{"title":"De l’utilité des mauvaises lectures : l’exemple de Don Quichotte","authors":"I. Daunais","doi":"10.58282/colloques.2221","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Il n'est pas aussi facile que le veut l'interpretation courante de determiner ce qui, dans le roman de Cervantes, constitue une « mauvaise lecture ». Sans doute le personnage de don Quichotte est-il un mauvais lecteur, qui confond les livres et la realite en pensant retrouver sur les routes de sa province les enchanteurs et les felons des romans de chevalerie. Meme en accordant a la folie du chevalier le plus haut degre possible de poesie et de beaute, comme l'ont fait les lecteurs du XIXe siecle romantique, on ne peut ignorer que cette poesie trouve sa source dans une erreur et que cette erreur ne saurait etre attribuee au contenu trompeur ou trop subtil de telle ou telle œuvre tombee entre les mains du pauvre Alonso Quixano. La « mauvaise lecture » est entierement du cote de don Quichotte : pour ce lecteur nostalgique du monde perdu de la chevalerie, c'est l'univers meme des livres qui se confond avec le monde reel, illusion que partagent les personnages les plus ostensiblement naifs du roman, comme la gouvernante, qui enjoint le cure venu dans la bibliotheque de son maitre pour y jeter au feu tous ces livres qui perturbent la raison du gentilhomme d'asperger au prealable la piece d'eau benite « de peur qu'il n'y ait quelqu'un de ce grand nombre d'enchanteurs qui sont ecrits en ces livres, et qu'il ne nous enchante pour la peine de celle que nous leur voulons faire en les chassant hors du monde1. »Mais le sujet est loin d'etre clos une fois prononcee cette evidence, que l'e","PeriodicalId":220171,"journal":{"name":"Les mauvaises lectures","volume":"38 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2013-10-28","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Les mauvaises lectures","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.58282/colloques.2221","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
引用次数: 0
Abstract
Il n'est pas aussi facile que le veut l'interpretation courante de determiner ce qui, dans le roman de Cervantes, constitue une « mauvaise lecture ». Sans doute le personnage de don Quichotte est-il un mauvais lecteur, qui confond les livres et la realite en pensant retrouver sur les routes de sa province les enchanteurs et les felons des romans de chevalerie. Meme en accordant a la folie du chevalier le plus haut degre possible de poesie et de beaute, comme l'ont fait les lecteurs du XIXe siecle romantique, on ne peut ignorer que cette poesie trouve sa source dans une erreur et que cette erreur ne saurait etre attribuee au contenu trompeur ou trop subtil de telle ou telle œuvre tombee entre les mains du pauvre Alonso Quixano. La « mauvaise lecture » est entierement du cote de don Quichotte : pour ce lecteur nostalgique du monde perdu de la chevalerie, c'est l'univers meme des livres qui se confond avec le monde reel, illusion que partagent les personnages les plus ostensiblement naifs du roman, comme la gouvernante, qui enjoint le cure venu dans la bibliotheque de son maitre pour y jeter au feu tous ces livres qui perturbent la raison du gentilhomme d'asperger au prealable la piece d'eau benite « de peur qu'il n'y ait quelqu'un de ce grand nombre d'enchanteurs qui sont ecrits en ces livres, et qu'il ne nous enchante pour la peine de celle que nous leur voulons faire en les chassant hors du monde1. »Mais le sujet est loin d'etre clos une fois prononcee cette evidence, que l'e