Innocence ou dissidence des Amants magnifiques de Molière?

Les Amants magnifiques, spectacle encomiastique total, serait-il à double entente? De par la présence de l’‘astrologue Anaxarque, dont la princesse Aristione est entêtée’, la pièce ressortit au cycle moliéresque de la dénonciation de l’imposture et n’est pas à ce titre dénuée de portée philosophique. Cependant, en raisonnant a contrario, son apparente innocence pourrait bien fournir les meilleurs indices de dissidence. Innocence du sujet, plaisamment galant, que le rationalisme du ‘général d’armée’ Sostrate n’entache nullement si on le rapporte à la tradition humaniste et sa prédilection pour Périclès. Innocence de sa poétique, puisque Molière semble faire concession entière à l’esthétique galante. Ce paravent d’innocence dissimule mal une scène centrale jumelle de celle de Dom Juan puisque s’y retrouve à l’œuvre le principe d’inférence sganarellien, en vertu duquel l’impiété de Sostrate se déduit de son aveu d’impiété en astrologie. Sostrate est impie en astrologie comme Dom Juan en médecine. Son caractère est probablement celui de l’impie tout court, impie dont le discours n’est galant que par défaut. L’astrologie participe de la mystification absolutiste. Pièce redoutable, car disposant au doute, Les Amants magnifiques sape subrepticement, à travers la démolition de l’astrologie, le dogme de la souveraineté absolutiste en lui déniant in fine toute transcendance.