Le triple défi de la réforme du marché européen de l’électricité

Au-delà du constat de l’impact considérable du prix du gaz sur celui de l’électricité, la crise liée à l’invasion de l’Ukraine a mis en évidence les effets transfrontaliers résultant du plafonnement du prix du gaz par certains pays et a conduit à interroger la manière dont l’Europe s’approvisionne en gaz. En effet, les mesures qui ont été prises dans l’urgence répondaient à la volonté d’empêcher la hausse brutale des factures des consommateurs et, en France du moins, de contenir l’inflation. Elles constituent néanmoins des subventions aux énergies fossiles, incompatibles avec l’objectif de décarbonation. Elles doivent donc être adaptées en privilégiant la maîtrise de la demande d’énergie, en remplaçant progressivement le bouclier tarifaire par des dispositifs plus incitatifs et plus ciblés et en coordonant les achats de gaz à l’échelle européenne. À moyen terme (2030), la décarbonation rend nécessaire une transformation radicale du secteur électrique européen, mais aussi français, compte tenu de l’augmentation des besoins en électricité et du vieillissement de notre parc électronucléaire. Or, si le marché journalier joue bien son rôle pour équilibrer offre et demande à court terme, il est défaillant pour assurer cette transformation pour trois raisons : le déficit structurel de rémunération de l’investissement décarboné dans le secteur électrique – aggravé par le niveau insuffisant du prix du carbone –, l’importance des risques technologiques associés et l’incertitude sur la demande. Outre la fixation à court terme d’un prix plancher du carbone, nous recommandons de créer un nouveau modèle d’affaires pour les technologies décarbonées. Il s’agit de revoir l’organisation du marché de l’électricité en développant le recours à des contrats de long terme : la rémunération des volumes produits est garantie en dehors du marché de gros et les gros acheteurs peuvent également jouer le rôle d’assureur via des contrats bilatéraux. Les fournisseurs devraient par ailleurs être astreints à des règles prudentielles et des obligations de couverture afin de mieux protéger les consommateurs en leur garantissant des tarifs sur une partie de leur consommation, tout en les incitant à flexibiliser leur demande.