{"title":"当幽灵醒来:雅典娜·拉克在棕榈大道试图驱魔奴隶制的幽灵","authors":"Valérie Croisille","doi":"10.4000/slaveries.2079","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Cet article porte sur Avenue of Palms (2013), roman de l’ecrivaine noire-americaine Athena Lark. Fiction bâtie sur des bases historiques, ce neo-recit d’esclave remonte aux racines de l’esclavage, decrivant l’enlevement sur le continent africain de l’heroine, Violet, les atrocites de la traversee du Middle Passage, et le quotidien d’esclave sur le sol americain. Puisant dans la culture litteraire noire americaine et affichant une richesse intertextuelle flagrante, le roman interroge les modalites de transmission, voire de revision de l’histoire, via le memorial, l’ecriture et l’histoire orale, pour prevenir l’amnesie collective et garantir la perpetuation de l’heritage. Il invite plus particulierement a une reflexion sur le lien entre litterature, histoire et patrimoine, a travers le choix d’un decor original : une plantation-musee. En effet, la plus grande partie de l’intrigue se deroule sur la plantation Kingsley, en Floride, lieu de sang et de larmes devenu lieu de memoire, que l’esprit de Violet revient hanter. Valorisant la tradition afro-americaine du quilting comme strategie de resistance et de liberation, ce recit alternatif met a l’honneur la culture noire americaine, tout en l’integrant a la civilisation occidentale. En tissant des liens entre fiction et reel, il mele histoire et Histoire, incorporant par exemple dans l’intrigue la rebellion sanglante de Nat Turner, et retracant les fuites epiques vers le nord tentees par l’heroine grâce a l’aide du reseau clandestin. Balancant entre Afrique et Amerique, entre le xixe siecle esclavagiste et le xxie siecle de Barack Obama, et suggerant l’existence d’une competition entre des discours historiques necessairement partiaux et partiels, Avenue of Palms favorise une anamnese collective, douloureuse mais inevitable. En quoi le roman peut-il se lire comme une empreinte commemorative de l’epoque de l’esclavage ? Que nous dit-il de la fiabilite des recits du passe esclavagiste, tels qu’ils sont proposes actuellement aux Etats-Unis ? Quelle recreation de l’histoire de l’esclavage proposent-ils ? Dans quelle mesure celle-ci permet-elle d’en exorciser les spectres, et de delivrer un corps (l’historiographie americaine, voire la nation americaine elle-meme) encore possede de ses demons – le mensonge, la deformation, la banalisation, voire l’oubli ?Cet article s’interesse d’abord a l’entrelacs forme par la fiction, la legende et les faits historiques, qui permet a la plume d’Athena Lark de redonner vie a une plantation de Floride des annees 1830. Dans un deuxieme temps, il montre comment le roman, en explorant divers « lieux de memoire », interroge les politiques memorielles menees au sujet de la periode de l’esclavage, notamment celles des plantations-musees du Sud des Etats-Unis. Il analyse enfin comment Lark se livre a une relecture et a une redistribution de l’histoire noire americaine, qui garantissent a la communaute noire une place en son centre nevralgique.","PeriodicalId":402021,"journal":{"name":"Esclavages & Post-esclavages","volume":"68 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2020-05-19","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Quand les fantômes se réveillent : tentatives d’exorcisme des spectres de l’esclavage dans Avenue of Palms d’Athena Lark\",\"authors\":\"Valérie Croisille\",\"doi\":\"10.4000/slaveries.2079\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Cet article porte sur Avenue of Palms (2013), roman de l’ecrivaine noire-americaine Athena Lark. 