{"title":"监狱中的暴露与受阻人群的道德等级","authors":"C. Rostaing, Caroline Touraut","doi":"10.4000/CULTUREMUSEES.279","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Les actions artistiques et culturelles ne cessent de se developper ces dernieres annees en prison. A l’initiative d’artistes, d’associations culturelles, de bibliotheques, de troupes theâtrales ou de musees, elles s’appuient sur de nombreux supports (lecture, theâtre, arts plastiques, danse, ecriture, photographie, musique, video…) et prennent des formes tres diversifiees (expositions, ateliers, spectacles, conferences, films…). Dans les actions menees en prison, il ne s’agit pas de faire venir le public au musee mais bien d’aller a la rencontre des publics consideres a la fois comme materiellement « empeches » par l’incarceration d’y avoir acces et « eloignes » de la culture « cultivee » des categories sociales favorisees. Les detenus, issus majoritairement des categories les plus defavorisees, font partie des publics cibles, comme l’ont ete les classes populaires lors du deploiement de la politique culturelle en France (Dubois, 1999). Les musees, soumis aussi a d’importantes contraintes financieres, ont cherche a elargir leur public (Zolberg, 1983) et se sont engages dans un mouvement de democratisation culturelle, c'est-a-dire d’un acces plus large de tous a des œuvres culturelles. Comment se passe alors la rencontre entre deux mondes sociaux aussi differents. Sur quelles definitions des « publics » les actions museales en milieu carceral reposent-elles ? Les representations des personnels museaux, souvent eloignes du monde carceral, ne posent-elles pas un regard fragmentaire sur le public carceral ? \nC’est a partir d’une enquete ethnographique sur une action d’envergure initiee en 2010 par un musee de renommee internationale au sein d’un etablissement penitentiaire pour longues peines que seront interrogees les representations developpees par les concepteurs de ce projet sur la notion de publics. \nDans une perspective interactionniste qui prend en compte l’ensemble des relations sociales qui se sont tisses entre les multiples contributeurs a ce dispositif, nous etudierons dans quelle mesure la rencontre entre deux mondes aussi differents, le monde carceral et celui de l’art, permet l’ouverture reciproque des institutions. Nous analyserons comment elle redefinit les classifications - ces principes d'identification qui permettent aux personnes de se penser dans la societe et de penser le monde (Douglas, 1999) et necessite un travail d’ajustement incessant pour la realisation d’une telle action. En s’inspirant de la « hierarchie des credibilites » (Becker, 2006), nous analyserons ensuite en quoi elle est aussi susceptible de generer une hierarchisation des legitimites entre les publics , lorsque seuls certains publics deviennent la cible privilegiee des actions. 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Exposition en prison et hiérarchie morale des publics empêchés
Les actions artistiques et culturelles ne cessent de se developper ces dernieres annees en prison. A l’initiative d’artistes, d’associations culturelles, de bibliotheques, de troupes theâtrales ou de musees, elles s’appuient sur de nombreux supports (lecture, theâtre, arts plastiques, danse, ecriture, photographie, musique, video…) et prennent des formes tres diversifiees (expositions, ateliers, spectacles, conferences, films…). Dans les actions menees en prison, il ne s’agit pas de faire venir le public au musee mais bien d’aller a la rencontre des publics consideres a la fois comme materiellement « empeches » par l’incarceration d’y avoir acces et « eloignes » de la culture « cultivee » des categories sociales favorisees. Les detenus, issus majoritairement des categories les plus defavorisees, font partie des publics cibles, comme l’ont ete les classes populaires lors du deploiement de la politique culturelle en France (Dubois, 1999). Les musees, soumis aussi a d’importantes contraintes financieres, ont cherche a elargir leur public (Zolberg, 1983) et se sont engages dans un mouvement de democratisation culturelle, c'est-a-dire d’un acces plus large de tous a des œuvres culturelles. Comment se passe alors la rencontre entre deux mondes sociaux aussi differents. Sur quelles definitions des « publics » les actions museales en milieu carceral reposent-elles ? Les representations des personnels museaux, souvent eloignes du monde carceral, ne posent-elles pas un regard fragmentaire sur le public carceral ?
C’est a partir d’une enquete ethnographique sur une action d’envergure initiee en 2010 par un musee de renommee internationale au sein d’un etablissement penitentiaire pour longues peines que seront interrogees les representations developpees par les concepteurs de ce projet sur la notion de publics.
Dans une perspective interactionniste qui prend en compte l’ensemble des relations sociales qui se sont tisses entre les multiples contributeurs a ce dispositif, nous etudierons dans quelle mesure la rencontre entre deux mondes aussi differents, le monde carceral et celui de l’art, permet l’ouverture reciproque des institutions. Nous analyserons comment elle redefinit les classifications - ces principes d'identification qui permettent aux personnes de se penser dans la societe et de penser le monde (Douglas, 1999) et necessite un travail d’ajustement incessant pour la realisation d’une telle action. En s’inspirant de la « hierarchie des credibilites » (Becker, 2006), nous analyserons ensuite en quoi elle est aussi susceptible de generer une hierarchisation des legitimites entre les publics , lorsque seuls certains publics deviennent la cible privilegiee des actions. L’analyse des processus de construction de la notion de publics interroge sous un autre jour les porosites du mode carceral avec son environnement et permet de se demander si le developpement des activites culturelles en detention participe pleinement a une ouverture de la prison.