不惜一切代价生或死

Georges Jovelet
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Revendication qui peut paraître étrange si l’on rappelle que mourir est le lot de notre condition d’être de langage, d’être et de se savoir mortel. L’autre propriété de tout humain est d’être animé, à son corps défendant, par la pulsion de mort, qui affecte les soignés tout autant que les soignants aux prises avec l’agressivité dans les pratiques. La représentation, l’appréhension de la mort nous accompagne tout au long de la vie. Une part notre activité a pour objet de se divertir avec B. Pascal ou de se détourner avec M. de Montaigne, de ce réel, de contrer l’angoisse de la mort et de l’au-delà. Dans une conception kantienne la vie est un bien unique, non échangeable, qui n’est pas une valeur marchande et à ce titre est supérieure à tout prix. La situation au regard du mourir est la résultante de l’évolution de nos sociétés démocratiques placées sous l’influence croissante de la science, du capitalisme et de l’individualisme. La médecine a effectué ces 75 dernières années des progrès dans les techniques de soin repoussant les limites du curable au prix d’un virage clinique qui néglige la subjectivité du patient. L’écart se creuse entre le désir du médecin et la réalité à laquelle il est confronté. Cette médecine toute puissante a un revers, celui de maintenir en vie, y compris de façon artificielle des malades chroniques placés sous machines sophistiquées, des sujets handicapés ou lourdement dépendants. L’espérance de vie s’accroît en créant une catégorie inédite de personnes de grand âge poly-pathologiques, institutionnalisées, parfois grabataires. 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Vivre ou mourir à tout prix
La revue dont le titre même invite à se projeter dans l’avenir ne pouvait se tenir à l’écart du débat concernant la fin de vie et de l’introduction prévisible, par le législateur, d’une aide active à mourir. L’enjeu éthique est majeur puisque la proposition de loi toucherait à l’interdit de donner la mort à autrui ou de la faciliter de manière conditionnelle. Le contexte est pour le moins paradoxal et non exempt d’ironie. Alors que les images de mort sont relayées en continu par les chaînes d’information que ce soit celles de guerres, de catastrophes climatiques, du terrorisme, de la noyade de migrants, nos concitoyens se sont emparés avec passion d’un nouveau sujet de société aux dimensions politiques, juridiques, médicales, économiques : le droit à mourir ! Revendication qui peut paraître étrange si l’on rappelle que mourir est le lot de notre condition d’être de langage, d’être et de se savoir mortel. L’autre propriété de tout humain est d’être animé, à son corps défendant, par la pulsion de mort, qui affecte les soignés tout autant que les soignants aux prises avec l’agressivité dans les pratiques. La représentation, l’appréhension de la mort nous accompagne tout au long de la vie. Une part notre activité a pour objet de se divertir avec B. Pascal ou de se détourner avec M. de Montaigne, de ce réel, de contrer l’angoisse de la mort et de l’au-delà. Dans une conception kantienne la vie est un bien unique, non échangeable, qui n’est pas une valeur marchande et à ce titre est supérieure à tout prix. La situation au regard du mourir est la résultante de l’évolution de nos sociétés démocratiques placées sous l’influence croissante de la science, du capitalisme et de l’individualisme. La médecine a effectué ces 75 dernières années des progrès dans les techniques de soin repoussant les limites du curable au prix d’un virage clinique qui néglige la subjectivité du patient. L’écart se creuse entre le désir du médecin et la réalité à laquelle il est confronté. Cette médecine toute puissante a un revers, celui de maintenir en vie, y compris de façon artificielle des malades chroniques placés sous machines sophistiquées, des sujets handicapés ou lourdement dépendants. L’espérance de vie s’accroît en créant une catégorie inédite de personnes de grand âge poly-pathologiques, institutionnalisées, parfois grabataires. Le vieillissement attendu de la population, la stagnation du nombre
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