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Valorisant la tradition afro-americaine du quilting comme strategie de resistance et de liberation, ce recit alternatif met a l’honneur la culture noire americaine, tout en l’integrant a la civilisation occidentale. En tissant des liens entre fiction et reel, il mele histoire et Histoire, incorporant par exemple dans l’intrigue la rebellion sanglante de Nat Turner, et retracant les fuites epiques vers le nord tentees par l’heroine grâce a l’aide du reseau clandestin. Balancant entre Afrique et Amerique, entre le xixe siecle esclavagiste et le xxie siecle de Barack Obama, et suggerant l’existence d’une competition entre des discours historiques necessairement partiaux et partiels, Avenue of Palms favorise une anamnese collective, douloureuse mais inevitable. En quoi le roman peut-il se lire comme une empreinte commemorative de l’epoque de l’esclavage ? Que nous dit-il de la fiabilite des recits du passe esclavagiste, tels qu’ils sont proposes actuellement aux Etats-Unis ? Quelle recreation de l’histoire de l’esclavage proposent-ils ? Dans quelle mesure celle-ci permet-elle d’en exorciser les spectres, et de delivrer un corps (l’historiographie americaine, voire la nation americaine elle-meme) encore possede de ses demons – le mensonge, la deformation, la banalisation, voire l’oubli ?Cet article s’interesse d’abord a l’entrelacs forme par la fiction, la legende et les faits historiques, qui permet a la plume d’Athena Lark de redonner vie a une plantation de Floride des annees 1830. Dans un deuxieme temps, il montre comment le roman, en explorant divers « lieux de memoire », interroge les politiques memorielles menees au sujet de la periode de l’esclavage, notamment celles des plantations-musees du Sud des Etats-Unis. 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Quand les fantômes se réveillent : tentatives d’exorcisme des spectres de l’esclavage dans Avenue of Palms d’Athena Lark
Cet article porte sur Avenue of Palms (2013), roman de l’ecrivaine noire-americaine Athena Lark. Fiction bâtie sur des bases historiques, ce neo-recit d’esclave remonte aux racines de l’esclavage, decrivant l’enlevement sur le continent africain de l’heroine, Violet, les atrocites de la traversee du Middle Passage, et le quotidien d’esclave sur le sol americain. Puisant dans la culture litteraire noire americaine et affichant une richesse intertextuelle flagrante, le roman interroge les modalites de transmission, voire de revision de l’histoire, via le memorial, l’ecriture et l’histoire orale, pour prevenir l’amnesie collective et garantir la perpetuation de l’heritage. Il invite plus particulierement a une reflexion sur le lien entre litterature, histoire et patrimoine, a travers le choix d’un decor original : une plantation-musee. En effet, la plus grande partie de l’intrigue se deroule sur la plantation Kingsley, en Floride, lieu de sang et de larmes devenu lieu de memoire, que l’esprit de Violet revient hanter. Valorisant la tradition afro-americaine du quilting comme strategie de resistance et de liberation, ce recit alternatif met a l’honneur la culture noire americaine, tout en l’integrant a la civilisation occidentale. En tissant des liens entre fiction et reel, il mele histoire et Histoire, incorporant par exemple dans l’intrigue la rebellion sanglante de Nat Turner, et retracant les fuites epiques vers le nord tentees par l’heroine grâce a l’aide du reseau clandestin. Balancant entre Afrique et Amerique, entre le xixe siecle esclavagiste et le xxie siecle de Barack Obama, et suggerant l’existence d’une competition entre des discours historiques necessairement partiaux et partiels, Avenue of Palms favorise une anamnese collective, douloureuse mais inevitable. En quoi le roman peut-il se lire comme une empreinte commemorative de l’epoque de l’esclavage ? Que nous dit-il de la fiabilite des recits du passe esclavagiste, tels qu’ils sont proposes actuellement aux Etats-Unis ? Quelle recreation de l’histoire de l’esclavage proposent-ils ? Dans quelle mesure celle-ci permet-elle d’en exorciser les spectres, et de delivrer un corps (l’historiographie americaine, voire la nation americaine elle-meme) encore possede de ses demons – le mensonge, la deformation, la banalisation, voire l’oubli ?Cet article s’interesse d’abord a l’entrelacs forme par la fiction, la legende et les faits historiques, qui permet a la plume d’Athena Lark de redonner vie a une plantation de Floride des annees 1830. Dans un deuxieme temps, il montre comment le roman, en explorant divers « lieux de memoire », interroge les politiques memorielles menees au sujet de la periode de l’esclavage, notamment celles des plantations-musees du Sud des Etats-Unis. Il analyse enfin comment Lark se livre a une relecture et a une redistribution de l’histoire noire americaine, qui garantissent a la communaute noire une place en son centre nevralgique.