{"title":"S’inspirer des spirales","authors":"G. Didi-Huberman","doi":"10.30687/jolma/2723-9640/2021/01/003","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"C’est inspirant, une spirale. Plus encore lorsqu’il n’y en a pas qu’une : lorsque les spirales prolifèrent manifestent, extravaguent, cherchent l’ouverture. Cela émeut la pensée, l’excite, la met en mouvement – et jamais en ligne droite, bien sûr. Un enfant de deux ans et demi qui, par ailleurs, adore les bulles de savon (surtout quand elles sont nombreuses et de toutes tailles), prend un crayon à mine grasse et, sur une feuille de papier, fait tournoyer sa main : spirales désordonnées. Émotions graphiques. Les rires fusent à chaque tour. Comme c’est beau ! Cela revient toujours (répétition), mais ce n’est jamais pareil (différence). Cela explose de rythmes engendrés par un continu (une seule ligne pour de multiples tours) et cependant modulés, prenant des risques, dissemblables les uns des autres : amplitudes ici et, là, resserrements ; traits appuyés ou gestes relâchés ; espaces surpeuplés (plutôt au centre du vortex) ou bien libérés (plutôt sur les bords). C’est une véritable danse dont le papier va garder, comme sur un sismographe, le tracé. Le mouvement, de rotation, est sans doute très simple. Mais, par le seul fait qu’il se nuance, se surprend lui-même constamment – plus large ou plus resserré, plus appuyé ou plus léger –, le résultat sera complexe, potentiellement infini dans sa diversité. Tout un monde se crée à travers les innombrables modulations effectives de la main, affectives du regard. Tout un monde de formes que savait si bien décrire Henri Michaux :","PeriodicalId":436202,"journal":{"name":"2 | 1 | 2021\n Image/Images: A Debate Between Philosophy and Visual Studies","volume":"46 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2021-06-30","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"2 | 1 | 2021\n Image/Images: A Debate Between Philosophy and Visual Studies","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.30687/jolma/2723-9640/2021/01/003","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
C’est inspirant, une spirale. Plus encore lorsqu’il n’y en a pas qu’une : lorsque les spirales prolifèrent manifestent, extravaguent, cherchent l’ouverture. Cela émeut la pensée, l’excite, la met en mouvement – et jamais en ligne droite, bien sûr. Un enfant de deux ans et demi qui, par ailleurs, adore les bulles de savon (surtout quand elles sont nombreuses et de toutes tailles), prend un crayon à mine grasse et, sur une feuille de papier, fait tournoyer sa main : spirales désordonnées. Émotions graphiques. Les rires fusent à chaque tour. Comme c’est beau ! Cela revient toujours (répétition), mais ce n’est jamais pareil (différence). Cela explose de rythmes engendrés par un continu (une seule ligne pour de multiples tours) et cependant modulés, prenant des risques, dissemblables les uns des autres : amplitudes ici et, là, resserrements ; traits appuyés ou gestes relâchés ; espaces surpeuplés (plutôt au centre du vortex) ou bien libérés (plutôt sur les bords). C’est une véritable danse dont le papier va garder, comme sur un sismographe, le tracé. Le mouvement, de rotation, est sans doute très simple. Mais, par le seul fait qu’il se nuance, se surprend lui-même constamment – plus large ou plus resserré, plus appuyé ou plus léger –, le résultat sera complexe, potentiellement infini dans sa diversité. Tout un monde se crée à travers les innombrables modulations effectives de la main, affectives du regard. Tout un monde de formes que savait si bien décrire Henri Michaux :