurs domaines tels que physique, economie et jeu d’echecs. Il montre que la rationalite est limitee et introduit la modelisation par ordinateur et l’idee de systeme de production pour etudier l’expertise (et la cognition en general). La theorie des chunks qu’il propose fait l’hypothese que, pour devenir un expert, il faut acquerir un grand nombre de chunks perceptifs, lesquels donnent un acces rapide a l’information enregistree en memoire a long terme. 4. Fitts decrit trois phases dans le developpement de l’expertise : la phase cognitive, la phase associative et la phase autonome. Au travers de ces phases, le comportement conscient devient automatique et les connaissances declaratives sont transformees en connaissances procedurales. En diagnostic clinique, Meehl montre que de simples modeles mathematiques obtiennent de meilleurs resultats que le jugement subjectif des experts. 5. Le secret de l’expertise reside non seulement dans la quantite de connaissances, mais egalement dans la maniere dont ces connaissances sont organisees. Les theories de Soar et ACT­R, toutes deux implementees sous forme de programmes d’ordinateurs, proposent que les connaissances des experts soient encodees sous forme de productions. 6. Certains chercheurs proposent que les connaissances des experts puissent etre implementees avec des reseaux de neurones. D’autres font l’hypothese que ces connaissances resident davantage dans l’environnement que dans la tete des experts. 7. Ericsson a propose trois theories influentes. La theorie de la « memoire habile » souligne l’importance de structures de retrait et se centre sur la memoire deliberee. La theorie de la pratique deliberee etudie le type de pratique necessaire, et peut­etre suffisante, pour obtenir de hauts niveaux d’expertise. La theorie de la memoire de travail a long terme est une theorie generale de l’expertise qui propose que les experts emploient une partie de leur memoire a long terme pour elargir la capacite de la memoire a court terme. 8. EPAM­IV et la theorie des chablons ameliorent la theorie des chunks. Ces deux theories sont realisees sous forme de programmes d’ordinateur, ce qui permet un degre de precision impossible pour les autres theories. Elles ont ete utilisees dans plusieurs domaines, y compris la memoire des chiffres, le jeu d’echecs, la physique et l’acquisition de la langue. 9. Des progres importants ont ete faits par les neurosciences depuis les annees 1990 en ce qui concerne notre comprehension des bases neurales de l’expertise. Les neurosciences promettent de reconcilier les traditions de recherche sur l’expertise et sur le talent.