{"title":"Flourens lecteur de Darwin (ou de Clémence Royer ?) : à propos de son Examen du livre de M. Darwin sur l’origine des espèces (1864)","authors":"P. Duris","doi":"10.1515/9783110665833-005","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"L’Origine des espèces, l’œuvre maîtresse de Charles Darwin (1809–1882), paraît à Londres le 24 novembre 1859 et connaît aussitôt un immense succès. Dans son autobiographie, Darwin indique que les 1 250 exemplaires du premier tirage sont vendus le jour même de leur sortie ainsi que les 3 000 exemplaires de la deuxième édition publiée le 7 janvier 1860. En 1876, au moment où il consigne ces chiffres, 16 000 exemplaires de son livre avaient été vendus rien qu’en Angleterre. En quelque 500 pages, Darwin y expose pourtant une théorie qu’il juge luimême difficile et qu’il a mis vingt ans à élaborer à la suite de son voyage sur le Beagle. Elle repose sur un double constat. Celui d’abord d’une grande variabilité des organismes. Tous les êtres vivants, écrit Darwin, sont susceptibles de variations individuelles accidentelles sous l’influence des conditions extérieures dans lesquelles ils vivent, par exemple la qualité de leur nourriture ou les changements du climat, et aussi selon qu’ils utilisent beaucoup ou peu tel ou tel organe. À ce premier constat, Darwin en ajoute un second, celui de l’augmentation exponentielle du nombre des espèces à la surface de la terre, alors que les ressources alimentaires pour les nourrir n’augmentent que de manière arithmétique. Une telle situation entraîne nécessairement au quotidien une lutte pour la vie (« struggle for life ») à trois niveaux : d’abord une lutte interindividuelle, entre concurrents, au sein d’une même espèce ; ensuite une lutte interspécifique, avec des prédateurs ; enfin une lutte contre l’environnement. Dès lors, explique Darwin, quand on prend en compte ces deux constats, d’une part celui de la capacité naturelle indéfinie de variation des organismes, et d’autre part celui d’un combat incessant pour leur survie, il est presque sûr que certains individus vont présenter naturellement des variations qui vont les favoriser dans leur lutte pour l’existence, et","PeriodicalId":307391,"journal":{"name":"Littérature française et savoirs biologiques au XIXe siècle","volume":"144 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2019-11-18","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"1","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Littérature française et savoirs biologiques au XIXe siècle","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1515/9783110665833-005","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
L’Origine des espèces, l’œuvre maîtresse de Charles Darwin (1809–1882), paraît à Londres le 24 novembre 1859 et connaît aussitôt un immense succès. Dans son autobiographie, Darwin indique que les 1 250 exemplaires du premier tirage sont vendus le jour même de leur sortie ainsi que les 3 000 exemplaires de la deuxième édition publiée le 7 janvier 1860. En 1876, au moment où il consigne ces chiffres, 16 000 exemplaires de son livre avaient été vendus rien qu’en Angleterre. En quelque 500 pages, Darwin y expose pourtant une théorie qu’il juge luimême difficile et qu’il a mis vingt ans à élaborer à la suite de son voyage sur le Beagle. Elle repose sur un double constat. Celui d’abord d’une grande variabilité des organismes. Tous les êtres vivants, écrit Darwin, sont susceptibles de variations individuelles accidentelles sous l’influence des conditions extérieures dans lesquelles ils vivent, par exemple la qualité de leur nourriture ou les changements du climat, et aussi selon qu’ils utilisent beaucoup ou peu tel ou tel organe. À ce premier constat, Darwin en ajoute un second, celui de l’augmentation exponentielle du nombre des espèces à la surface de la terre, alors que les ressources alimentaires pour les nourrir n’augmentent que de manière arithmétique. Une telle situation entraîne nécessairement au quotidien une lutte pour la vie (« struggle for life ») à trois niveaux : d’abord une lutte interindividuelle, entre concurrents, au sein d’une même espèce ; ensuite une lutte interspécifique, avec des prédateurs ; enfin une lutte contre l’environnement. Dès lors, explique Darwin, quand on prend en compte ces deux constats, d’une part celui de la capacité naturelle indéfinie de variation des organismes, et d’autre part celui d’un combat incessant pour leur survie, il est presque sûr que certains individus vont présenter naturellement des variations qui vont les favoriser dans leur lutte pour l’existence, et